Le cœur financier des grandes entreprises bat au rythme des cycles de pilotage de la performance. D’autant plus qu’il alimente également les échanges avec leurs actionnaires ou les représentants de ceux-ci, les analystes, … tous soucieux des résultats et des grandes orientations que prend l’entreprise.

Le cycle de pilotage de la performance s’articule ainsi autour de cinq grands objectifs : se doter d’une vision stratégique à moyen et long terme, identifier les besoins en ressources et les opportunités de réallocation, mettre en place des plans d’actions adéquates pour répondre aux exigences business, définir les éléments permettant d’évaluer la performance de l’entreprise et la performance individuelle, et bien sûr, fournir les clés de lecture essentielles à une communication auprès des actionnaires.

Enjeu fondamental, à la fois source d’inquiétudes inhibitrices et de promesses mobilisatrices

Les critiques à l’égard du quadriptyque Plan / Budget / Reporting / Reprévision, qui supporte de façon traditionnelle les cycles de pilotage de la performance, sont nombreuses et au ton souvent acerbe. Pour autant, le passage à l’acte et le lancement de projet de transformation d’envergure restent rares.

En premier lieu, il est vrai que le pilotage de la performance d’une entreprise dépasse sa dimension purement financière : il est ainsi à la fois étroitement lié à l’environnement business, auquel il doit répondre et sans cesse s’adapter, et ancré dans le quotidien des organisations, sollicitant l’ensemble de la ligne hiérarchique. À ce titre, son empreinte sur l’entreprise est très étendue : fixation des objectifs et distribution des bonus, maintien de la confiance entre chaque niveau de l’organisation, qualité des données sur lesquelles s’appuyer et capacité à anticiper et prendre les bonnes décisions au moment opportun.

Ajoutons à ce portrait le mot « transformation » et il n’en faut pas plus pour faire de la transformation du pilotage de la performance un enjeu central, source paradoxale d’inquiétudes et aussi… de grandes promesses. Le challenge de ce type de projet est donc double : accompagner toute l’organisation dans les changements fondamentaux qu’elle aura choisis et faire de ces promesses un cercle vertueux dont chacun pourra voir les bénéfices. Par ailleurs, ces projets sont consécutifs, ou s’inscrivent souvent, dans des périodes dites VUCA [Volatile, Uncertainty, Complexity and Ambiguity], rendant l’exercice de transformation d’autant plus à risque.

Une « soft revolution » plutôt qu’un « big bang »

Si les projets de transformation résonnent souvent comme un « big bang », une telle approche paraît ici totalement inadaptée : transformer simultanément l’ensemble des éléments qui composent le modèle de pilotage de la performance aurait valeur de traumatisme et ne permettrait pas la mise en place du cercle vertueux et la concrétisation des bénéfices déjà évoqués. C’est une toute autre approche que la transformation du pilotage de la performance doit convoquer. Deux grands leviers permettent d’y répondre : le lien tissé et sans cesse entretenu avec l’ensemble de l’organisation, et la capacité à choisir les éléments clés sur lesquels le nouveau modèle devra s’appuyer et le séquencement de leur mise en œuvre.

BEYOND BUDGETING : ou comment résoudre les conflits du budget pour permettre davantage d’anticipation et d’agilité dans le pilotage de la performance ?

 

Sur ce dernier point, deux sociétés du CAC40, dans le cadre de mise en place du modèle Beyond Budgeting [voir encadré ci-contre], ont fait des choix radicalement différents dans le séquencement de leur transformation du pilotage de la performance. Si le groupe Michelin, leader dans la fabrication des pneumatiques, a privilégié la mise en place d’une Balance Scorecard, pour s’affranchir, dans un second temps, du budget, le groupe Danone, leader mondial des produits laitiers frais, a fait de son « farewell budget » le point de départ de l’implémentation successive de chacune des briques de son nouveau modèle de pilotage de la performance. Ce choix est un signal d’autant plus fort qu’il marque l’entrée de toute l’entreprise dans un nouveau mode d’animation de la performance, impactant non seulement la communauté Finance, mais l’ensemble de l’organisation (des Directeurs Généraux aux fonctions Opérations, Marketing, Ventes, Ressources Humaines).

Faire de chacun un ambassadeur du modèle

L’accompagnement de l’organisation dans le déploiement du nouveau modèle de gestion prend alors tout son sens. Si le lancement de chaque nouveau processus du cycle de gestion s’accompagne d’une diffusion de la documentation appropriée, de formations des populations impactées ainsi qu’une sensibilisation des managers, la clé du succès de cette « soft revolution » est ailleurs. Il s’agit de mesurer l’appropriation du nouveau modèle en multipliant les remontées d’informations (via des enquêtes ou interviews), en suivant l’avancement du déploiement et en arbitrant si nécessaire les points de blocage au niveau COMEX. Ce dialogue perpétuel entre le projet et l’organisation doit être renforcé par la mise en place de communautés (type intranet, Facebook@work) permettant de partager « best practices » et « success stories » ; autrement dit capter et échanger les bénéfices du cercle vertueux, et faire de chacun un acteur et un ambassadeur du modèle.

L’immuabilité du modèle de pilotage, la qualification d’utopie ou de trop grand risque de sa transformation sont donc des constats trompeurs, que le faible nombre de projets d’envergure accrédite trop facilement. L’expérience de grands groupes au cœur de ce type de transformation donne finalement raison à ce qui pourrait être un leitmotiv : « ne pas renoncer ». A se challenger. A se réinventer.