Par l’ampleur de l’épidémie et sa rapidité de propagation, le Covid-19 a profondément bouleversé les acteurs de la santé du monde entier. Si le secteur était d’ores et déjà régi par des contraintes organisationnelles et budgétaires, il a plus que jamais été amené à devoir trouver des réponses et solutions dans l’urgence.
Développement de nouveaux outils numériques et collaboratifs, d’applications, d’algorithmes, recours au machine et au deep learning… Eprouvées ou expérimentales, ces innovations sont venues asseoir au cours de la crise l’importance du recours au numérique dans le secteur de la santé et mettre en lumière ses enjeux de transformation pour demain.
Au travers de cet article, Wavestone propose de dresser un panorama de ces initiatives diverses ainsi que des enseignements qui peuvent être tirés pour concrétiser la transformation numérique du secteur de la santé tout en plaçant l’usager au cœur de la démarche.
1/ Un foisonnement d'initiatives innovantes au service de la santé
Diagnostiquer et dépister le virus, contenir et anticiper sa propagation, garder le contact avec les patients même à distance, accompagner les acteurs de la santé dans leur réorganisation… Si les défis à relever dans le cadre de la crise du Covid-19 ont été nombreux, les initiatives numériques cherchant à y répondre ont été foisonnantes (1). Wavestone vous en propose un état des lieux au travers des usages qui en ont été faits à travers le monde et de premiers éléments d’analyse.
Accompagner le personnel soignant dans sa gestion de la crise
Au cœur de la crise, le recours aux nouvelles technologies a pu permettre de visualiser en temps réel les places de réanimation sur tout un territoire pour optimiser les affectations (2) ou encore de libérer rapidement des lits grâce à des robots autonomes désinfectant les pièces (3). La question de l’approvisionnement en matériel et équipement de protection a été traitée par des initiatives relevant de la blockchain (4) ou le développement d’outils numériques indépendants. Ainsi, la Métropole de Nice a élaboré son propre système de « drive-masque » (5), auquel s’est intéressé Microsoft dans la perspective de généraliser ce type d’initiative et de les mettre à disposition pour d’autres collectivités. Les plateformes de formation et d’information à destination du personnel soignant ont permis à ces derniers d’affiner leurs connaissances de la pathologie et de l’évolution de la pandémie.
Expérimenter des solutions « e-santé » dans des conditions éprouvantes
Cette crise a été l’occasion d’éprouver l’usage de certaines technologies confrontées à un déploiement rapide. L’explosion du recours aux plateformes de téléconsultation en a été révélateur : si ces solutions existaient avant la crise, l’assouplissement réglementaire régissant leur utilisation en a permis une diffusion plus large (6). En outre, la « e-santé » est identifiée comme un moyen à plus long terme de répondre aux contraintes organisationnelles et de repenser l’offre de soin, notamment dans des territoires ruraux ou bénéficiant d’une offre de soin et d’une démographie médicale restreintes (7).
Accélérer le recours à l’intelligence artificielle
Bien que déjà présentes dans le secteur de la santé, les solutions basées sur une intelligence artificielle, que ce soit au travers d’analyses d’images, du machine et du deep learning, de la datascience ou encore de la robotique, ont été particulièrement sollicitées. On retrouve ainsi des usages allant du diagnostic et dépistage du virus à la prévention et l’anticipation de sa propagation en passant par la recherche de traitement. Par exemple, une application suisse a été développée pour diagnostiquer le virus chez un patient à partir de l’enregistrement de sa toux (8), projet parmi tant d’autres ayant pour ambition d’effectuer des dépistages massifs. Si toutes ces initiatives n’ont pas forcément été concluantes et demeurent au stade expérimental, leur essor reste prometteur quant au rôle que ces technologies joueront dans la santé de demain.
Favoriser la collaboration entre les acteurs
Comment s’y retrouver parmi le flot d’informations sur le virus en provenance du monde entier ? Comment mettre à disposition ses découvertes et capitaliser sur celles des autres ? Telles sont les questions auxquelles ont tenté de répondre des initiatives qui ont placé l’aspect collaboratif au centre de leurs réflexions : collaboration internationale d’une part, avec des machines permettant de lire et synthétiser la littérature scientifique disponible à travers le monde dans différentes langues afin de rechercher un traitement ; collaboration entre professionnels de la santé et acteurs de la société civile d’autre part, avec la création de la plateforme OpenCovid19 (9) visant à concevoir des solutions pour répondre à la crise et les mettre à disposition sur une plateforme ouverte.
L’essor de ces initiatives a été permis par un contexte particulier, marqué par un assouplissement réglementaire et de moindres contraintes humaines et budgétaires, certaines s’appuyant sur du volontariat, du mécénat de compétences ou encore la mise à disposition de ressources.
