Le premier semestre de l’année 2020 a été rythmé par la crise sanitaire du COVID-19, qui continue encore d’impacter nos économies, nos vies et nos manières de travailler. Cette crise fut accompagnée de l’avènement des solutions de collaboration à distance telles que Zoom, Microsoft Teams, Google Meet, et bien d’autres. Ces outils de collaboration traditionnels ont été largement adopté par de nombreux secteurs et organisations, mais n’offrent pas toujours un niveau d’immersion suffisant pour remplacer efficacement le travail en présentiel. Comment fédérer les équipes, accueillir et former les collaborateurs tout en respectant les recommandations sanitaires ? Comment assurer la continuité de nos activités à distance ? Par quel moyen favoriser l’intelligence collective ? Quels sont les leviers pour stabiliser, voire augmenter, les ventes dans ce contexte ?
Si ces questions sont nécessairement pluridimensionnelles, les technologies de réalité immersive peuvent sans doute y apporter des éléments de réponse, en nous permettant de réinventer nos façons d’interagir, et en apportant une dimension d’immersion supplémentaire par rapport aux outils traditionnels. Si ces derniers sont faciles d’accès et d’utilisation, les technologies immersives offrent une expérience utilisateur plus proche des rapports sociaux que nous pouvons entretenir en présentiel, augmentant ainsi l’engagement de l’utilisateur. Les coûts d’implémentation de ces technologies étaient historiquement beaucoup plus élevés que ceux des outils traditionnels, mais la diversification du socle technologique au cours de ces dernières années a largement favorisé la démocratisation des technologies immersives dans le monde de l’entreprise. La multiplication des fabricants et donc la réduction des prix par compétitivité, l’apparition des kits XR pour smartphone qui diversifient les points d’entrée, ou encore l’arrivée de nombreux acteurs sur le marché avec des offres de leasing intéressantes, ont permis de largement réduire les coûts associés à de tels projets.
Des cas d’usage qui ont déjà fait leurs preuves
Parmi les divers enseignements à tirer de cette crise inédite, la nécessité de faire preuve d’adaptabilité et d’anticipation apparaît comme le plus évident. Pour servir cet objectif, de nombreux cas d’usage existant depuis plusieurs années connaissent depuis quelques mois un gain d’intérêt notable, pas seulement en tant qu’alternatives acceptables mais bien comme évolutions efficaces des modes de travail. Ces cas d’usage sont des « quick-win » pour quiconque souhaiterait faire un premier pas vers le monde des technologies immersives et sont aujourd’hui relativement facile à mettre en place du fait de la diversité des acteurs et des outils présents sur ces segments. Voici quelques exemples de tels cas d’usage sur les secteurs d’activité considérés :
Considérons pour commencer le secteur de l’industrie : celui-ci fait aujourd’hui face à des problématiques d’accueil des collaborateurs et de formation liées aux contraintes sanitaires de la crise. Il est ainsi nécessaire de revoir les parcours d’arrivée de nouveaux collaborateurs, ainsi que les moyens mis à disposition pour assurer la montée en compétences de nouveaux opérateurs, par exemple. C’est l’un des défis qui peut être relevé par la formation immersive. Entre expériences dans des environnements vidéos 360°, formations en amphithéâtre virtuel ou encore mises en situation de travail dans un environnement 3D virtuel, les formations immersives offrent aujourd’hui de nombreuses possibilités s’adaptant à tout type de formation. Les industries s’en servent par exemple pour former leurs collaborateurs à des gestes de manutention, à des règles de sécurité ou encore à la manipulation de machines complexes et dangereuses.
Les promesses des formations immersives sont ainsi nombreuses mais simples : compléter ou remplacer les parcours d’apprentissage classiques à travers des outils qui augmentent la concentration et l’implication émotionnelle des collaborateurs.
L’assistance augmentée, à travers des outils de réalité mixte, est un deuxième cas d’usage à forte valeur ajoutée dans l’industrie. Lors d’opérations de maintenance, à hauts risques ou non, les opérateurs peuvent disposer d’un outil de réalité mixte, qui leur permet à la fois de visualiser leur environnement réel et des informations 3D, telles que des instructions en temps réel. Qu’il s’agisse d’un casque dédié ou encore d’une application sur smartphone, le but est de guider l’opérateur dans ses différentes tâches. Cela lui permet d’avoir à tout moment les informations nécessaires à la maintenance sans quitter des yeux sa machine : un apport en matière de sécurité, de concentration et d’efficacité.
Dans le domaine du retail, il est capital de s’intéresser au parcours du client et à son expérience d’achat. Les technologies immersives peuvent venir compléter ce parcours et mettre les clients dans les meilleures conditions d’achat, augmentant ainsi le taux de transformation. On identifie ainsi des cas d’usage largement plébiscités comme par exemple la visualisation d’objets : projeter l’image virtuelle d’un objet dans son environnement réel à l’aide de la réalité augmentée.
