Gérer le système d’information d’une entreprise est une activité qui demande une adaptation constante aux évolutions des besoins clients et aux nouvelles technologies. Les DSI font évoluer leurs modes d’organisation, cherchant à fluidifier certaines activités en cassant les silos ou encore à revoir les modèles de travail avec les directions métiers. Dans ce cadre, de nombreuses DSI de toutes tailles ont notamment expérimenté la mise en place de l’Agilité, parfois sur un ou plusieurs projets ponctuels voire en généralisant ce mode d’organisation.

C’est alors que de nouvelles problématiques voient le jour : Comment généraliser la culture de l’Agilité au sein de la DSI ? Comment fonctionner avec l’ensemble des métiers dans un modèle Agile ? Comment piloter les activités et la performance avec ces nouveaux modes d’organisation ? Des modèles d’organisation Agile à l’échelle ont justement vu le jour afin de répondre à ces questions : SAFe, Scrum of Scrum, LeSS… Si vous souhaitez disposer d’un panorama plus complet des méthodologies d’Agilité à l’échelle, nous vous invitons à consulter cet article.

Les pionniers de l’application de ces méthodologies issues des startups sont des entreprises du CAC40 : pour autant, ces transformations sont-elles réservées à ces grandes entreprises ? Ces nouveaux modes d’organisation sont-ils accessibles et pertinents pour des DSI de taille intermédiaire ? Existe-t-il une taille minimum afin de pouvoir profiter des bénéfices de ces modèles ? Au travers de cet article, nous allons apporter certains éclairages afin de guider les entreprises de taille intermédiaire sur ces questions.

Les promesses de l'agilité à l'échelle

L’Agilité à l’échelle a pour objectif de généraliser les promesses de l’agilité non pas seulement autour d’un produit mais bien de réorienter l’ensemble de l’activité de la DSI vers un mode de fonctionnement Agile : mettre les métiers au centre de la gestion de produits, favoriser un travail d’équipe pluridisciplinaires et autonomes, déployer une nouvelle culture de management…

Les retours d’expérience de nos clients tels que Société Générale ou Allianz, ont déjà montré l’apport de ces méthodes pour les grandes entreprises. Qu’en est-il des entreprises de taille plus intermédiaire ?

Quels sont les prérequis permettant à une DSI d'envisager le passage à l'agilité à l'échelle pour une petite structure ?

D’après nos retours d’expériences, trois principaux prérequis ressortent comme étant structurants dans la capacité d’une entreprise à se transformer :

  • L’existence d’une équipe informatique est un prérequis au déploiement de l’Agilité à l’échelle. Le cas contraire suppose une DSI entièrement externalisée et donc que l’organisation s’appuie sur un ou plusieurs fournisseurs dont elle serait entièrement dépendante. Ce contexte “client — fournisseur” serait alors un frein majeur à la mise en œuvre de l’Agilité à l’échelle et reposerait plutôt sur du sourcing Agile.
  • Maîtriser a minima une partie de ses développements. Il est possible de basculer vers des méthodes agiles grâce à des développements externes, mais ce mode d’organisation suppose une gestion des fournisseurs adaptée, par exemple par la mobilisation à temps plein d’un développeur externe au sein de l’équipe agile interne ou bien par l’externalisation complète d’une équipe de développement agile. Les modes d’organisation en Centres de Services (CdS) seront cependant bien plus complexes à transformer et nécessiteront probablement d’adapter le modèle en profondeur (recours à un centre de compétences pour mettre à disposition certains rôles de façon régulière comme des testeurs agiles par exemple).
  • Avoir déjà expérimenté l’Agile avec succès sur un ou plusieurs produits. La culture Agile nécessite du temps et des retours d’expérience internes afin d’être profondément ancrée dans la culture de la DSI et de l’entreprise. Ces premiers retours d’expériences permettront de tirer des enseignements, tant sur le modèle de livraison applicative que sur l’évolution modèle de management.

La question de la taille de l’entreprise est donc anecdotique, toute équipe remplissant ces critères pouvant faire appel aux méthodologies Agile à l’échelle pour propager l’agilité, cependant les gains seront d’autant plus importants que l’organisation est complexe.

