Après une première génération de Projets de Rénovation Urbaine (PRU) dans le cadre du Programme National de Rénovation Urbaine (PNRU), une seconde vague de projets est en cours d’élaboration sur l’ensemble du territoire français : 200 quartiers d’intérêt national et tout autant de projets d’intérêt régional sont ainsi ciblés dans le Nouveau Programme National de Renouvellement Urbain (NPNRU).
Plusieurs changements majeurs marquent cette seconde étape :
- des quartiers sélectionnés pour leurs dysfonctionnements urbains au sein d’une « géographie prioritaire de la Politique de la Ville » resserrée et déterminée par un critère unique (la concentration territoriale de la pauvreté des habitants) ;
- l’association renforcée des habitants à l’élaboration des projets ;
- l’élaboration et la mise en œuvre d’un protocole de préfiguration avant la signature de la convention elle-même ;
- l’articulation de cette convention avec le contrat de ville et la mise en place d’un projet territorial intégré ;
- une gouvernance des projets assurées par les EPCI, etc.
Cependant, l’évolution la plus marquante pour ces projets et surtout pour les maîtres d’ouvrage signataires de la convention devrait être la chute des financements ANRU : 5 milliards[1] d’€ d’équivalent subvention[2] sont aujourd’hui prévus contre 12,5 milliards d’€ de subventions sur le premier PNRU. Côté collectivités territoriales, la situation budgétaire est déjà tendue (l’État réduit là aussi ses dotations). Ainsi, si le besoin de poursuivre le programme et la motivation des acteurs locaux sont toujours bien présents, l’équation financière est, elle, plus difficile à résoudre.
L’année 2016 sera marquée partout en France par la mise en œuvre des protocoles de préfiguration : études urbaines, sociales, techniques, environnementales, etc. doivent permettre de préciser la vocation du quartier dans l’agglomération, une programmation urbaine et sociale, un calendrier, le mode de gouvernance et un budget finançable.
Il y a donc fort à parier que les financements ANRU se porteront sur les opérations :
- où la situation est jugée la plus prioritaire – sachant que parmi les 200 quartiers, il sera difficile de procéder à cette hiérarchisation ;
- là où les conventions auront abouti le plus rapidement et dans le respect de la nouvelle méthodologie de programmation urbaine développée par l’ANRU ;
- et surtout là où les porteurs de projet auront su travailler l’équilibre économique de leur opération, en mobilisant raisonnablement les financements publics.
De quelles solutions disposent les maîtres d’ouvrage pour travailler sur l’équilibre des opérations ?
Sans viser à l’exhaustivité ni à la solution miracle, voici quelques pistes pour travailler sur l’équilibre des opérations :
Changer les règles du jeu
L’objectif est de penser l’opération ANRU comme une action d’ensemble pour calibrer correctement les opérations prévues, sans passer par une opération d’aménagement (ZAC, concession, PUP, etc.) dont le montage est relativement lourd. La technique du bilan d’aménagement peut cependant sembler intéressante pour travailler un équilibre entre le niveau de qualité demandé, les montants investis et le retour sur investissement attendu par les maîtres d’ouvrage (que cela soit en soit en terme d’attractivité nouvelle – et indirectement d’impôts ou de loyers perçus – ou de facilité d’entretien).
Cette réflexion peut conduire les porteurs de projet et maîtres d’ouvrage à s’interroger le périmètre d’intervention, voire à réfléchir l’opération sur plusieurs sites coordonnés. Cela permettrait ainsi de faciliter les opérations de relogement et de reconstitution de l’offre, et de répondre de manière opérationnelle au besoin de définir la vocation du quartier dans l’agglomération.
Augmenter le nombre de joueurs et miser sur le partenariat
Dans le même ordre d’idée, travailler sur les montages publics/privés est une autre piste. Intégrer et identifier dès le démarrage de l’opération des opérateurs privés du logement, du commerce, etc., pour contribuer au montage de l’opération ANRU a plusieurs vertus :
- Vérifier la faisabilité de l’opération avant son lancement à proprement parler, notamment en ce qui concerne le montant des charges foncières ;
- Construire des rapports privilégiés avec un ou plusieurs promoteurs et engager une réflexion sur une intervention à l’échelle de la ville ou de l’agglomération ;
- Ne pas laisser la Foncière Logement (AFL) seule dans une stratégie « passive » de diversification de l’offre mais construire une stratégie intégrée et partagée avec l’ensemble des acteurs du logement : service habitat/logement des collectivités, bailleurs sociaux, AFL, promoteurs privés.
Le travail sur un produit logement adapté et l’innovation en matière de modularité ou de montage avec davantage de mixité fonctionnelle et/ou sociale à l’échelle d’un bâtiment ou d’un îlot (permis valant division, VEFA, VEFA inversées, etc.) peut émerger d’un partenariat public/privé mis en place le plus en amont possible du projet.
Valoriser les cartes que l’on a en main
La valorisation d’un patrimoine existant est au cœur des dynamiques de renouvellement urbain. La proposition consiste ici à croiser deux optiques qui ont parfois eu du mal à dialoguer lors de la première génération du PNRU : la valorisation d’un territoire (objectif en général poursuivi par la collectivité) et la valorisation d’un patrimoine (objectif en général poursuivi par les bailleurs ou propriétaires).
Ceci passe notamment par un travail sur l’articulation entre le Plan Stratégique de Patrimoine (PSP) et la convention ANRU. La révision des PSP, obligatoire pour tous les bailleurs, les amène à diagnostiquer l’ensemble de leur patrimoine en termes de fonctionnement socio-résidentiel, d’occupation sociale, d’état technique (qualité du bâti, adaptation aux normes, etc.), d’attractivité au sens large, de contribution de chaque résidence à la capacité d’autofinancement de l’organisme, etc. Ce diagnostic aboutit à la définition d’orientations stratégiques et d’un plan d’actions inscrit dans le budget du bailleur. Le PSP apporte ainsi un éclairage essentiel aux partenaires locaux de la politique de l’habitat pour programmer des interventions qui répondent aux enjeux patrimoniaux des bailleurs, souvent maîtres d’ouvrage centraux des conventions.
La valorisation du patrimoine existant passe également par un travail sur les potentiels de densification foncière, notamment du foncier propriété des organismes HLM, afin de dégager de nouvelles marges de manœuvre financières et des nouvelles capacités d’investissement. Par exemple, cela consiste à produire une analyse des potentiels de surélévation de bâtiments existants mais surtout de valorisation des délaissés et des « vides urbains ». On peut aussi penser au réaménagement de parcelles sous-utilisées (parkings notamment) ou à la démolition / reconstruction de résidences dégradées. Cette analyse peut là aussi alimenter une stratégie de renouvellement urbain.
Ainsi, si la dimension urbaine et sociale des projets de renouvellement urbain doit rester au cœur de la stratégie des conventions à venir du NPNRU, la dimension économique sera elle aussi primordiale dans un contexte budgétaire beaucoup plus contraint que précédemment. La réglementation s’est d’ailleurs complexifiée (amiante, handicap, énergie, etc.) et pèse sur les maîtres d’ouvrage. Ces contraintes, réelles, sont également autant d’opportunités pour aboutir à des projets équilibrés et véritablement partenariaux.
[1] Financés à hauteur de 93% par Action Logement.
[2] 4,2 milliards de subventions et 0,8 milliards d’équivalent-subvention qui correspondent au différentiel de taux sur des prêts bonifiés.