Une transition qui repose sur 3 défis majeurs : l’approvisionnement en hydrogène, l’acceptation sociale et la mobilité durable de bout en bout
Le 04 avril 2022, Le Club Les Echos Débats Prospective, en partenariat avec Wavestone, Delville Management de Transition, IESEG School of Management et UFE (Union Française de l’Electricité) recevait, Christophe Fanichet, président de SNCF VOYAGEURS, et Philippe Rosier, directeur général de Symbio, pour échanger autour du thème de la Mobilité durable.
Carole Pezzali, Partner chez Wavestone, a introduit le débat. La mobilité durable devient un enjeu pour les voyageurs : 20% des Français sont en attente d’énergies alternatives. L’hydrogène décarboné se présente comme une solution prometteuse pour décarboner la mobilité lourde, en particulier pour le secteur du ferroviaire. L’essentiel pour réussir cette transition est de relever les 3 défis majeurs : l’approvisionnement en hydrogène, l’acceptation sociale et la mobilité durable de bout en bout.
SNCF VOYAGEURS
- Filiale de SNCF, chargée du transport ferroviaire de voyageurs en France et en Europe et propose des solutions de mobilité verte de bout en bout pour les déplacements du quotidien comme pour les voyages de longue distance.
- Comprend trois activités transporteur : TGV-INTERCITÉS, TER et le Transilien.
- 65 000 collaborateurs.
- 17 Milliards d’euros de Chiffre d’Affaires.
SYMBIO
- Co-entreprise détenue par Faurecia et Michelin. Symbio développe, produit et commercialise des systèmes de piles à combustible pour la mobilité.
- 1000 véhicules utilisent actuellement la technologie Symbio.
- Ambitionne une capacité de 200 000 de véhicules hydrogène par an d’ici 2030, soit presque 2% du marché.
- Présence globale sur 3 continents et 5 pays.
Le modèle énergétique de la SNCF
La transition énergétique étant une nécessité reconnue par tous, les transports jouent un rôle clé dans l’atteinte des objectifs de réduction d’émission carbone. Le secteur représente aujourd’hui 30% des émissions des gaz à effet de serre, où le train représente moins de 1% alors qu’il déplace plus de 10% des voyageurs en France.
SNCF Voyageurs, consomme près de 7 TWh et est le 1er client consommateur d’énergie en France. Sa consommation électrique représente près de 10% de celle des entreprises industrielles et 1 à 2% de celle de toute la France.
Le groupe dispose de matériel roulant à 90% électrique (TGV, Transilien…) ; les 10% restants sont des TER circulant au gazole et dont l’électrification n’est pas envisageable au vu des coûts colossaux induits (de l’ordre de 20 millions d’euros par km de voie ferrée à électrifier).
Aux environs de 2035, SNCF vise à sortir complètement du diesel en s’appuyant sur trois grandes technologies majeures : des trains à batteries, des trains aux biocarburants et de l’hydrogène. De plus, l’entreprise vise à intégrer 40 à 50% d’énergies renouvelables dans son mix de consommation d’électricité.
Au-delà de développer des solutions alternatives propres, un enjeu majeur est de sécuriser le prix de l’énergie à travers la planification : SNCF prévoit l’ensemble de sa consommation et achète 2 à 3 ans en avance son énergie.
L’hydrogène, une belle promesse pour la décarbonation de la mobilité
Les enjeux de la mobilité durable sont centrés autour de la promesse de l’hydrogène, car il s’agit d’une source d’énergie stockable qui n’émet pas de CO2 lorsque sa production est effectuée grâce au processus d’électrolyse de l’eau ou d’autres procédés de production décarboné.
L’hydrogène, pour l’utilitaire
L’hydrogène est une molécule extrêmement commune, avec plus de 90% de l’univers sous cette forme. Historiquement, il a été reproduit majoritairement à base d’énergies fossiles, le produit résultant de ces processus est appelé « hydrogène gris » en raison de la grande quantité de CO2 émise lors de la production.