Aujourd’hui, les consommateurs se retrouvent plus ou moins limités dans leurs déplacements et les centres commerciaux voient leur fréquentation baisser : ce type d’outil représente donc un apport de taille pour booster les ventes. Ces expériences de réalité augmentée viennent ainsi en soutien des outils de publicité traditionnels et des sites e-commerce, en permettent par exemple de visualiser avec son téléphone un produit qui nous intéresse dans son environnement cible (un intérieur de maison par exemple). Le client peut ainsi essayer plusieurs positions, localisations ou encore versions du produit en un simple clic sur une application, et dispose donc d’un parcours d’achat plus complet et plus impactant, ce qui va contribuer à l’augmentation des ventes.
Les technologies immersives ont également leur place dans les points de vente physiques via les cabines d’essayage augmentées. Ces cabines permettent aux clients de visualiser sur un écran le rendu d’un vêtement sur eux. Dans un contexte de crise sanitaire où les cabines traditionnelles sont fermées ou sujettes à de longues files d’attente pour respecter les mesures sanitaires, ces technologies permettent à la fois de limiter les risques de contamination, mais également de réduire les taux de retours. Ainsi, les utilisateurs de la cabine peuvent changer les modèles, les coloris des vêtements et accessoires à visualiser, qu’ils soient disponibles dans le point de vente physique ou non. C’est une réelle transformation des usages d’achat, en redonnant de la valeur au point de vente physique : le client n’y va plus nécessairement pour acheter ce qui est disponible en magasin, mais plutôt pour effectuer des essayages sur tout le catalogue de la marque.
Pour tous les métiers de design d’objets, de machines ou encore de bâtiments par exemple, la réalité virtuelle a également déjà fait ses preuves. Ces technologies permettent ainsi de répondre à deux enjeux majeurs de ce secteur : la création rapide des concepts et des maquettes et leur visualisation en haute-fidélité. Tous ces métiers sont déjà familiers de la conception assistée par ordinateur. La réalité virtuelle vient se placer à cette étape de la conception d’un produit et améliore le processus en permettant aux designers de visualiser et collaborer autour d’un modèle 3D à travers des casques de réalité virtuelle ou augmentée.
Dans un contexte qui rend les déplacements difficiles voire impossibles, ces processus clés peuvent ainsi être maintenus à distance : ce sont des économies de déplacements et donc des gains de temps et d’argent. Dans l’architecture et le bâtiment, ces technologies peuvent également permettre aux designers de visiter leurs modèles 3D en réalité virtuelle.
Au-delà des designers, il peut arriver que les utilisateurs finaux d’un produit soient amenés à le tester après la phase de maquettage, et que leur avis implique des modifications : c’est le cas par exemple dans la conception d’hélicoptères ou de voitures de course. La réalité virtuelle peut encore intervenir ici, en permettant aux pilotes de s’installer dans une maquette 3D et de visualiser l’intérieur des cabines, de donner leur avis en temps réel sur la conception de ces machines et donc d’éviter des phases de construction coûteuses de maquettes à taille réelle.
Terminons enfin par deux secteurs particulièrement touchés par la crise : le tourisme et l’événementiel. Plus que jamais, ces secteurs ont comme défi principal de rentabiliser les expériences inoubliables proposées à leurs clients, avec comme obstacles les restrictions de déplacement et de rassemblement partout dans le monde. Nous avons ainsi vu cette année l’émergence d’événements en réalité virtuelle, de salons tels que le Laval Virtual 2020 ou encore des conférences comme celle du Vive Ecosystem. Ces expériences avaient pour but de virtualiser des lieux de rassemblement et ont permis de maintenir des sources d’informations et de divertissement importantes en cette période. Plus qu’une solution de recours, les chiffres de ces divers rendez-vous ont montré qu’une telle virtualisation avait également permis de toucher plus de pays différents que les événements physiques des années précédentes. Pour le tourisme, dans un contexte de limitation des déplacements, les enjeux sont de valoriser les territoires pour maintenir le lien avec la clientèle. Il est ainsi possible de créer des expériences et des parcours de visite virtuels : un musée ou une galerie d’art peuvent réaliser des parcours thématiques en vidéo 360°, à explorer à travers des casques de réalité virtuelle, ou tout simplement avec l’écran de son smartphone ou ordinateur. Ces expériences permettent ainsi de valoriser le patrimoine à distance.
Quelques pistes pour se lancer et tirer profit de nouvelles opportunités
Les cas d’usages ayant été présentés, la question suivante se pose : comment se lancer et réussir son projet de technologies immersives ?
