La décarbonation de l’industrie

Le 13 janvier 2022, le Club Les Echos Débats, Prospective en partenariat avec Wavestone, Delville Management, IÉSEG School of Management et l’Union Française de l’Electricité (UFE), recevait Alexandre Saubot, Président de France Industrie et Olivier Andries, Directeur Général de Safran, pour débattre sur le thème de « La décarbonation de l’Industrie », animé par Dominique Seux, Directeur Délégué de la Rédaction, Les Echos.

Mathieu Sabarly, Senior Manager chez Wavestone a introduit le débat : La décarbonation est l’enjeu du XXIe siècle l’Union Européenne et la France ont d’ailleurs fixé des objectifs ambitieux comme la réduction de 40% des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 et la neutralité carbone à horizon 2050. Pour le secteur industriel, la décarbonation est un défi qui en cache d’autres : défi humain, technique, commercial et économique.

France Industrie

  • Organisation professionnelle, créée en 2008, représentant tous les acteurs des différents secteurs de l’industrie française. Elle a pour mission de valoriser le rôle fondamental de l’industrie pour l’économie, promouvoir et défendre les initiatives pouvant favoriser l’activité et le développement de l’industrie.
  • Accompagne les industriels sur des enjeux de compétitivité, d’emploi et de compétences, de sécurité d’approvisionnement, de transition écologique, d’innovation, du numérique, d’attractivité des territoires et de politique industrielle européenne.

Safran

Safran est un groupe international de haute technologie opérant dans les domaines de l’aéronautique (propulsion, équipements et intérieurs), de l’espace et de la défense.

  • 78 892 collaborateurs
  • 16,5 Milliards d’euros de Chiffre d’Affaires
  • 351 sites répartis dans 31 pays.
  • Une enveloppe de 4 milliards d’euros en Recherche et Technologie (R&T) entre 2021 et 2025, dont les trois quarts sont consacrés à la décarbonation de l’aviation.

L’industrie un secteur dont la transformation est vitale pour nos sociétés

Le secteur représente près d’un quart du PIB et de l’emploi mondial. Le secteur est central et composé de nombreuses filières : aéronautique, agroalimentaire, automobile, chimie, etc.

L’industrie jouera un rôle crucial pour répondre aux besoins liés à la croissance démographique mondiale, 2 milliards de personnes vont venir augmenter la classe moyenne dans les 10 prochaines années. Face à cela les contraintes sur les ressources clés, les matières rares, ainsi que les réalités de la dégradation de l’environnement vont constituer de lourds obstacles pour répondre à ces demandes croissantes.

Sa transition n’est pas triviale, car elle est fortement dépendante des coûts de l’énergie, 20% en moyenne des coûts de production y sont liés : l’envolée des coûts de l’énergie notamment l’électricité et le gaz à court terme gèle sa capacité d’investissement. Ces secteurs ont une forte demande de chaleur à haute température. Et pour remplacer le combustible fossile utilisé pour la production de chaleur par de l’électricité ou de l’hydrogène, il faut modifier considérablement le processus de production et mettre au point d’autres modèles de fours. Les sites industriels ont également une très longue durée de vie (> 50 ans régulièrement). La mise à niveau ou le remplacement de ces installations par des installations moins émettrices exige que la planification et les investissements soient anticipés.

L’exception française

Les industries localisées en France font en effet offices de bons élèves. Depuis 1990, l’industrie a réduit de près de 46% ses émissions de GES, notamment grâce à la désindustrialisation qui a touché le pays, et à l’amélioration de l’efficacité énergétique des processus, produits et services industriels. Le secteur représente aujourd’hui, 20% des émissions françaises de gaz à effet de serre, contre 28% pour le monde.

Cette particularité française peut être en partie copiée dans le monde, puisqu’elle s’est appuyée sur des leviers reproductibles : un mix énergétique largement décarboné (+60% de nucléaire et +15% d’hydraulique en France), la forte pression des réglementations environnementales (Grenelle de l’environnement, Pacte vert de l’Europe, etc.), et notre moindre représentation dans les industries fortement émettrices de GES.

Aujourd’hui, la France représente uniquement 0,9% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, et dispose du point de PIB le plus décarboné des pays avancés.

Dans l’aéronautique, l’innovation est le principal vecteur de transformation du secteur. Dès 1970 l’association de Safran et de General Electric donne naissance à un nouveau moteur qui permet la réduction de plus de 20% de la consommation de carburant. Une deuxième révolution, le moteur LEAP-1A, permet en 2010 la réduction de 15 à 20% de la consommation de carburant, et des réductions des émissions de GES. Depuis les années 70, Safran a optimisé ses moteurs en réduisant jusqu’à 50% leur consommation de carburant.

Un besoin de contribution collective autour des filières industrielles

Dans le monde, les filières industrielles sont très différentes sur le plan des émissions de GES : La chimie, la métallurgie et la production de ciment émettent presque 80% des émissions directes de C02.

L’industrie manufacturière représente un mix très hétérogène de procédés industriels. La majorité des solutions seront ainsi propres à chaque filière. En bref : le raisonnement autour de la décarbonation doit s’effectuer à l’échelle de la filière pour permettre de réelles actions.

Selon Alexandre Saubot, ces actions seront permises par un soutien public à l’investissement, à la hauteur des enjeux mais encore d’avantage par le regard porté par le gouvernement à la question de la compétitivité à l’international, notamment à travers la diplomatie carbone.

Par exemple, le consensus a été adopté par les acteurs de l’aéronautique à travers l’association internationale du transport aérien, qui a annoncé lors de son Assemblée Générale à Boston en octobre dernier avoir pour objectif « zéro émission nette » de carbone pour 2050. Plusieurs leviers devraient être mobilisés pour y arriver:

  • La Technologie, qui sera probablement disruptive selon Olivier Andriès. Safran a d’ailleurs lancé un programme technologique avec General Electric pour développer un moteur d’avion non caréné.
  • Les carburants durables, issus de la biomasse (retraitement d’huiles usagées). Ces carburants restent très peu utilisés, 0,01% d’utilisation est 4 à 5 fois plus chers que les carburants traditionnels.

C’est grâce à une contribution collective des acteurs de l’aéronautique : avionneurs (ex : aérodynamisme), équipementiers (ex : carlingue) et l’ensemble des sous-traitants, que l’aéronautique pourra atteindre les objectifs qu’elle s’est fixée.

Conclusion

La décarbonation doit s’effectuer progressivement à partir d’un calendrier partagé par les autorités et les acteurs de l’industrie. Ces derniers ont pris conscience du caractère primordial de cet enjeu pour nos sociétés. Ils ont d’ailleurs tous réalisé des investissements et plans stratégiques.

Aujourd’hui les solutions de décarbonation sont couteuses, pour les industriels comme pour les clients des produits manufacturés. Une transition douce et planifiée est requise pour limiter les conséquences sur les consommateurs finaux et préserver la rationalité économique des filières.


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Le Club Les Echos Débats, ce sont 20 conférences par an au coeur des sujets de la nouvelle économie. Wavestone est associé aux Echos pour le Club Transformation Digitale parce que la transformation digitale est le cœur de métier de Wavestone et au Club Prospective parce qu’il est important plus que jamais de scruter le futur pour analyser, identifier les tendances et détecter les ruptures qui vont intervenir.

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