Par ailleurs le déploiement à l’échelle peut inclure des équipes fonctionnant selon un mode traditionnel pour les projets ponctuels ou à charge réduite ne nécessitant pas de constituer une équipe dédiée.

Pourquoi envisager un passage vers un modèle Agile à l'échelle ?

Lors des premières réflexions de généralisation de l’Agilité, il est nécessaire de se questionner sur les enjeux associés à cette volonté de passer à l’échelle. Ceci afin de s’assurer de définir et mettre en place l’organisation, les compétences et les outils adéquats. Ainsi nous constatons chez nos clients trois principaux besoins les menant vers la mise en œuvre d’un projet de passage à l’échelle :

  • Il devient nécessaire de coordonner le travail des différentes équipes (Agile ou non), surtout celles qui ont des adhérences. La gouvernance Agile permet alors d’assurer la coordination, la bonne priorisation des activités et une scalabilité facilitée de la charge de travail.
  • Il y a de la valeur à transformer le reste de la DSI afin de faciliter le travail des équipes Agile, et surtout… d’impliquer la production : l’automatisation, la sécurisation des mises en production et des tests sont clés pour accélérer le time to market et rendre les équipes réellement pluridisciplinaires. En alignant les objectifs des “dev” et des “ops” au sein d’équipes centrées Produit, la DSI s’assure que l’urbanisation est pensée en alignement avec les périmètres fonctionnels des équipes tout en favorisant leur autonomie.
  • L’efficacité et la valeur apportée par une coopération poussée entre métiers et IT lors de précédents projets Agile milite pour généraliser la transformation et éviter le retour à des pratiques traditionnelles. La transformation doit donc être plus large que la DSI, impliquer les métiers et être sponsorisée au plus haut niveau de l’organisation.

Quel est le périmètre de la transformation ?

  • La transformation de la culture d’entreprise, permettant de passer d’une relation “client / fournisseur” à une relation de profonde collaboration.
  • La transformation des modes de management, nécessitant de repenser la place du middle management au sein de l’organisation dans un contexte d’équipes autonomes et responsabilisées.
  • La transformation des outils et méthodes de travail, permettant de tirer les bénéfices opérationnels de l’organisation Agile : pour des ETI dont la culture et le type de management privilégieraient la proximité et la souplesse, l’utilisation des outils et méthodes de l’Agilité à l’échelle peut néanmoins apporter un gain significatif d’efficacité.

Ces trois volets doivent être déclinés de façon complémentaire et pragmatique selon le contexte de l’entreprise et son niveau de maturité Agile.

Quels sont les leviers permettant d'atteindre les gains promis par l'agilité à l'échelle ?

Tout d’abord, il est nécessaire de définir les attendus de la transformation et de cadrer celle-ci. Identifier les attentes des différentes parties prenantes (DG, métiers, SI), les contraintes techniques et organisationnelles afin de construire une vision cible ambitieuse et réaliste dans le contexte unique de l’entreprise. Cette étape nécessite de faire exprimer les freins réels ou imaginaires afin de préparer au mieux la transformation et ses différentes composantes : chantiers organisationnels, techniques et conduite du changement.

S'assurer du meilleur niveau de sponsoring

Les entreprises peuvent parfois sous-estimer l’importance de faire incarner la transformation au bon niveau, alors même que cette transformation exige une implication de toutes les strates de l’organisation pour assurer son succès, il est essentiel de :

  • Disposer d’un sponsor au meilleur niveau, idéalement au niveau de la Direction générale afin d’assurer une transformation globale de l’entreprise et non pas uniquement axée sur la DSI.
  • Embarquer le management dans la transformation et assurer un partage transverse des enjeux et notions du modèle.
  • Diffuser une culture de l’exemplarité et de bienveillance mutuelle en particulier dans la phase de transition.
  • Mobiliser le Top management tout au long de la transformation, à l’aide d’une gouvernance assurant la transformation opérationnelle mais également managériale

Responsabiliser les équipes

L’auto-organisation et la responsabilisation des équipes est un élément clé des transformation agiles. Cette responsabilisation a de nombreux impacts sur le modèle RH et la culture de l’ETI. Il est alors nécessaire de :

Redéfinir les rôles, définir et communiquer le nouveau modèle. La redéfinition des rôles sur un format d’agilité à l’échelle vise à apporter une proximité plus importante entre métiers et SI au sein de la nouvelle organisation. Ce projet est une opportunité pour valoriser le travail global de la DSI et ainsi de renforcer ses activités régaliennes..

