Enjeux et réponses au défi énergétique et environnemental
Le 4 octobre 2022, le Club des Echos Prospective en partenariat avec Wavestone, Delville Management de Transition et l’IESEG recevait Bertrand Piccard, Initiateur et Président de la Fondation SOLAR IMPULSE, François Petry, Président de HOLCIM FRANCE et Laurent Bataille, Président de SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE sur le thème « La ville bas Carbone », animé par Dominique Seux, Directeur délégué de la Rédaction, Les Echos.
Fanny Frécon, Manager chez Wavestone, a introduit le débat : les villes concentrent 78% de la consommation d’énergie et 60% des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le monde.
Pour s’inscrire dans une trajectoire bas carbone et réduire leurs émissions, les villes disposent de plusieurs leviers d’action : repenser l’aménagement des villes et l’usage des infrastructures et des bâtiments, mais aussi développer des solutions pour réduire les émissions liées aux logements, aux transports, à l’énergie, etc. selon une approche sectorielle.
De nouveaux modes de fonctionnement (gouvernance, coopération, financement) entre parties prenantes sont nécessaires pour accélérer le développement de ces solutions sur les territoires.
Solar Impulse en quelques chiffres
- Bertrand Piccard a créé la Fondation Solar Impulse après avoir parcouru 40 000km autour du monde dans un avion solaire
- Plus de 1000 solutions identifiées pour une croissance économique propre
- Basé à Lausanne, comptant 70 collaborateurs
HOLCIM en quelques chiffres
- HOLCIM France est né en juillet 2015 après le rapprochement de la société française Lafarge et de la société suisse de matériaux de construction HOLCIM
- 4200 salariés répartis sur plus de 470 sites
- 3 secteurs d’activité : Le ciment, le béton prêt à l’emploi, granulats
Schneider Electric France en quelques Chiffres
- Schneider Electric a été créé en 1836 à Le Creusot
- 135 000 collaborateurs dans le monde
- 28,9 milliards de chiffre d’affaires en 2021
- Spécialiste mondial de la gestion d’énergie et des automatismes
La recherche de l'efficience énergétique peut nous permettre d'éviter une sobriété punitive
Les réponses à la crise climatique et à la crise énergétique sont les mêmes et portent sur une recherche de meilleure efficience. Aujourd’hui, la plupart de nos systèmes perdent trois-quarts de l’énergie produite. Il est donc nécessaire de moderniser nos infrastructures, afin d’améliorer l’efficience. Les gouvernements sont alertés sur cet enjeu depuis un certain temps, mais n’ont pas pris la mesure du besoin. Grâce à la crise climatique et énergétique, il y a une prise de conscience collective. Toutefois, l’urgence de la situation fait que certains individus se retrouvent dans une situation qui demande de grands sacrifices. Pour le futur, il convient donc de rechercher l’efficience plutôt que de se tourner, en dernier recours, vers la sobriété.
Il y a des aspects qu’il faut faire décroître : l’énergie, le gaspillage, l’inefficience, la démesure …
Bertrand Piccard
Selon Bertrand Piccard, nous disposons de tous les éléments nécessaires pour rentrer dans une croissance économique qualitative. Il y a des aspects qu’il faut faire décroître : l’énergie, le gaspillage, l’inefficience, la démesure … qui nous ont maintenu dans un système qui ne marchait pas pendant si longtemps. Mais il faut aussi en parallèle faire croître le fonctionnement économique, ne serait-ce que pour être en mesure d’effectuer des actions de redistribution vers l’éducation, la santé, les caisses de retraite. Si cela n’est pas fait, nous risquons d’assister à une forte hausse de la pauvreté.
Les solutions techniques existent déjà pour la plupart, mais doivent être massifiées
Bertrand Piccard explique que les solutions techniques à la crise climatique et énergétique existent déjà et sont rentables économiquement : il faut donc encourager les acteurs économiques à les adopter massivement. Il existe par exemple des blocages au niveau des réglementations, qu’il faut faire évoluer. La Fondation Solar Impulse a ainsi publié une liste de recommandations aux parlementaires, avec l’espoir qu’ils reprennent ces propositions.
Laurent Bataille souligne le besoin de définir une trajectoire sur le temps long pour décarboner les entreprises, et s’accorde avec Bertrand Piccard pour dire qu’à très court terme, il existe beaucoup de possibilités pour augmenter l’efficacité énergétique. Dans les villes, ce sont les bâtiments qui composent la majeure partie du bilan carbone. Aujourd’hui, il est possible de créer des bâtiments qui utilisent huit fois moins d’énergie qu’un bâtiment normal, en utilisant des pompes à chaleur et en optimisant l’utilisation d’énergie. Le surcoût d’un tel bâtiment est aujourd’hui estimé à 8%, mais il pourrait à terme s’amenuiser jusqu’à 3 ou 4%. Le principal frein à la mise en œuvre de ces solutions porte sur la mésinformation.
