2023, l’année du passage à l’échelle

Les années 2020 à 2022 et leurs lots de crises (sanitaire, rapport au travail, écologique, énergétique, inflation…), ont vu une accélération digitale sans précédent pour les entreprises : explosion de la relation client omnicanale et de la vente en ligne ; nécessité accrue de maîtrise et souvent, réinvention en profondeur des supply chains et de leur impact social et environnemental, émergence ou accélération du besoin de connaître, attirer, fidéliser les talents… Cette accélération a été un véritable révélateur de maturité digitale des entreprises et – même pour les plus avancées – a nécessité et nécessitera encore de profondes transformations, avec pour point commun le besoin d’enfin maîtriser et valoriser efficacement les données. J’ai donc la conviction que 2023 sera l’année du passage à l’échelle des nombreuses preuves de valeurs apportées par l’IA et la valorisation des données qui – disons-le – n’ont pour le moment pas encore réellement été des inducteurs de différentiation pour les entreprises historiques (elles le sont bien sûr pour les entreprises nées digitales) !

Pour réussir ce passage à l’échelle, j’identifie 4 enjeux clés qui devront être à l’agenda de tous les Chief Analytics & Data-Officers

Un engagement Data/IA au plus haut niveau de l’entreprise

Je parle ici d’« engagement » et non de « culture » car, pour moi, il va être nécessaire de sortir des faux semblants et des belles histoire d’« IA magique » et autres concepts de « data-centricity » qui ont trop laissé penser que la valorisation de la donnée et l’IA pouvaient se décréter et avoir une vie « hors sol », à côté des processus métiers ! Un directeur commercial qui souhaite devenir « sales-datadriven » doit comprendre que ceci est d’abord un engagement et un investissement (e.g. accepter que les commerciaux « perdent » 10% de leur temps à saisir des données dans le CRM) avant d’être demain, un bénéfice (outils d’aide à la décision et à l’action commerciale).

En prenant un peu de hauteur tous secteurs confondus, les seuls véritables processus jusqu’à présent réellement impactés à l’échelle par la Data et l’IA sont les processus marketing et de détection/prédiction d’anomalies (fraude, maintenance…) : c’est peu ! Pour ces 2 familles de processus, la data et l’IA ont pu être utilisées « en dérivation » des processus métier (récupérer de la donnée historique, faire tourner des modèles quelque-part, réinjecter les résultats ou scores obtenus dans des outils de gestion de campagne ou de planification).

Mais les autres processus (vente, supply chain, production, relation client, finance, RH, conformité…) représentent souvent une complexité plus forte car ils nécessitent de coordonner du digital (avec des solutions plus ou moins ouvertes) et de l’humain. Dans ces cas-là, le fonctionnement en dérivation est bien plus complexe voire impossible et il devient alors nécessaire de repenser le processus métier de bout-à-bout. Ici, plus le choix, la direction métier doit s’engager dans une transformation en profondeur.

« La carotte et le bâton »… ou vers une logique plus ou moins coercitive de Data/IA-by-design

La seule façon de réellement faire bouger les choses passe très souvent par une logique de contrainte adossée à un soutien appuyé – c’est un euphémisme – des experts Data. Après plusieurs années d’acculturation et autres incitations par le financement de projets, il faut maintenant trouver le juste équilibre entre contrainte et encouragement. Contraindre, ce n’est ni plus ni moins que d’imposer une instruction sérieuse et approfondie du volet « Data/IA » avant le lancement de tout projet métier. Logiquement, cela implique d’aller jusqu’à tout arrêter si l’instruction est jugée insuffisante. Encourager, c’est doter les Data-Offices et Data-Factories de réels moyens d’appui au service des métiers (Product Owner Data, Data-evangelist, …), des moyens qui vont les aider à penser leurs processus différemment en valorisation mieux les données !

Ceci évitera aux équipes Data/IA de courir derrière les projets métier ou de proposer des solutions peut être incroyables mais rarement accostables à un projet métier déjà lancé.

Méfiez-vous des concepts simplificateurs

Comme toujours, certains tenteront de simplifier le problème grâce à des concepts simplificateurs. Ceux de 2023 seront « Data-mesh », « Data-Fabric », « Customer-Data-Platform », “MLOps”, “Lowcode / No-code”…

Loin de moi l’idée de dénigrer ces concepts qui contiennent tous une part de vérité et parfois de vraies avancées technologiques…mais ils font souvent oublier que l’IA et la Data sont avant tout une question d’engagement métier, ou plus concrètement d’organisation et d’intégration de modèles Data dans les processus métier. Ils ne résolvent rien s’ils ne sont pas adossés à une vraie appropriation des finalités par les équipes métier. Pour ne prendre qu’un exemple, les solutions Data-Mesh sont aujourd’hui intéressantes et, pour certaines, abouties…mais leur implémentation technique n’apportera rien si la production, la qualité, la documentation des données et une partie de la manipulation n’a pas basculée sous la responsabilité éclairée des métiers, avec ce que cela implique en termes d’équipes et de compétences !

Vers des cas d’usages Data/IA moins génériques, au service des singularités et de l’ADN del’entreprise

Si certains cas d’usages continueront à concerner la plupart des entreprises (ciblage marketing cookieless, relation client omnicanale, fraude, excellence opérationnelle…), 2023 devrait selon moi donner le la aux investissements qui favoriseront des cas d’usage IA et Data dans le respect et l’affirmation de certains différentiateurs. Les exemples sont très nombreux et dépendants des industries. Prenons le cas d’une entreprise qui a mis au cœur de sa proposition de valeur l’expérience client physique. Cette dernière va, en toute logique, miser sur des cas d’usages Data / IA qui vont contribuer à renforcer encore davantage la qualité de cette expérience physique (prédiction d’affluence, prise de rendez-vous avec son vendeur/conseiller préféré, formation personnalisée des vendeurs/conseillers,…). De la même manière, une entreprise qui a choisi de devenir entreprise à mission va surpondérer les cas d’usages allant dans le sens de cette mission…

Sans surprise et dans cette logique, l’accélération va être plus forte encore sur l’IA for Green/for Good au service de la démarche RSE de l’entreprise, de la basique mais complexe fiabilisation des indicateurs ESG à des cas d’usages plus ambitieux de finance vraiment verte, de supply chain réellement vigilée, de banque/assurance inclusive, de processus de production moins énergivore, etc.

Vous l’aurez compris, 2023 doit marquer un véritable tournant : celui où IA et Data riment enfin avec Métiers et succès !