Depuis mars 2020, notre quotidien a été bouleversé par la crise sanitaire. Les contraintes d’isolement ainsi que l’application des gestes barrières ont en particulier fortement fait évoluer nos modes d’achat.
Au-delà des mesures sanitaires, les dispositifs de vente mis en place sont finalement amenés à s’installer dans la durée. Et si les tendances de digitalisation et de croissance du e-commerce étaient déjà bel et bien présentes avant l’arrivée du coronavirus, les enseignes ont dû encore accélérer leur montée en puissance sur ces sujets pour répondre aux enjeux de la crise. A titre d’illustration, plus de 52% des Français effectuent désormais leurs achats en ligne ou encore via le click and collect qui a augmenté de 74% en 2020.
La crise a également souligné que la question de la relation au client est centrale. Les marques qui ont fait la différence se sont appuyées sur le lien de proximité qu’elles avaient réussi à tisser avec leurs clients. Au cœur de ce succès : leur capacité à le maintenir et le faire grandir pendant cette crise.
Dans un tel contexte, si l’accélération du digital a permis une continuité des activités, elle ne signifie pas pour autant la suppression de l’humain. Celui-ci reste au contraire essentiel dans les interactions, que ce soit en physique ou à distance : il est le chef d’orchestre d’une relation fondée sur les principes d’attention et de personnalisation.
Revenons sur ces enjeux, leurs impacts pour les grandes enseignes et les stratégies gagnantes de ceux qui ont su accélérer pendant cette période.
Une expérience 100% digitale qui se doit d’être irréprochable
Le développement du digital, accéléré par la crise COVID, est un enjeu à toutes les étapes du parcours. Même à une heure où les clients peuvent revenir en points de vente, il est indispensable pour les enseignes de pouvoir adresser 100% des besoins via leurs canaux digitaux.
Les enjeux se déclinent différemment selon les industries et leur niveau de maturité digitale.
L’automobile a dû, par exemple, significativement transformer des étapes clés de son parcours client jusqu’ici toujours traitées via des canaux traditionnels : l’organisation des RDV clients, l’échange et la signature d’une offre de prêt, choix des options… La concession multi-marque Autosphère propose par exemple de réaliser en ligne plusieurs étapes du parcours d’achat : financement, paiement, jusqu’à la demande de livraison du véhicule.
D’autres industries, plus avancées dans leur digitalisation, ont également dû innover en proposant des services habituellement réservés au magasin : interaction avec un conseiller pour faciliter le choix, fonctionnalités de test virtuel des articles…
La startup Fitle permet ainsi aux marques de proposer un outil permettant de déterminer la bonne taille de vêtement en se basant sur un questionnaire (morphologie, habitudes d’habillement, taille chez une autre marque). Chez les enseignes ayant souscrit à ce dispositif – Paco Rabanne, Jennyfer notamment – l’outil permet, selon Fitle, de diminuer les abandons de panier de l’ordre de 20%.
Mais ces services digitaux ne seront utilisés qu’à condition que l’expérience utilisateur soit absolument irréprochable.
Il est d’abord indispensable de consolider les fondamentaux : simplicité / hiérarchie des pages, rapidité de chargement, expérience multi-devices, accessibilité à toutes les populations.
Il s’agit également d’aller plus loin et de mettre l’accent sur les quelques aspects qui deviennent clés pour se démarquer de la concurrence et générer de la conversion : simplification maximum de l’inscription, efficacité du tunnel de vente et personnalisation de l’expérience (hiérarchisation des propositions, recommandations). En effet, il faut à la fois optimiser le temps passé sur les étapes qui ne sont pas créatrices de valeur pour l’utilisateur et utiliser au mieux la connaissance client dans les moments où son attention est la plus forte.
Du point de vue des moyens à mettre en œuvre, trois points sont clés pour y parvenir :
- Assurer la cohérence de l’expérience utilisateur sur tous les canaux à travers une gouvernance et des solutions adaptées : outils de relation omnicanale, intégration au CRM, mise en place d’un design system, etc.
- S’appuyer sur une philosophie et des méthodes customer-centric tout au long des projets de refonte : une des clés étant l’inscription de l’UX design au sein des méthodes agiles, de bout-en-bout du développement ;
- Investir sur les technologies clés pour permettre :
- La simplification du parcours : authentification optimisée (Single Sign-on, Guest check-out), cohérence technologique entre les applications (Progressive Web App par exemple) ;
- L’interfaçage et l’ouverture à d’autres plateformes et écosystèmes : SaaS, APIsation, etc.
- La collecte et le traitement des données afin de personnaliser au maximum l’expérience, en s’appuyant sur un socle data solide construit sur la base des besoins métiers.
En parallèle de ces investissements, il s’agit également pour les entreprises d’adapter les modes de travail, voire l’organisation de leurs équipes pour agiliser les pratiques et les méthodologies : une véritable transformation culturelle à opérer !