Une approche pertinente pourrait se résumer en 3 grandes étapes.
L’ANALYSE DU CAS D’USAGE ET LA RECHERCHE DE ROI
Tout d’abord, il est primordial de s’attarder sur le cas d’usage : nous voyons passer de nombreuses applications prometteuses des technologies immersives, d’où la nécessité de confronter ces promesses marketing à la réalité de chaque métier.
Pour cela, une démarche de Design Thinking centrée sur les besoins de vos utilisateurs pourra vous aider à :
- Mieux comprendre les bénéfices de la technologie
- Tester l’ergonomie de la solution
- Penser l’ « expérience utilisateur »
- Voir comment les technologies immersives s’inscrivent dans le parcours quotidien des bénéficiaires.
Vous serez ainsi en mesure d’évaluer la valeur ajoutée de la solution immersive par rapport à d’autres technologies plus basiques.
Selon les configurations, tous les cas d’usages ne présenteront pas de ROI financier, mais d’autres bénéfices qualitatifs peuvent émerger (gain de temps, valeur d’image, augmentation de la sécurité). Il ne faut donc pas hésiter à expérimenter, sachant qu’il existe de nombreuses offres qui permettent de lancer des POC (Proof of Concept) avec un effort d’investissement maitrisé (offres packagées pour explorer et tester des cas d’usage : licence de test, leasing matériel, …). Dans tous les cas, un tel POC est une excellente occasion pour se familiariser avec la XR et éprouver la technologie dans un contexte spécifique.
LA DEFINITION D'UNE STRATÉGIE PLUS GLOBALE POUR EXPLORER LES TECHNOLOGIES IMMERSIVES ET CAPITALISER TOUTES LES INITIATIVES
Idéalement, il est souhaitable d’intégrer le projet dans une stratégie plus globale basée sur une démarche d’exploration qui permettra d’optimiser le ROI et mutualiser certains coûts, notamment ceux liés à la création du contenu 3D.
Ci-dessous quelques idées pour dresser une telle stratégie :
- Créer un hub pour animer la communauté d’early adopters avec à la clé la capitalisation sur toutes les initiatives au niveau du groupe : partage des retours d’expériences, bonnes pratiques, benchmark.
Points de vigilance
- Ne pas se précipiter et faire converger trop vite les groupes de travail / initiatives, se laisser la liberté de POCer des cas d’usage avec des solutions variés.
- Impliquer la DSI assez tôt et la voir comme un coach / miroir de réflexion qui sera capable, avec sa vision 360°, de détecter des freins ou points bloquants liés à l’intégration dans le système d’information.
- Assurer une veille technologique constante : les technologies évoluent vite, il est important de rester connecté à cet écosystème
- Anticiper l’acculturation et la montée en compétence de vos collaborateurs : compétences spécifiques requises (UX Design for XR, …).
LA PREPARATION DU PASSAGE A L’ECHELLE
Après cette phase d’exploration pendant laquelle de nombreuses initiatives foisonneront, vous pourrez préparer le passage à l’échelle qui suppose de considérer les principales dimensions IT :
- Connectivité réseau : dimensionnement de la bande passante, …
- Sécurité des données
- Gestion des devices (outillage, processus, …)
- Gestion du contenu applicatif
La stratégie de création et de diffusion de contenu à destination de solutions immersives de votre entreprise mérite également une réflexion plus approfondie et la construction d’un cadre avec des lignes directrices pour la production de contenu qui répondra entre autres aux questions suivantes :
- Internaliser ou externaliser une expertise « 3D » ? Si les cas d’usage se multiplient et si vous avez des contraintes spécifiques (confidentialité de données, …) il peut devenir intéressant d’envisager la première option.
- Quel format de déploiement privilégier ? Entre web XR, app mobile, pack immersif, …
- Quelle démarche de conception adopter ? Tout comme pour un site web ou une application mobile, l’importance du design de l’interaction devient prépondérante sur ce type d’expérience.
Enfin, la conduite de changement auprès des utilisateurs finaux sera déterminante pour garantir un bon niveau d’adoption de ces outils disruptifs. Ce plan d’accompagnement doit se dessiner dès l’amorce des expérimentations et être affiné en fonction de l’avancement des projets et de la maturité digitale des équipes.
Conclusion
En cette période particulière, les technologies immersives se présentent comme une approche pertinente pour pallier les difficultés liées aux limitations de déplacement et à l’instauration de la distanciation physique. Elle aide à combler ce déficit de rapports humains en nous apportant une surface d’interaction supplémentaire.
Des cas d’usages très concrets sont là, les diverses variantes technologiques permettent de lancer des expérimentations adaptées à presque tous les contextes en entreprise : c’est à vous de jouer maintenant !
Article rédigé avec la participation de Benjamin Borac et Alaa El Boudali