Dans le domaine du numérique responsable, l’un des enjeux majeurs est de réussir à mesurer son empreinte environnementale. C’est une étape primordiale pour agir. La mesure permet d’identifier les ordres de grandeur et les facteurs prépondérants dans le coût numérique environnemental total.
Ce n’est qu’une fois les indicateurs et l’outil de mesure mis en place qu’il est possible de se fixer des objectifs sur une trajectoire GES du numérique. Mais dans le contexte actuel où le SI est en grande partie externalisé, comment faire ? En quoi le Finops présente-t-il des leviers certains ?
La mesure comme point de départ
S’attaquer au problème de la mesure n’est pas simple. En effet, le numérique se tourne aujourd’hui en très grande partie vers l’externalisation et le Cloud Public (IaaS, PaaS et SaaS). Le périmètre du système mesuré n’est plus, comme c’est le cas pour un SI traditionnel, circonscrit aux salles serveurs et aux matériels informatiques qu’elles contiennent. Les services fournis sont virtualisés, c’est-à-dire qu’on ne sait pas quels matériels physiques sont réellement utilisés et doivent être pris en compte dans la mesure. Par ailleurs, la consommation énergétique de ces matériels n’est pas directement accessible. Ce sont les métriques proposées par le fournisseur Cloud qui permettent de déduire un usage et que l’on peut, à l’aide d’hypothèses de modélisation, traduire en équivalent d’émissions de CO2. La mesure est donc dépendante des informations concédées par les fournisseurs de service : impact environnemental de leurs matériels, consommation réelle, mix énergétique, etc.
Cela ne veut pas dire qu’il faut se passer des bénéfices du Cloud. La mutualisation des ressources permet en effet au Cloud Public de proposer de meilleures performances techniques grâce à ses avancées technologiques. Elle permet aussi par essence, de partager et d’économiser des coûts aux organisations par la mise en commun.
Des bonnes pratiques FinOps aux réductions de coûts environnementaux
C’est ici que le FinOps intervient. Le FinOps est l’ensemble des opérations IT qui couvrent le pilotage des coûts à l’usage dans le Cloud Public. Un de ses principaux enjeux est d’optimiser l’utilisation des ressources pour réduire les coûts financiers au strict nécessaire. Cet objectif de frugalité sur les coûts financiers est facilement transposable aux usages et ainsi aux coûts environnementaux.
Pour autant, toutes les pratiques FinOps ne vont pas dans ce sens. C’est pourquoi nous allons les mettre en regard de leurs impacts sur la consommation énergétique afin de mesurer une variation en fonction de la mise en place d’actions FinOps.
Voici quelques exemples de pratiques à favoriser afin de réduire l’empreinte carbone de ses services Cloud (par ordre décroissant d’impact) :
- Extinction de machines virtuelles. En effet, toute machine non utilisée sort du périmètre environnemental de l’organisation en même temps qu’elle sort de sa facture. Ceci est permis par la mutualisation et la réallocation des ressources par le fournisseur à un autre de ses clients.
- Réduction des ressources allouées et utilisation de gabarits efficients. De même que pour le point précédent, toute ressource non allouée sort du périmètre, qu’elle soit ressource de calcul, réseau ou de stockage. Réduire les ressources allouées peut par ailleurs inciter à repenser les usages et innover pour entrer dans ce cadre plus contraint. Notamment, des gabarits récents et bien dimensionnés permettent de profiter d’un meilleur service.
- Optimisation des applications et challenge des besoins métiers. Ce point est souvent peu exploité car il demande un investissement en revue de code et effacement de la dette technologique. Toutefois, de nombreuses bonnes pratiques concernant la simplicité du code et des architectures applicatives sont aussi des bonnes pratiques d’éco-conception. De même qu’un bon dimensionnement correspondant au besoin métier n’est pas systématiquement redondé et hautement disponible.
- Libération de stockage ou suppression d’applications non utilisées. Cette action permet de réduire l’impact puisqu’elle va dans le sens de la réduction des ressources. Il faut cependant noter que la réduction est moins importante ici car le Cloud est souvent déjà optimisé pour ne pas rendre hautement disponible ces ressources, elles ne sont donc pas nécessairement alimentées.
Le revers du modèle économique des fournisseurs Cloud
Au-delà des actions de réduction des usages, certaines pratiques FinOps vont à l’encontre de la frugalité recherchée :
- L’utilisation d’instances réservées. En effet, si réserver des instances permet de réduire les coûts financiers grâce à une remise concédée par le fournisseur moyennant un engagement d’utilisation, il n’y a pas de réduction de ressources. Il peut même y avoir un effet pervers car les équipes ont tendance à vouloir utiliser toutes les ressources qui leur sont mises à disposition sans questionner le besoin en amont.
- L’utilisation d’instances Spot. Si cette pratique permet de mettre en commun des ressources non utilisées par les autres clients du fournisseur, elle entraîne également le fait que ces instances ne sont pas éteintes. En fonction du périmètre choisi, il peut aussi bien y avoir une augmentation qu’une optimisation de la consommation.
Plusieurs méthodes de calcul pour connaître son équivalent CO2
Chez Wavestone en 2021, nous avons travaillé avec nos clients sur une méthodologie de calcul liée à l’outil et aux données open source de Cloud Carbon Footprint. Les leaders du Cloud : AWS, Azure et Google ont tous développé leurs propres produits en parallèle. Peu importe l’outil, les calculs étant basés sur des hypothèses hétérogènes, aucun ne permet encore de comparer les Cloud entre eux.
Les résultats sont des ordres de grandeur à partir desquels démarrer une mesure afin de suivre une trajectoire de réduction. Tous les outils et les hypothèses de modélisation étant en pleine évolution, il est important d’assumer le fait d’être dans une démarche d’amélioration continue :
- tendre progressivement vers la couverture d’un périmètre complet,
- améliorer la modélisation au fur et à mesure avec l’utilisation de facteurs d’émissions venant de bases de données externes (Ademe, Négaoctet, Boavizta…).
Du FinOps au GreenOps : un challenge certain
Si le FinOps est un point d’entrée pour piloter une trajectoire carbone, il faut prendre soin de s’interroger sur la corrélation positive ou négative entre les variables de coûts financiers et les variables de coûts environnementaux. De nombreux outils de mesure ont vu le jour et s’améliorent à grande vitesse. Il sera essentiel qu’ils aboutissent à des recommandations pertinentes, personnalisées et multicloud pour répondre aux enjeux de durabilité mis en avant par tous. Leur transparence sur les hypothèses de modélisations retenues est également fondamentale.
Aujourd’hui chez nos clients, la plus grosse source d’économie de coûts grâce au FinOps est l’utilisation d’instances réservées. Cette option étant questionnable d’un point de vue environnemental, les challenges à venir pour les fournisseurs Cloud seront d’intégrer dans leurs outils de recommandations des alternatives à ces réservations pour rester au plus proche du modèle du coût à l’usage.
Enfin, la visée du FinOps qui doit devenir celle du « GreenOps » dans des contextes matures demeure le challenge amont des besoins métiers pour atteindre une certaine frugalité plutôt que la gestion a posteriori d’actions de réductions sur des infrastructures existantes. C’est un niveau de maturité qui demande un très fort travail d’acculturation de tous les acteurs afin de sortir de l’illusion que la virtualisation des ressources les rend illimitées.