Ils fabriquent, réparent, livrent, soignent, conseillent, conduisent nos trains… : les Frontline Workers (FLW) sont souvent les premiers contacts du client avec une entreprise et ses produits. Leur part est estimée à 80% des travailleurs dans le monde [1]. Et pourtant, ils ont souvent été les grands oubliés de la transformation digitale… 

L’un des enjeux des prochaines années est donc dles intégrer dans la dynamique de digitalisation du Workplace. D’abord mis au second plan de la transformation digitale car plus compliqués à traiter du fait de la variété de leurs situations, et du fait d’une offre de marché souvent limitéeles FLW deviennent à présent une priorité des directions métiers et SI. Mais ce type de projet peut être long, coûteux, au point parfois de décourager l’employé opérationnel, tenté alors de trouver par lui-même des solutions.  

C’est ainsi que se sont multipliées les initiatives de Shadow IT, (utilisation de systèmes informatiques, d’appareils, de logiciels, d’applications et/ou de service sans l’accord de la DSI). Cette approche présente néanmoins des limites connues, en termes de sécurité et de pérennité notamment. L’une des solutions les plus séduisantes est alors de tirer parti des technologies de No/Low Code (NLC : ne nécessitant pas/peu de programmation).  

Les solutions NLC sont une forme simplifiée de développement logiciel ou d’applications permettant d’avoir un rendu professionnel sans nécessiter de connaissances en langage de programmation. Accessibles à des « non-initiés »elles permettent de développer rapidement, simplement, à moindre coût et de manière agile des applications métiers et d’autonomiser des processus : l’idéal pour des FLW souvent très « débrouillards » ! 

Le low code au service des Frontline Workers : une belle opportunité 

78% des directions pensent que pour rester compétitive, leurs Frontline Workers ont besoin d’être plus en lien avec le numérique et les technologies d’aujourd’hui (Harvard Business Review). Les prises de décision sont de plus en plus appuyées sur la donnée : les Frontline Workers sont justement ceux qui ont le plus besoin d’être correctement informés sur le terrain, car leurs choix et actions impactent directement la relation client ou les opérations. 

Leur digitalisation devient donc une nécessité afin d’améliorer leur performance, leur confort et sécurité au travail et la communication sur le terrain (voir les enjeux clés de notre article précédent sur les Frontline Workers). Et ce défi doit être relevé en leur laissant la flexibilité que leur métier requiert : la transformation digitale des FLW ne sera un succès qu’à l’unique condition qu’on les équipe d’outils adaptés à leurs façons de travailler. 

Les FLW exercent des métiers très différents, mais nous pouvons les regrouper en trois grandes catégories : agents d’industrie, agents de terrain et commerciaux. Au sein d’une même entreprise, il est fréquent d’avoir des FLW appartenant à ces trois catégories avec des besoins et des contraintes complètement différentes. Il était donc jusqu’alors très complexe pour la DSI de proposer des solutions standards et communes adressant les enjeux différents de chacun. 

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Mais les FLW sont les mieux placés pour savoir ce dont ils ont besoin, ils connaissent les données critiques et les processus internes : ils sont donc les plus pertinents pour construire eux-mêmes ou pour être fortement impliqués dans la création de l’application ou du service qu’ils utiliseront. Justement grâce aux applications NLC, chaque métier de première ligne peut bâtir son propre outil, soit au sein d’une même entreprise plusieurs dizaines d’applications parfois, sans pour autant perdre en synergie et cohérence d’ensemble, puisque les données restent partagées au sein de l’entreprise : le risque de créer des silos autonomes et perdre en efficacité est donc réduit. Cette technologie permet ainsi de délivrer de façon simple des applications très customisées, tout en s’appuyant sur des standards communs, apportant ainsi des leviers de synergie entre les différentes applications. 

Le No/Low Code offre cette rapidité de prise en main et de développement et peut permettre de fournir une solution concrète ou une base de travail qui pourrait ensuite être retravaillée si besoin par des développeurs. C’est donc un moyen pour les métiers de rapidement développer des applications fonctionnelles ou des POC (Proofs of concept) pour montrer aux DSI ce qui serait souhaité sur le terrain, quitte à affiner le travail avec des experts plus tard, réaliser des ajustements et affecter davantage de ressources si l’application suscite un engouement important. Grâce au No/Low Code, il devient possible de rapidement optimiser ces activités pour libérer du temps au FLW… et aux DSI, qui peuvent alors se concentrer sur les projets plus complexes ! La digitalisation ou automatisation de certains processus devient plus simple et nécessite moins d’effort, le retour sur investissement est donc facilement atteignable. 

A titre d’exemple, Wavestone a accompagné une tannerie du secteur du luxe dans laquelle le directeur de l’usine a mis en place une application Low Code permettant de suivre les lots de peaux : en scannant le QR code présent sur la pièce, l’opérateur peut visualiser son parcours. Une liste des tâches effectuées, en cours, à faire ainsi que les défauts de la peau apparaissent dans un menu déroulant. Avant cela, les tanneurs se passaient une feuille de suivi de main en main : il fallait alors avoir une grande confiance dans ce papier, le risque étant de ne pas avoir la bonne version ou de perdre des informations si celui-ci venait à être égaré. Le passage à une application mobile a permis au FLW d’avoir accès à des données en temps réel, des informations et des renseignements exploitables permettant d’améliorer ses performances.  