Symbio a amélioré la technologie de Pile à combustible (PAC) qui, via une réaction électrochimique, permet de produire de l’électricité à partir d’hydrogène, en ne rejetant que de l’eau. Son avantage est d’être bien plus performante qu’une batterie, et ce sur plusieurs aspects :
400-600km pour un train hydrogène contre 40km pour un train à batteries
5 à 10mn pour un train à hydrogène contre 20 à 60mn de recharge pour un train à batteries
rejette uniquement de la vapeur et est 100 fois plus dense énergétiquement que la batterie
Aujourd’hui, 1000 véhicules utilitaires utilisent la technologie Symbio. Le groupe vise une phase d’accélération aux alentours de 2024-2025 afin de pouvoir amener ces technologies sur des véhicules en fort développement.
L’hydrogène, au service du transport ferroviaire
Plusieurs initiatives ont vu le jour en Europe, en Asie et aux Etats-Unis. L’Allemagne, un leader dans ce domaine, a déjà fait circuler deux trains à hydrogène en Basse-Saxe sur une ligne de 100km depuis 2018 et continue d’élargir son parc de trains à 0 émissions, malgré le surcoût qui est d’environ 40% d’investissement.
En France, la SNCF en partenariat avec le constructeur Alstom, annonce l’arrivée des 12 premiers trains à hydrogène d’ici 2025, pour le compte de 4 régions en France : Auvergne Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté, Grand Est et Occitanie.
Les enjeux majeurs associés sont le réapprovisionnement de ce nouveau vecteur énergétique décarboné, trouver des lieux où il est possible de stocker de l’hydrogène (des gares, des points multimodaux : pour le stockage et la distribution) et enfin adapter la technologie aux différents profils de voie.
Les défis de l’hydrogène vert
L’objectif de Symbio sur le long terme est de viser les segments de mobilité lourde et professionnelle (poids lourds, utilitaires etc), en commençant par concevoir des premiers prototypes prévus pour 2026. La difficulté principale se pose au niveau de l’intégration de la technologie dans les systèmes de 300KW. A la différence des petits véhicules qui requièrent 5kg d’hydrogène avec 3 réservoirs, le véhicule lourd quant à lui nécessite presque 30 à 40kg d’hydrogène avec 7-8 réservoirs. Finalement, le stockage d’énergie peut s’avérer être un frein majeur à l’expansion de la technologie hydrogène au profit des solutions actuelles.
L’acceptation sociale
Si le développement des technologies d’hydrogène décarboné est un pilier fondamental de la transition énergétique, son acceptabilité reste essentielle pour parvenir à atteindre les objectifs fixés. Les Français sont aujourd’hui de plus en plus soucieux de leurs impacts environnementaux : 75% des Français s’intéressent déjà aux enjeux énergétiques.
20% accordent déjà leur confiance aux nouvelles technologies et sont en attente d’énergies alternatives dans le transport collectif. En parallèle, la majorité des Français s’intéresse, en plus du coût, à la qualité de leurs véhicules, à savoir s’il est écologique, propre…etc.
En matière de sécurité, l’avantage de l’hydrogène par rapport à d’autres solutions réside dans sa capacité à se disperser rapidement. En effet, même en état de choc ou de coup sur les réservoirs, on peut diluer cette molécule dans l’air et éviter tout type d’explosion sans pour autant polluer notre environnement.
Conclusion...
Le sujet de la mobilité durable est au cœur de l’actualité : nous devons nous passer des énergies fossiles et opter pour des énergies à faible émission de CO2 dans nos solutions de mobilité.
De toutes les sources d’énergie, ce que cherchent aujourd’hui les acteurs de la mobilité, ce sont des solutions industrialisables. L’hydrogène décarboné, un vecteur énergétique polyvalent, devrait connaître une forte croissance d’ici 2025 et devenir un axe stratégique pour la décarbonation de l’industrie et des transports.
Le Club Les Echos Débats, ce sont 20 conférences par an au coeur des sujets de la nouvelle économie. Wavestone est associé aux Echos pour le Club Transformation Digitale parce que la transformation digitale est le cœur de métier de Wavestone et au Club Prospective parce qu’il est important plus que jamais de scruter le futur pour analyser, identifier les tendances et détecter les ruptures qui vont intervenir.