Dans ce contexte, comment capitaliser sur l’ensemble des compétences et techniques mises à disposition pour améliorer le système de santé ?
2/ S'appuyer sur les enseignements de cette période pour dessiner la santé de demain
Les cas d’usages identifiés dans notre radar permettent de mettre en lumière les grands enjeux de la transformation numérique de la santé de demain :
Concrétiser l’interopérabilité des systèmes d’information et la valorisation des données de santé
La question de la dynamique commune à ces innovations sera primordiale pour imaginer un ensemble de systèmes d’information interopérables. Le patient, placé au centre d’une démarche usager, pourrait ainsi bénéficier d’un parcours de santé dématérialisé, qui constituerait en outre une aide précieuse pour la décision médicale. Les travaux initiés par l’Agence du Numérique en Santé avec la création du Cadre d’Interopérabilité des Systèmes d’Information de Santé (CI-SIS) (10) sont essentiels pour mettre en œuvre une stratégique numérique globale en santé.
Le Health Data Hub (11) se trouve au carrefour entre cette ambition de valorisation des données disponibles et leur indispensable sécurisation. Cette problématique de la sécurité des données personnelles de santé a plus que jamais été au cœur du débat public avec les questionnements nés autour du déploiement d’applications de traçage dans différents pays. Si les contraintes réglementaires constituent une véritable garantie pour la sécurité de ces données à caractère personnel, elles nécessitent pour les acteurs de la santé de s’inscrire dans une stratégie de valorisation de la donnée autour des cas d’usage de leur organisation.
A la rencontre entre ambition de sécurisation et de valorisation des données de santé, le Health Data Hub participera sans conteste à l’interopérabilité des solutions numériques de ce secteur.
Donner les moyens à l’ensemble des acteurs de la santé d’anticiper la réponse à de tels événements
La crise du Covid-19 a permis de révéler les limites des grandes réponses nationales, apportées de manière uniforme à l’ensemble d’un territoire, quelles que soient ses spécificités. En effet, l’offre de soins diffère d’une zone à l’autre et les impacts qui s’ensuivent varient de fait fortement. Ces spécificités territoriales et organisationnelles doivent être à l’avenir prises en compte très tôt dans le processus de définition des réponses aux crises sanitaires afin d’aboutir à une adaptation globale du territoire, qui s’appliquerait à la fois à l’offre hospitalière et libérale, pour anticiper et gérer les variations d’activité.
Les enseignements de cette réaction dans l’urgence doivent être tirés pour pérenniser certaines bonnes pratiques et évaluer leur potentiel de réplicabilité et déploiement. Le déroulé de la crise a permis de pointer du doigt l’importance de la coordination tant logistique qu’organisationnelle entre les parties prenantes autour du patient, coordination qui doit être plus forte que jamais pour permettre une réponse rapide et efficace dans un tel contexte.
Conclusion : L’usager au centre des réflexions pour une stratégie numérique en santé
La crise du Covid-19 a été l’occasion d’un recours massif à des initiatives innovantes. Cette dynamique doit permettre une accélération de la transformation numérique de la santé, dans la continuité de projets déjà engagés pour faciliter le travail du personnel de santé et créer un parcours de soin autour du patient : Dossier médical partagé, Espace numérique de Santé, etc. Les solutions développées, digitales ou organisationnelles, doivent s’inscrire dans une dynamique commune et permettre une adaptation de l’offre de soin tout en restant ancrées dans la réalité du terrain. En outre, il est essentiel de maintenir l’usager, personnel soignant comme patient, au centre des réflexions. Pour ce faire, nous avons la conviction que les axes suivants seront essentiels dans la mise en œuvre d’une stratégie de santé :
Penser expérience usager
Pour faire perdurer la proximité de la relation entre le patient et le soignant, malgré un contact physique potentiellement réduit.
Adopter une démarche globale
Pour poursuivre l’innovation tout en trouvant un moyen de rendre les solutions accessibles aux exclus du numérique.
Accompagner l’appropriation des outils
Tant auprès du personnel soignant que des patients pour s’assurer de leur bonne diffusion.
Index
(1) Pas moins de 200 outils étaient référencés dès le début du mois d’avril par le ministère de la Santé et l’Agence du numérique en Santé dans leurs répertoires dédiés au grand public (https://esante.gouv.fr/recensement-des-outils-numeriques-grand-public-covid-19) et aux professionnels (https://esante.gouv.fr/recensement-des-outils-numeriques-professionnels-covid-19)
(2) Carte Covimoov et application Covid-moi-un-lit
(3) Robots Xenex
(6) Le 9 mars, le ministre de la Santé Olivier VERAN signait un décret visant à assouplir les conditions de prise en charge des actes de télémédecine
(8) https://coughvid.epfl.ch/about/
(9) https://app.jogl.io/project/118