Rendre l’expérience en magasin utile et efficace
A l’heure où les gestes barrières s’inscrivent dans une nouvelle normalité, nos habitudes de déplacements en magasin ont évidemment elles aussi été impactées par la situation.
Si le public a retrouvé le chemin du shopping, il souhaite dorénavant rentabiliser ses déplacements dans ces lieux très fréquentés. Dans cette optique, le consommateur prépare donc d’autant plus sa visite.
La gestion de l’affluence et des stocks disponibles sur place sont ainsi devenus les éléments clés à maîtriser afin d’assurer « l’efficacité » du déplacement. Google a bien compris cette exigence en mettant en place dès le premier confinement un module de visionnage du trafic en magasin en temps réel : un outil efficace à l’époque pour les courses alimentaires, qui se révèle aujourd’hui très utilisé pour le reste de la consommation, notamment pendant les week-ends.
En parallèle, avec la montée du e-commerce pendant le confinement, le shopper a pris l’habitude de faire ses recherches en ligne. Une habitude qu’il a conservée pour se renseigner et comparer les produits en amont de la visite. Les attentes lors de son déplacement en boutique se concentrent donc maintenant sur une confirmation de l’intention d’achat et l’accès à des services spécifiques.
Une fois sur place, la quête d’efficacité ne s’arrête pas. Il ne s’agit plus de flâner en point de vente, mais bien d’essayer, choisir puis acheter. Afin de faciliter le parcours, certaines marques ont développé des services de booking de rendez-vous avec des conseillers.
Nordstrom, grand magasin américain, est allé encore plus loin en permettant au client de choisir en amont de sa visite les produits qu’il souhaite essayer. Lors de l’arrivée en magasin, le client est invité à se rendre en cabine où ses articles l’attendent avec un conseiller afin d’optimiser son temps. Un vrai différenciant qui permet également au vendeur de se concentrer sur le service rendu.
Plus que jamais, l’expérience se doit d’être optimisée, sans couture entre monde physique et univers digital. Plus question pour le client de se répéter quand il a répondu à un questionnaire en ligne, de se soumettre à nouveau aux éternelles files d’attente pour essayer ou payer, ou encore de rechercher longuement un produit spécifique au sein d’une grande surface. Les attentes quant à leur expérience magasin sont plus exigeantes et elles impliquent une corrélation forte avec le digital.
Nike l’a très bien compris en ouvrant en 2020 un nouveau concept aux Champs Elysées : la House of Innovation. Lieu hybride entre online et offline, il est tout d’abord centré sur la reconnaissance des clients afin de leur offrir l’expérience la plus personnalisée possible. En gommant les frontières du digital et du physique, la marque se concentre sur la réduction des points de frictions : rapidité de réception ou d’envoi d’article, recommandation en temps réel de taille de chaussures grâce à la réalité augmentée, possibilité d’essayer n’importe où pour éviter l’attente en cabine, paiement mobile hors caisse. Tout est pensé pour fluidifier l’expérience tout en capturant un maximum de données comportementales sur les consommateurs.
Cette approche servicielle, qui demande un investissement initial, est un véritable catalyseur de la connaissance client. Non seulement elle est un levier d’accélération du taux de conversion quel que soit le canal, mais elle permet également aux marques de s’inscrire dans une démarche long terme de fidélisation qui reste clé dans un marché de plus en plus volatile.
Sécurisation et flexibilité de la livraison : le dernier maillon essentiel d'une expérience client réussie
La révolution du e-commerce ne date pas d’hier. Mais face à l’explosion de l’offre et le besoin d’adopter un mode d’achat digital en période de confinement, les consommateurs sont de plus en plus à la recherche de flexibilité.
Plus que jamais, une mauvaise expérience de livraison est synonyme d’une mauvaise expérience de marque. Néanmoins, nombreuses sont les marques qui considère toujours la livraison comme un service après-vente à confier à un tiers. Or, en quête de simplicité, le consommateur est désormais très attentif à ces dernières étapes qui font toute la différence, jusqu’à devenir un facteur clé de fidélisation. Des attentes qui se retrouvent amplifiées par la nouvelle multiplicité des livraisons à gérer, pour un client qui commande désormais en ligne toutes sortes de produits (courses alimentaires, livres, articles ménagers, vêtements). Lors de problèmes, les shoppers sont alors pris au piège entre la marque et le transporteur, une expérience très déplaisante qui influence sans aucun doute l’image véhiculée par la marque.
Un récent sondage dénombre que 54% des personnes interrogées ont été confrontées à un problème de livraison en 2020 : c’est une réelle épine dans le pied pour les marques !