  • Comprendre l’impact de la transformation sur les nouveaux et anciens rôles : pour s’assurer d’une cohérence globale des applications et de permettre aux équipes agiles de s’auto-organiser, qu’attend-on du ou des architectes ? La sécurité est-elle bien formée à l’agilité ? Les contrats avec les prestataires sont-ils adaptés ?
  • Préciser les attentes pour chacun des rôles et définir les interactions entre ceux-ci : ce travail ne peut qu’être effectué avec les équipes opérationnelles, par exemple grâce à des uses cases ou au bout de quelques mois de déploiement pilote.
  • Attribuer les rôles de façon pragmatique à des collaborateurs volontaires et engagés et s’assurer de leur réalisation.
  • Ne pas hésiter à créer des rôles transitoire ou spécifiques en fonction des besoins soulevés (exemple : responsable intégration agile, priorisation chantiers techniques…)
cyber attack france

Repenser la place du management de manière à accompagner au mieux les équipes responsabilisées :

  • Repositionner le rôle du manager pour faciliter le passage d’un manager décideur, représentant directif de l’autorité, au manager servant leader (facilitateur), animateur favorisant l’émergence et l’expression des potentiels : définition des objectifs, élaboration budgétaire, évaluation des collaborateurs, déclinaison de la stratégie… toutes ces prérogatives managériales doivent être passées au crible afin de les rendre cohérentes avec les nouveaux rôles.
  • Accompagner le management dans l’appropriation et la déclinaison de ces rôles : cet accompagnement peut être réalisé par un coaching personnalisé ou encore par un groupe de co-développement.

Diffuser la culture agile et embarquer dans la transformation

La transformation n’a de sens que si elle est portée par tous.

Partager largement autour du nouveau modèle :

  • Communiquer les notions et méthodologies Agiles à l’échelle.
  • S’assurer de la compréhension par les collaborateurs et embarquer les équipes opérationnelles dans la définition et le déploiement du modèle.
  • Choisir collectivement le cadre méthodologique, les termes et les principes qui seront mis en œuvre.

Accompagner la transformation pas à pas en coachant les équipes pour garantir l’alignement avec les principes et s’appuyer sur des champions internes pour être les ambassadeurs des bénéfices de la transformation.

Piloter la transformation de manière agile :

  • Déployer un modèle flexible afin de pouvoir s’ajuster aux évolutions du contexte de l’entreprise.
  • Communiquer sur les premiers succès et répandre les bonnes pratiques est clé et permet l’ajustement et l’appropriation du modèle par les équipes.
  • Valoriser le droit à l’erreur pour permettre l’évolution du modèle sans mettre en échec la transformation dans son ensemble, notamment dans un contexte de culture française laissant historiquement peu de place à l’échec !

Enfin, cette transformation d’envergure nécessitera qu’un dialogue de haut niveau soit maintenu entre Direction Générale, Métier et DSI afin de s’assurer de l’atteinte des objectifs de la transformation de manière à en tirer le maximum de bénéfices.

Ces leviers sont autant de pistes de réflexions que nous proposons à nos clients de taille intermédiaire pour leur permettre de guider leur activité vers un modèle opérationnel agile adapté aux exigences de rapidité et d’adaptabilité de leur secteur : Fortuneo et l’AMF se sont déjà lancés dans l’aventure.

Conclusion

En conclusion, l’agilité se démocratise pour l’ensemble des DSI, sans prérequis de taille critique mais nécessitant d’adapter le modèle d’organisation et les outils employés aux spécificités et à la culture de votre organisation. La montée en puissance de l’agilité doit alors se faire progressive de manière à pouvoir profiter des premiers succès pour donner envie et élargir la transformation dans un second temps. Enfin un sponsoring de la Direction Générale est un facteur-clé de succès prédominant pour la réussite de votre projet de transformation, ce qui pourrait s’avérer finalement être un levier plus facile d’accès pour votre ETI que pour un grand groupe !

Cet article est également disponible sur notre blog Meetech, notre magazine Innovation & Technologies.