Le besoin mondial d’infrastructures informatiques hébergées au sein de datacenters augmente à une vitesse considérable.
Cela génère des besoins croissants en termes de stockage (prévision de 175 Zo à horizon 2025 (2018-IDC)), de capacités de calcul / traitement et d’infogérance associée.
Face à ces chiffres colossaux, l’ensemble des acteurs de l’hébergement et de l’infogérance a tout intérêt à comprendre et maîtriser pleinement son impact (environnemental) afin de le réduire. Pour les émissions de gaz à effet de serre (GES), cela se traduit par le fait de définir des actions concrètes permettant par exemple de limiter la trajectoire de réchauffement climatique à 2 degrés, voire 1.5 (Accords de Paris).
Optimisation de la consommation électrique et approvisionnement "vert" : un discours bien rodé mais qui a des limites
Une maturité historique sur l'optimisation de la "consommation d'électricité"
Voilà plusieurs années déjà que les acteurs de l’hébergement et de l’infogérance insistent régulièrement sur l’optimisation du PUE (Power Usage Effectiveness) à travers quelques actions précises (optimisation des flux d’air, technologies de refroidissement…). Le PUE a effectivement été un levier historique d’optimisation de la consommation électrique des datacenters. Cet effet aura été renforcé ces dernières années par les datacenters de type hyperscale, dont le PUE est très proche de 1 et qui ont capté une part importante des migrations d’infrastructures IT.
Aujourd’hui, les acteurs du marché fournissent souvent un PUE statique moyenné englobant plusieurs datacenters (avec hypothèse de remplissage des salles de 100%). Une telle valeur statique a pourtant ses limites : la fourniture d’une valeur dynamique du PUE, avec une vision par bâtiment (plutôt que globale au niveau d’un site / opérateur datacenter) constitue un axe de progrès pour une majorité d’acteurs.
Par ailleurs, il semble moins évident que le PUE continuera à jouer un rôle significatif d’optimisation de l’électricité consommée, au regard du fait que le PUE moyen au niveau mondial semble avoir tendance à se stabiliser autour de la valeur de 1.6 (Rapports Uptime Institute).
Les annonces autour des approvisionnements "verts" en électricité ne doivent pas occulter les enjeux autour de la localisation géographique des datacenters
L’estimation de consommation d’électricité des datacenters dans le monde varie approximativement entre 200 et 500 TWh : la question de la localisation des datacenters est donc structurante, car les émissions GES associées dépendent de l’intensité carbone de l’électricité fournie par le pays hébergeant le datacenter.
Aujourd’hui, tous les acteurs communiquent sur la nature « verte » de l’approvisionnement en électricité de leurs datacenters. Cela va dans le bon sens en permettant de favoriser le développement d’une production d’électricité bas carbone. Toutefois, dans le cadre d’un bilan GES, « le fait de souscrire à un abonnement “électricité verte” n’a pas d’impact sur le calcul des émissions GES associées à la consommation d’électricité de l’entité. Le calcul des émissions est réalisé à l’aide d’un facteur d’émission par usage, défini – selon l’usage considéré – par la moyenne des systèmes de production nationaux » (Ademe). L’implantation géographique des datacenters est donc également importante (au regard des mix électriques qui diffèrent en fonction des pays), au-delà des approvisionnements en électricité.
Un bon niveau de couverture des certifications et labels environnementaux qui ajoute du crédit à l'engagement des hébergeurs et infogérants
Ces axes d’amélioration mis de côté, force est de constater qu’une majorité d’acteurs disposent d’un ou de plusieurs certifications / labels environnementaux.
Les principaux labels et certifications
ISO 14001
Cette norme permet d’instaurer les conditions nécessaires à une amélioration continue des performances environnementales d’une organisation et ainsi d’apporter sa contribution à la préservation des ressources naturelles et au respect de ses objectifs environnementaux.
ISO 50001
Conçue pour aider les organisations dans tous les secteurs, cette norme ISO propose des modalités pratiques visant à réduire la consommation d’énergie par la mise en œuvre d’un système de management de l’énergie.
