Connectivité, vente en ligne, électrification… à l’aune des grands changements du secteur automobile, les réseaux de concessions entament le virage le plus périlleux depuis leur création.
Interlocuteur historique des constructeurs et consommateurs, le concessionnaire conseille, vend, assure les livraisons, répare… Un rôle inchangé depuis sa création. Mais les transformations récentes ou à venir dans le secteur automobile vont entraîner dans leur sillage des modifications tout aussi visibles dans les concessions :
/ Quelle place laissée par le e-commerce aux concessionnaires historiques sur le conseil et la vente ?
/ Quels relais trouver à la maintenance, avec le passage vers le tout électrique ?
/ Quelles transformations nécessaires pour accompagner l’essor d’offres digitales ?
E-commerce : vers une fin programmée des rôles de prescription et de vente des concessionnaires
Aidés par internet dans leur phase de recherche d’information et d’évaluation d’alternatives, les futurs acheteurs de véhicule sont de plus en plus avisés au moment de leur arrivée en concession. Une évolution du processus de prise de décision privant les concessionnaires physiques de leur rôle traditionnel de prescripteur. La vente sera-t-elle la prochaine étape ?
La vente en ligne permet pour la première fois aux constructeurs d’adresser directement leurs clients finaux. Pour Thierry Koskas, Directeur Commercial du groupe Renault, les concessions ne seront bientôt plus qu’un canal complémentaire au e-commerce[1].
D’autant que les pure players du e-commerce viennent menacer la domination de ce canal. En 2016 et 2017, Amazon a ainsi éprouvé le marché de la vente en ligne de véhicule neuf au cours de plusieurs expériences ponctuelles avec les constructeurs Fiat, Opel et Hyundai. Un succès s’expliquant notamment par une réduction du prix de vente final oscillant entre 20% et 30%.
Les chiffres[2] sont là : le nombre de visites client en concession est passé de 5 visites à 1,4 visite en moyenne.
Le digital, bête noire des concessions ? Pas totalement, car voir et toucher son futur véhicule est encore jugé essentiel par la majorité des clients dans leur décision d’achat, étape qui pourrait néanmoins être partiellement digitalisée grâce au développement de la réalité augmentée.
Electrique : les concessions privées des activités d’après-vente à long terme
Aujourd’hui, 40% du chiffre d’affaires des concessionnaires (et une part bien plus grande de leurs bénéfices) provient de la vente de produits et pièces détachées.
Déjà en 2015, le journal l’Argus titrait « Les distributeurs perdent pied en après-vente » et présentait les prévisions de TCG Conseil (étude commanditée par la branche des concessionnaires VP du CNPA[3]) qui étaient peu optimistes pour les années à venir : les concessions perdraient encore 4 % d’ici à 2018 du marché de l’après-vente et 6,8 % d’ici à 2022 au profit notamment des réseaux indépendants.
L’essor du véhicule électrique (encore fragile en 2018 mais prometteur dans les prochaines années) ne devrait qu’amplifier cette « descente aux enfers » du marché après-vente des concessionnaires du fait de :
- La diminution des pièces mécaniques sur l’électrique,
- L’allongement des intervalles de révision, abaissant ainsi le nombre d’opérations de maintenance et services associés.
Cette menace implique de trouver de nouvelles sources de rémunération pour les concessionnaires à long terme ; et ce, même si les modèles de véhicules hybrides, dont la mécanique allie pièces thermiques et électriques, permettent de tempérer ce risque, car ils nécessitent des opérations de maintenance plus complexes et plus chères.
Mais l’électrique a un atout dans sa manche : technologiquement plus complexes que les véhicules thermiques, les véhicules électriques nécessitent des opérations de maintenance quasi irréalisables par des particuliers. De plus, ils s’accompagnent d’une nouvelle partie coûteuse : la batterie. Sa location et son rechargement pourraient être une nouvelle source de revenus.
Véhicule connecté : l’espoir de renouveau ?
A l’heure où la connectivité bouleverse les constructeurs automobiles (cf. Véhicules connectés : une révolution à l’avantage des constructeurs historiques ?), les concessions ne sont pas en reste. En effet, l’offre digitale d’un véhicule connecté se rapproche de celle d’un smartphone. Les concessions automobiles se dotent ainsi de compétences inspirées du secteur des télécoms pour accompagner la décision d’achat. Elles accueillent, en centre-ville, des Conseillers Digitaux au sein de Digital Corners, pensés pour mettre en avant les services connectés des véhicules et enrichissent leurs prestations digitales afin de mettre l’expérience d’achat au premier plan (cf. Expérience d’achat automobile : des standards boostés par l’arrivée des véhicules connectés).
Mais le rôle des Conseillers Digitaux ne doit pas s’arrêter à la décision d’achat ! La mise en main d’un nouveau véhicule est une étape clé aujourd’hui trop souvent négligée, notamment sur ces nouveaux services connectés parfois mal maîtrisés par les automobilistes.
“Les concessions peuvent devenir un partenaire clé des constructeurs pour faire de ce marché le nouvel eldorado tant attendu par les constructeurs.”
Avec seulement 10% des conducteurs activant aujourd’hui les fonctionnalités digitales de leur véhicule, il semble encore difficile de faire des services connectés un véritable levier de croissance pour les constructeurs. Les concessions peuvent devenir un partenaire clé des constructeurs pour faire de ce marché le nouvel eldorado tant attendu par les constructeurs. Mais, attention, la transformation est importante côté concessionnaire car elle repose sur des nouvelles compétences spécifiques.
Si ces trois bouleversements sont évoqués ici ensemble, il convient néanmoins de souligner qu’ils n’apparaîtront pas de concert, et les concessionnaires doivent prévoir de s’y adapter progressivement :
- Le véhicule connecté est déjà une réalité en plein boom…
- … tandis que la vente en ligne est en train d’émerger.
- Quant au véhicule tout électrique, si plusieurs modèles sont déjà commercialisés depuis plusieurs années, les volumes restent à ce jour limités, et son essor devrait être plus tardif.
En parallèle, d’autres transformations majeures vont impacter considérablement le business modèle des concessionnaires. Les nouveaux modes de consommation de la mobilité, passant de la possession de véhicule à l’usage de service de mobilité (25% des clients considèrent désormais la propriété d’un véhicule comme non essentielle[4]), vont diminuer les ventes B2C au profit du B2B tout en changeant l’image de marque des constructeurs. Sur le long terme, le véhicule autonome va accentuer ce changement de consommation tout en provoquant d’autres transformations encore plus profondes.
[1] Article Le Parisien – automobile-des-points-de-vente-en-pleine-revolution-numerique-08-03-2017
[2] Imagine tomorrow’s car dealership – Eurogroup – Décembre 2016
[3] Conseil National des Professions de l’Automobile
[4] Imagine tomorrow’s car dealership – Eurogroup – Décembre 2016