François Petry explique que l’engagement des entreprises dans des trajectoires de décarbonation est l’un des leviers pour innover et performer, en particulier dans le secteur du bâtiment et de la construction. La production de béton étant particulièrement émettrice de GES, HOLCIM France a développé un béton bas carbone représentant une baisse de 30 à 70% du poids carbone par m3 par rapport à du béton classique, sans hausse de prix significative. L’accès au plus grand nombre de ces solutions (et donc la compétitivité prix) reste en effet une préoccupation et une condition de succès majeure.
La baisse des émissions de la fabrication du béton s’appuie sur l’amélioration de l’efficacité énergétique du processus de fabrication, et sur l’utilisation de déchets en substitution de combustibles fossiles. HOLCIM a d’ores et déjà réduit de 50% l’utilisation des combustibles fossiles dans ses bétons bas carbone en les remplaçant par des déchets, avec un objectif de 70% à horizon 2030.
François Petry
Président HOLCIM France
l’engagement des entreprises dans des trajectoires de décarbonation est l’un des leviers pour innover et performer, en particulier dans le secteur du bâtiment et de la construction
L’installation de solutions moins coûteuses que l’isolation et la prise en main de sa production d’électricité peuvent aider les utilisateurs à fortement augmenter leur efficience énergétique
L’isolation thermique, rénovation lourde et coûteuse, ne s’impose pas tout le temps comme la meilleure des solutions. Des actions alternatives, telles que l’installation de thermostats connectés pour réguler la température, coûtent 20 fois moins cher qu’une isolation thermique et permettent pourtant d’économiser 20 à 30% de l’énergie.
On observe que certains pays sont très avancés en matière d’efficacité énergétique et d’énergie renouvelable : en Australie par exemple, 30% des maisons sont équipées de panneaux solaires. Quand les citoyens s’impliquent à leur échelle dans le développement de solution d’autoconsommation ou de production énergétique, cela a un impact sur leur implication générale dans la transition vers un système plus écologique.
Laurent Bataille
Président Schneider Electric France
Le levier important pour la baisse des émissions repose sur une action auprès des fournisseurs de chaque entreprise
L’engagement du secteur privé doit continuer, tout en mobilisant l’ensemble des parties prenantes
Les entreprises alignent leurs objectifs de réduction de gaz à effet de serre (GES) sur ceux de dispositifs réglementaires nationaux comme la Stratégie nationale bas carbone (SNBC). François Pétry explique que c’est le cas d’HOLCIM. Il existe une étroite convergence entre les engagements de l’entreprises et les attentes de l’Etat. Le suivi est assuré grâce à des indicateurs dans les sites industriels, et les autorités de contrôle ont la capacité de vérifier le respect des engagements déclarés.
Laurent Bataille souligne qu’un levier important pour la baisse des émissions repose sur une action auprès des fournisseurs de chaque entreprise. Dans ses engagements en faveur du climat pour 2021-2025, Schneider a ainsi demandé à ses 1000 premiers fournisseurs de réduire leurs émissions de GES de 50%. Cela permet de créer une réelle accélération.
La sensibilisation porte aussi sur les collaborateurs des entreprises. En investissant dans des programmes de formation et en expliquant les trajectoires de l’entreprise, on obtient plus facilement l’adhésion des collaborateurs. Cela implique d’avoir une vision claire, avec un but précis.
La norme doit être un outil pour diffuser à grande échelle les solutions rentables déjà existantes, sans devenir punitive
Selon Bertrand Piccard, les normes et actions de soutien public (subventions, taxes carbones) doivent permettre de déclasser les solutions émettrices pour mettre en avant des options rentables et performantes environnementalement. L’outil normatif peut ainsi être utilisé de façon incitative, sans devenir un système punitif et de privation, sous peine de déclencher des comportements de rébellion et de résistance contre l’écologie.
François Pétry appuie en rappelant que la RE2020 a accéléré le chantier de la construction durable. Toutefois, il reste des améliorations à prévoir pour la mise en place d’indicateurs permettant une vision holistique du bilan carbone d’un bâtiment, en prenant en compte sa durée, sa capacité de réutilisation et de réemploi et son équipement.
Laurent Bataille conclut en affirmant qu’au vu du besoin de rapidité de déploiement des solutions il faudra utiliser tous les leviers existants, aussi bien prix des marchés qu’outils réglementaires.
Le Club Les Echos Débats, ce sont 20 conférences par an au coeur des sujets de la nouvelle économie. Wavestone est associé aux Echos pour le Club Transformation Digitale parce que la transformation digitale est le cœur de métier de Wavestone et au Club Prospective parce qu’il est important plus que jamais de scruter le futur pour analyser, identifier les tendances et détecter les ruptures qui vont intervenir.