Aujourd’hui de nombreuses solutions permettent de faire du No/Low Code, parmi lesquelles la Power Platform de Microsoft qui s’est naturellement répandue dans beaucoup d’entreprise grâce au large déploiement d’Office 365. 

Le low code au sein des entreprises : une gouvernance à établir 

Cette opportunité du low code permet ainsi d’outiller la DSI pour délivrer plus rapidement des projets adaptés aux multiples spécificités des métiers. Mais l’un des défis de la mise en place du No/Low Code va être d’apporter de la cohésion et de la rigueur dans l’exécution, afin de limiter les risques connus du shadow IT. Bien qu’elles permettent de stimuler l’innovation et de favoriser la productivité, elles génèrent aussi des risques en termes de conformité, de RGPD ou encore de sécurité, telle que la fuite de données. Gartner estimait en 2020 qu’un tiers des cyberattaques viseraient le Shadow IT. 

L’informatique parallèle, déjà bien installée, ne doit pas devenir un défi supplémentaire. Afin de mieux contrôler ces initiatives, les DSI doivent mettre en place certaines mesures et ainsi reprendre le contrôle sur l’utilisation des outils informatiques. La mise en place d’une gouvernance pour ces sujets No/Low Code permet de passer du shadow IT au Citizen IT (utilisateur final qui grâce aux outils mis à sa disposition par la DSI, peut développer une application). Pour les entreprises que Wavestone accompagne, la mise en place de cette gouvernance a permis de briser certaines barrières avec les DSI et de compléter l’IT traditionnelle. 

Construire une réelle offre de No/Low Code doit passer par une meilleure communication entre la DSI et les métiers et notamment ceux les plus éloignés du SI comme les Frontline Workers. Se positionner comme partenaire et soutien dans un projet est un facteur clé de succès. Cela permet de mieux identifier les Citizen Devs et ainsi de capitaliser sur les ressources produites, tout en gardant une certaine conformité sur ce qui est produit. 

Au-delà de mettre en place une gouvernance, nous sommes convaincus que pour tirer le meilleur parti du No/Low Code, il faut savoir combiner self-service et accompagnement personnalisé. Cela laisse ainsi la possibilité aux Frontline Workers de créer leur propre service tout en cadrant les grands principes (architecture design system, capitalisation, etc.) et positionner fondamentalement la DSI comme un véritable partenaire, un coach sur certains projets. 

Les règles de sécurité et de conformité des données sont sûrement le plus grand défi dans la mise en place de cette gouvernance. Les Citizen devs, selon leur niveau de maturité, ne sont pas toujours au fait des bonnes pratiques de gestions en termes de donnée, pour éviter la duplication, la perte ou encore assurer la conformité avec les politiques internes ou la réglementation. Le No/Low Code ne peut pas servir à n’importe quelle finalité et avec n’importe quelles données. En effet, certaines règles de sécurité et de conformité peuvent limiter la création. Exemple : la localisation de stockage des données, le niveau de sécurité de la base de données, le type de donnée collectée et leur finalité. Ces règles de gestion, parfois contraignantes, garantissent le respect de la bonne utilisation des données et réduisent les risques de malveillance. La violation de ces contraintes crée donc inévitablement des vulnérabilités et des risques juridiques lourds pour l’entreprise. 

Pour faire face à ces risques, la mise en place d’une gouvernance doit alors être traitée comme un véritable projet de transformation. Comme toute l’entreprise, les FLW doivent être sensibilisés et accompagnés sur ces enjeux, le potentiel de création mais aussi les règles à respecter. Acculturer et sensibiliser les FLW au sujet de la donnée est essentiel. Aussi, la création de communautés et d’ambassadeurs au sein de ces métiers sont de vrais atouts pour l’adhésion à cette offre. La mise en place de réels ponts de communication et d’écoute favorisera la remontée du besoin de ces métiers et l’engagement dans cette voie. 

La digitalisation des Frontline Workers : un levier de compétitivité pour les organisations 

Pour rester compétitives les entreprises doivent en priorité digitaliser l’environnement de travail et les processus de leurs FLW, afin de leur fournir les informations en temps réel dont ils ont besoin pour travailler, améliorer l’excellence opérationnelle et le service client.  

Si l’objectif est de rendre autonomes les Frontline Workers dans la conception d’application, il est obligatoire de mettre en place un encadrement de ces pratiques pour une meilleure réussite et sécurisation des projets. 

La mise en place de ces nouvelles méthodes de fonctionnement doit nécessairement être accompagnée d’une gouvernance stricte et être traitée comme un véritable sujet de transformation globale au fonctionnement de l’organisation : formation des collaborateurs aux enjeux de la data, règle interne à la DSI, partage d’expérience et de connaissance, mise à disposition ou partage de template, charte, etc.  

Ou alors bien sûr, il est possible de laisser passer ce train, et d’attendre celui d’après : Microsoft annonçait lors sa conférence Build 2021 que les solutions No/Low Code ne pourraient être qu’une solution de transition, en attendant qu’une Intelligence Artificielle (IA) développe seule les applications sur la base de spécifications rédigées en langage naturel par les FLW. Etes-vous prêts à faire ce pari ?