Face à ces constats, des efforts sont faits par les enseignes : Sézane a par exemple intégré récemment le suivi de sa livraison directement dans son espace client, devenant ainsi l’interlocuteur unique de son expérience bout en bout. Veepee va même plus loin en proposant des solutions dites « last mile » : « Vous avez manqué votre livraison ? Votre colis a été déposé dans un point relais ? Grâce à son partenariat avec Stuart, la marketplace vous propose de faire appel à un coursier qui récupèrera le colis afin de vous l’apporter au lieu et moment de votre choix ». Enfin, Amazon a adopté une stratégie de traçabilité en direct, permettant au client de voir où est son livreur, combien d’arrêts sont prévus avant sa livraison, etc.
Les exigences s’étendent désormais sur toutes les phases du parcours client. Les achats en ligne se démultipliant, il est vite arrivé pour un consommateur de se retrouver avec plusieurs dizaines voire centaines d’euros en transit, alors même qu’il n’a pas encore reçu les produits. C’est par exemple le besoin auquel tente de répondre le dispositif Try at home d’Etam : lors de la commande en ligne, il n’y a rien à régler. C’est après réception et essayage, au moment de décider de conserver ou non les articles, que le paiement est enclenché. Côté client, le dispositif permet moins d’avance de trésorerie, et côté marque moins de flux financier à gérer.
A l’heure du télétravail, il est aussi plus difficile pour le client de se livrer au rituel de l’impression d’étiquette retour. Nombreux sont les points relais qui se retrouvent assaillis de clients venus imprimer et expédier leurs colis, dans des conditions logistiques très dégradées : devoir apporter son propre rouleau de scotch pour ré-emballer un achat n’étant pas le must de l’expérience client. Afin de faciliter la vie de ses clients, La Redoute a mis en place un processus de retour sans impression via la startup Revers.io. Un simple QR code est envoyé par mail. Lors du dépôt du colis en point relais, c’est le commerçant qui flashe le QR code directement sur le smartphone et le tour est joué. Avec une moyenne de +30% de taux de réachat suite à un retour, on peut dire que l’approche est gagnante !
Enfin, à l’heure où les visites en magasin se font plus rares et plus organisées, la flexibilité du cross-canal devient primordiale. Si le web-to-store est aujourd’hui bien développé, notamment à travers le click&collect ou le drive, le store-to-web reste trop peu présent. En permettant au magasin de s’appuyer sur les stocks centraux grâce au digital, il représente une véritable opportunité pour les retailers et ce, en permettant de convertir l’achat directement en magasin au moment où le client a pu l’essayer, être conseillé et donc est le plus à même de terminer sa commande. Une démarche que Darty a mise en œuvre en équipant l’ensemble de ses conseillers de terminaux mobiles cross canal. Le conseiller vérifie le stock, procède au paiement et explique les modalités de livraison ou de retrait au client, le tout avec un vrai sens du service. Un win-win marque/client qui devrait en inspirer plus d’un !
En résumé, la flexibilisation de l’expérience client est un véritable vecteur de business. Elle concerne certaines des étapes les plus clés et potentiellement les plus frustrantes du parcours : la livraison, le retour, le paiement… Elle est clé pour permettre aux marques de renforcer leur image servicielle auprès des consommateurs grâce à un accompagnement de A à Z, et leur assure des taux de conversion et de réachat bien meilleur. C’est un incontournable sur la roadmap expérience client des années à venir.
Parmi toutes les innovations qui ont vu le jour dans cette période si particulière, toutes ne font pas sens pour tous les business. Il est primordial de différencier incontournables et différenciants en fonction de son niveau de maturité. Mais également d’anticiper le niveau d’effort requis pour chaque initiative afin d’en assurer le passage à l’échelle.
Malgré cette accélération, la relation humaine reste essentielle.
Elle doit se réinventer pour compléter l’expérience digitale en apportant davantage de service et de conseil. Elle est par ailleurs clé, voire différenciante, dans certaines situations anxiogènes du parcours client, selon les secteurs (opposition de carte bancaire, sinistre en assurance, perte d’un colis, erreur de facturation).
Le contexte actuel aura plus que jamais polarisé les comportements des consommateurs, en particulier des générations les plus jeunes, entre constante recherche d’instantanéité et de performance technologique d’une part, et exigences en matière d’impacts écologique et social d’autre part.
La question de la place des nouvelles technologies dans cette relation client est également clé. La crise a révélé tout l’enjeu de l’intelligence artificielle : réponse automatisée et instantanée aux demandes des clients via des robots, possibilité de personnalisation accrue dans la relation client, logistique et production optimisées au plus près des demandes, constituent autant de points qui montrent sa pertinence.
Quelle place l’IA est-elle donc amenée à prendre à l’aune de l’après-Covid, période qui aura exacerbé à la fois l’incontournable digitalisation de nos modes d’interaction mais aussi les enjeux essentiels de lien social et de connexion à la planète ? Espérons que nous n’aurons pas besoin d’une nouvelle crise pour apporter la réponse à cette question…