Une multiplication des crises qui tend à se poursuivre

Nous vivons une révolution des modes de consommation qui s’illustre par ce que l’on pourrait appeler « l’effet Amazon » : un service qui permet de trouver l’article recherché, à un prix défiant toute concurrence, et le recevoir chez soi en moins de 2 jours. Comment ne pas céder ?

Pour rester dans la course, les entreprises ont été amenées à démultiplier le nombre des références, à se sourcer toujours plus loin et à l’international, à travailler avec un grand nombre de rang fournisseurs, etc. En voulant s’adapter à ces nouvelles attentes des consommateurs, les Supply Chain se sont complexifiées et fragilisées.

Dernièrement la crise Covid 19, combinée à la crise climatique et la guerre en Ukraine ont été les catalyseurs de la perte de contrôle des Supply Chain… Ces événements majeurs ont ainsi révélé les failles des systèmes d’approvisionnement et de distribution.

Ce tournant a conduit les entreprises à s’adapter, revoir leurs standards en matière de consommation énergétique, de consommation de matière première, de provenance de ces matières ou encore d’exigence en termes de qualité de service. Toute la chaîne de valeur a été impactée !

Les Supply Chain ont besoin d’être transformées pour faire face aux crises actuelles et résister aux prochaines. Elles doivent être repensées afin d’être plus agiles et plus résilientes.

Une enquête de l’Usine Nouvelle relève que pour 34% des entreprises interrogées, le « manque d’agilité » est une des principales difficultés rencontrées lors de la crise Covid.

 

Principale difficulté rencontrée lors du COVID

Source : L’Usine Nouvelle, étude du 7 au 25 juin 2021, auprès de 207 décideurs de l’industrie

Dès lors, la gestion des risques devient un prérequis pour un modèle d’entreprise pérenne. Elle répond à des enjeux de maîtrise de la Supply Chain, mais au-delà, à des enjeux économiques pour l’entreprise (maîtrise des coûts de la filière), des enjeux commerciaux (niveau de services et relation avec les partenaires) et des enjeux de souveraineté nationale (relocalisation des productions et indépendance du modèle français).

La gestion des risques passe par un processus d’identification, d’évaluation et d’actions sur tous les points composants sa chaine.

Notre point de vue : la refonte des modèles Supply Chain est indispensable

Jusqu’alors axée sur la réduction des coûts et des délais, la Supply Chain doit aujourd’hui être repensée selon une tout autre philosophie.

La recherche du profit maximum, stratégie qui prédomine depuis des années doit être remplacée par un besoin de vélocité et de résilience. Autrement dit, la capacité à être agile et réactif tout en restant efficace. Par conséquent, d’un mode de gestion orienté coûts et économies courts termes, les entreprises doivent désormais se tourner vers un mode de gestion orienté risques sur le long terme. Cela passe par une revue des grandes lignes directrices Supply Chain, notamment en termes de sourcing (proximité et relations fournisseurs), de localisation des moyens de production (proximité client), de politique de stock (remplacer le « just-in-time » par le « just-in-case »), ou encore de stratégie d’intégration (« make or buy » et dépendance prestataire).

Il sera cependant fondamental pour elles de trouver le bon équilibre entre les investissements mis en place pour limiter les risques et les gains qui en découleront. Ces gains, pourront en effet être de différentes natures : la prévention du risque, l’optimisation de la supply chain et la hausse de flexibilité.

Dans cette optique, une réflexion sur les risques et leurs conséquences pour les Supply Chain est nécessaire pour permettre à l’entreprise de réagir rapidement et intelligemment. Cette réflexion doit dans un premier temps être portée à la Supply Chain interne à l’entreprise, puis pourra par la suite s’étendre à l’ensemble de son écosystème (ex : à quels risques sont exposés mes fournisseurs de rang 1 ?)

Pour cela et afin de mieux les comprendre, nous pensons qu’il est nécessaire d’analyser les risques sous 3 prismes différents :

  • Leurs typologies
  • Leurs points d’impacts sur la chaîne logistique
  • Leurs classification Probabilité-Criticité

Les typologies de risques identifiées

La gestion des risques passe par l’identification de leurs typologies. En les classant selon leurs catégories, les entreprises pourront plus facilement les comprendre, appréhender leurs impacts et agir plus spécifiquement.

Quel que soit le secteur (Supply Chain comprise), 6 grandes catégories de risques se distinguent :

1. SOCIAL

Actes d’une population / d’un groupe d’individus ayant un impact sur la Supply Chain

(Grève, troubles sociaux, boycott massif)

2. GEOPOLITIQUE

Acte ou décision d’un gouvernement qui apportera des contraintes majeures à la Supply Chain

(Crise politique, guerre, barrière douanière, non-conformité)

3. SANTE

Événement nuisible à la santé d’une population / d’un groupe d’individus

(Pandémie)

4. CLIMAT

Événements climatiques majeurs ayant un impact sur la Supply Chain

(Tremblement de terre, volcan, inondation, ouragan)

5. ECONOMIQUE

Évolution du contexte économique ayant un impact sur la demande ou les coûts

(Crise financière, ralentissement économique, prix des matières premières, pénurie…)

6. TECHNOLOGIQUE

Risques liés à l’action humaine, plus particulièrement à la manipulation, au transport ou au stockage de substances dangereuses pour la santé et l’environnement

(Cyberattaque, catastrophe industrielle, innovation technologique)

Pléthore d’événements illustrent les risques rencontrés par les entreprises. Si ces événements sont de nature très variée, ils ont tous pour conséquence de bloquer nos Supply Chain, tous secteurs confondus.