Label Lucie
Communauté d’organisations qui auditent les actions RSE d’une entreprise. Ce label, basé sur l’ISO 26000, existe chez plusieurs infogérants.
LEED
La certification LEED offre une vérification indépendante attestant qu’un bâtiment, une habitation ou une communauté a été conçu(e) et construit à l’aide de stratégies visant à atteindre une performance élevée dans des domaines clés de la santé des humains et de l’environnement. Il s’agit de l’équivalent américain du label HQE français, qui s’implante de plus en plus en Europe.
Une communication plus transparente : le levier clé pour permettre aux clients de maîtriser l’empreinte environnementale associée aux services souscrits
Le niveau de transparence des acteurs de l’hébergement et de l’infogérance reste encore limité (voire très limité dans certains cas) sur les sujets suivants :
Il est aujourd’hui très compliqué (voire impossible) d’avoir des informations sur la durée d’utilisation des équipements IT (baies de stockage, serveurs, équipements réseaux, racks…) au sein des datacenters considérés, par absence d’information de la part des acteurs du marché. Or, allonger la durée de vie d’utilisation des équipements améliore de façon non négligeable l’empreinte environnementale. A noter, certains acteurs commencent à déployer des projets pour réutiliser leurs équipements et leur donner une seconde vie (par exemple pour des besoins moins exigeants en termes de performances), à l’image de Cloud Temple et OVH par exemple.
Le niveau de transparence des acteurs sur ce qu’il advient des équipements IT en fin de vie est aujourd’hui encore très faible. Cela constitue un axe de progrès, au regard de l’enjeu important à favoriser le réemploi et/ou le reconditionnement des matériels informatiques.
La grande majorité des acteurs n’offre pas d’informations sur l’impact environnemental (a minima les émissions de GES) des services à leur catalogue. Des initiatives de certains acteurs sont néanmoins à saluer : calculette GES de certains services cloud (ex. : calculette Microsoft pour certains services Azure, récente calculette pour les services Google Cloud Platform -mais limitée au scope 2 lié à l’électricité consommée-), estimation de l’impact environnemental des machines virtuelles et jusqu’au niveau applicatif pour certains acteurs (ex. : DRI en s’appuyant sur la solution Easyvirt), intégration de l’impact GES à l’offre de services (ex. : en cours de développement chez Sigma).
Un point de satisfaction est la réalisation très systématique de bilans carbone par les acteurs, dont certains s’engagent sur des trajectoires volontaristes de réduction d’émissions GES scope 3 inclus (ex. : Sigma vise -50% d’émissions GES à horizon 2030, hors compensation / contribution). Toutefois, le détail des postes d’émissions GES n’est souvent pas fourni (rejoint le point précédent), et les éventuelles actions de la feuille de route de réduction des émissions GES ne sont pas toujours explicitées. Enfin, beaucoup de communications s’articulent aujourd’hui autour des notions de « compensation » et/ou de « neutralité carbone » : il convient d’être très vigilant dans les constats à tirer, au regard des limites de la notion de neutralité carbone appliquée au niveau de l’entreprise (voir note méthodologique Ademe). Ce point de vigilance étant rappelé, noter l’initiative « Europe’s Climate Neutral Data Centre Pact », regroupant des grands opérateurs datacenters au niveau européen, pour viser une neutralité carbone à horizon 2030 (voir les 19 propositions associées).
Encore des progrès à faire donc, mais la dynamique est là
Les hébergeurs et infogérants étaient jusqu’ici encore peu challengés sur l’intégration des sujets environnementaux. Cela est de moins en moins vrai aujourd’hui. Les exigences RSE au sens large, et en particulier celles relatives au numérique responsable, correspondent en effet à des attentes croissantes de la part de l’ensemble des parties prenantes (clients, salariés, etc.).
De plus en plus d’acteurs de l’hébergement et de l’infogérance l’ont compris, et sont en train de lancer des actions pour progresser sur la mesure de l’empreinte environnementale et la transparence associée.
Par ailleurs, la constitution et le renforcement d’équipes dédiées aux enjeux de Sustainability est une tendance de fond, notamment chez les grands providers Cloud.
Le champ de progrès reste donc encore vaste, mais passionnant !