Leurs points d’impact sur la chaîne logistique

Chaque risque, touche de manière plus ou moins importante la Supply Chain. Certains ont un impact global, d’autres plus spécifiques. Par exemple, ceux liés à la planification sont orientés autour des systèmes d’information. Alors que les fournisseurs et usines sont quant à eux d’avantage soumis aux pénuries et problèmes de transport.

C’est pourquoi, connaître chacun des maillons de sa chaîne (planification, fabrication, entreposage…) et la nature précise du risque l’affectant (pénurie, arrêts…), permet à l’entreprise une appréhension plus adaptée.

De plus, chaque grande crise peut être à l’origine de risques différents impactant la chaine selon un ou plusieurs points d’entrées. Incident qui engendre généralement des répercutions sur les autres maillons.

Une cyberattaque, par exemple, crée un risque informatique touchant l’ensemble des parties de la Supply Chain. A l’inverse une crise sociale (grève, manifestation) peut être à l’origine d’une mise à l’arrêt (des usines ou des transports) affectant les fournisseurs, les usines et les transports. Il semble donc aujourd’hui nécessaire de classifier ces crises et d’identifier les risques qui en découlent afin de les anticiper au mieux, et de gagner en agilité.

La nécessité de classifier les risques selon deux axes : probabilité et criticité

Etant tous différents, les risques ne peuvent pas être traité de façon similaire et avec le même niveau d’effort. Les classer permettra aux entreprises de prioriser et d’adapter le traitement approprié. Pour ce faire, il est clef de s’appuyer sur une matrice alliant probabilité d’apparition du risque, et sévérité de ses conséquences, mettant en lumière 4 catégories de risques :

Faible probabilité et conséquences légères : pas d’inquiétude.

Probabilité élevée et conséquences légères : les risques mineurs auxquels une entreprise est confrontée quotidiennement.

Haute probabilité et conséquences graves : risques majeurs auxquels les entreprises s’attendent et se préparent.

Faible probabilité et conséquences graves (Black Swan) : les plus imprévisibles mais aussi les plus menaçants.

Ainsi, la réflexion à porter pour la couverture du risque de chacune de ces familles doit être différente. En effet, quand les 3 premières catégories doivent être traitées en portant une réflexion sur la surveillance de la cause du risque, cette réflexion sera totalement inefficace pour la dernière catégorie.

Les « Black Swans » sont les risques les plus préoccupants, car ils sont par nature inattendus. Il s’agit d’événements dramatiques auxquels personne n’a pensé ou dont personne ne pense qu’il pourra réellement se produire. Il est ainsi difficile, voire impossible de s’y préparer. Essayer d’anticiper le risque en mettant sous contrôle leurs sources potentielles est quasiment impossible vu l’imprévisibilité de ces évènements.

La meilleure façon de faire face aux « Blacks Swans » est donc d’assurer une forte résilience globale de la Supply Chain en se concentrant sur les conséquences possibles du risque plutôt que le risque lui-même.

Notre approche pour la gestion des risques

Certes chaque risque est unique, mais leur démarche de résolution reste similaire. Nous avons donc réfléchi et défini une méthode en 5 étapes clefs, permettant de traiter l’ensemble des catégories de risques :

Prévenir : en cartographiant les risques pour les mettre sous contrôle.

Préparer : en définissant des plans d’actions, scénarios à appliquer en cas de crise.

Simuler : en réalisant des exercices ou scénarios fictifs pour s’entrainer et connaitre les impacts.

Répondre rapidement : en améliorant la capacité de réaction via la réalisation de plans d'atténuation adaptés, permettant de réduire la probabilité qu’un risque provienne et de minimiser l’impact de celui-ci.

Se rétablir intelligemment : par l’intégration du pilotage des risques et de leurs conséquences (organisation et processus) dans une stratégie long terme, reposant sur la capitalisation des expériences vécues afin de renforcer les processus de crise.

Cette démarche permet ainsi de limiter l’incertitude dû au risque par l’anticipation et la mise sous-contrôle de ceux-ci. Elle permet également d’augmenter la résilience de la Supply Chain via l’amélioration continue des processus de gestion de crises.

Notre approche, est un premier pas dans l’anticipation et le traitement des risques. L’intégration d’outils comme les contrôles Tower, les applications de modélisation de risques, ou encore les outils de calcul et d’optimisation des Supply Chain sont partie intégrante de cette démarche.

C’est notamment, en s’appuyant sur ces outils du marché, que l’on pourra avoir une gestion holistique des risques. Ils faciliteront en effet le suivi et le pilotage en temps réel de ceux-ci, afin de prendre les décisions les plus adapter aux besoins, permettant ainsi à la Supply Chain de devenir plus agile, robuste et réactive.

Conclusion : la gestion des risques, un enjeu de pérennité pour la filière industrielle

L’anticipation et la sécurisation sont devenues les maîtres mots de notre siècle, et les entreprises actuelles ne peuvent plus se contenter de réagir. Elles doivent désormais intégrer cette gestion ambivalente, alliant un traitement curatif quand elles se retrouvent à répondre un risque sur le très court terme, mais également un traitement préventif pour anticiper et construire une stratégie de long terme.

La maîtrise de la chaîne logistique est devenue une préoccupation majeure pour les petites et grandes entreprises. L’augmentation des interdépendances a renforcé l’exposition aux risques des Supply Chain, devenues friables et fragiles, avec une dégradation de la maîtrise de l’ensemble des filières.

En 2023, il est ainsi urgent pour les entreprises de se saisir du sujet, un enjeu économique, commercial mais aussi de souveraineté pour la filière industrielle.