L’évolution de la reverse logistic à l’ère du e-commerce

Le développement du e-commerce au cours de la dernière décennie a entraîné une augmentation du nombre d’expéditions, suivie par une augmentation des retours de produits, mettant en lumière l’importance croissante de la reverse logistic dans la gestion de la Supply Chain. La reverse logistic est un processus de planification et de gestion des flux (produits, information…) du client vers le fournisseur, dans le but de récupérer et/ou de recréer de la valeur à partir de ces flux.

Bien que plusieurs acteurs du e-commerce voient son optimisation comme une nécessité, la reverse logistic constitue une brique de la Supply Chain plus complexe à prévoir.

De fait, elle s’appréhende en fonction du comportement évolutif du consommateur, des réglementations en vigueur et des défis environnementaux.

Selon une enquête de Statista réalisée en 2023 en France, 44 % des clients ont renvoyé au moins un colis pour un achat en ligne entre 2022 et 2023. Le secteur de la mode est celui qui est le plus touché par les retours de produits, avec des taux de retour s’élevant à 23% pour les vêtements, 14% pour les chaussures et 13% pour les sacs et accessoires. D’autres secteurs sont également touchés, comme les produits électroniques (8%), les produits culturels (6%) ou les produits cosmétiques (6%) (chiffres issus d’une enquête Statista 2023).

Quelles sont les problématiques principales de gestion des flux retours ?

Les entreprises confrontées à un volume significatif de retours produits font face à des problématiques et des incertitudes quant aux meilleures pratiques à adopter notamment dans le choix d’un prestataire de transport retour et dans l’élaboration d’une politique de délai de renvoi adaptée aux attentes des clients.

Elles se questionnent également sur la nécessité de revoir leur approche et leurs différents processus de gestion des retours en entrepôt. Cela inclut non seulement de décider comment orienter les produits retournés vers les différents canaux de sortie possibles (revente, réparation, recyclage, destruction…), mais aussi de repenser le conditionnement et l’étiquetage des produits pour simplifier les opérations de tri et de traitement des colis.

Parallèlement, la gestion de ces flux retours requiert une main-d’œuvre qualifiée et en nombre suffisant pour garantir le bon déroulement des différentes étapes du processus, notamment les contrôles de qualité.

Enfin, ce modèle opérationnel de reverse logisitic doit être intégré dans la supply chain globale et dans les systèmes d’information existants (TMS, WMS…). La reverse logistic pose donc le problème de l’adaptabilité des flux retours avec les systèmes, traduisant un potentiel besoin de développements IT.

Quelles sont les causes principales de retours ?

Pour pallier ces problématiques, la première étape consiste à mener une analyse approfondie des flux retours en fonction de critères définis (gamme de produits, zones géographiques…) afin d’identifier les causes sous-jacentes récurrentes.

Aujourd’hui, parmi les principaux facteurs de retours, figurent les erreurs d’envoi, les dysfonctionnements d’articles, les défauts liés aux caractéristiques fonctionnelles du produit (dimensionnement, couleur…), les problèmes de conditionnement, les retards de livraison ainsi que les comportements individuels des consommateurs qui sont plus difficiles à adresser (source Gartner 2023).

Quels sont les enjeux pour les entreprises ?

Quatre enjeux majeurs concernent la gestion des retours produits :

  • La satisfaction des clients, par l’amélioration de l’expérience d’achat depuis la commande jusqu’à la livraison finale.
  • La minimisation des coûts additionnels rapportés au produit et la réduction des délais de livraison retour, du client jusqu’à l’entrepôt.
  • L’optimisation des processus et des systèmes d’information, afin de gagner en réactivité et en compétitivité sur la gestion de ce flux spécifique.
  • L’allongement de la durée de vie des produits et l’atteinte des objectifs RSE, dans un cadre légal renforcé sur la durabilité des produits.

Notre regard sur la gestion des flux retours

Dans ce contexte dynamique, une approche stratégique et structurée s’avère essentielle pour répondre aux enjeux précédents et optimiser sa reverse logistic. Parmi les orientations stratégiques et les leviers d’ajustement qui peuvent être actionnés :

Afin de réduire les retours et d’améliorer l’expérience client, différentes mesures préventives peuvent être mises en place en amont du retour de produit. Il s’agit d’améliorer les outils et les canaux d’achats, notamment en recourant à des solutions basées sur l’IA ou à des outils de prédiction. Une autre possibilité consiste à simplifier la politique de retour des produits en la rendant plus flexible sur les conditions générales de vente et les délais de retours, par exemple.

D’autres mesures plus dissuasives, comme le paiement systématique du retour produit ou la proposition d’un outil de calcul de l’empreinte carbone liée au retour d’un colis, sont déjà déployées chez plusieurs acteurs du e-commerce.

Un deuxième levier consiste à maitriser de bout en bout le cycle de vie du produit. En amont du flux retour, cela implique d’améliorer la qualité des produits afin de favoriser leur réutilisation. Avec la notion de « seconde vie », les produits peuvent être affectés à différents canaux de sortie, en aval du flux retour. Le développement et/ou l’optimisation du système d’évaluation de la qualité des produits en retour est un élément prioritaire. En fonction des gammes de produits proposées, une évaluation et un suivi en temps réel des canaux de sortie sont nécessaires.

Parmi les leviers, l’amélioration du conditionnement et du packaging des produits facilite le transport retour et les opérations de tri et de traitement des colis en entrepôt. Par exemple, plusieurs entreprises incluent une étiquette retour dans le colis ou optent pour un carton réutilisable.

En interne, l’optimisation du modèle de gestion des retours se concentre particulièrement sur des actions post-retours des produits.

La performance de la gestion des retours passe également par le pilotage des indicateurs de performance dont les principaux mesurent les coûts financiers, l’énergie déployée en termes de ressources humaines ou d’heures travaillées et la performance environnementale.

Enfin, l’externalisation de la gestion des flux retours à des prestataires spécialisés, de façon totale ou partielle, offre aux entreprises la possibilité de se concentrer sur leur cœur de métier et leurs flux principaux, tout en optimisant l’utilisation de leurs ressources.

Ces différentes solutions combinées peuvent contribuer à une gestion plus efficace des flux retours, permettant aux entreprises de répondre aux attentes des clients tout en optimisant leurs opérations logistiques.

Ouverture

Pour les entreprises du e-commerce, la reverse logistic repose sur une définition claire des champs d’intervention de chaque fonction dans la gestion de ce flux spécifique. Au regard des orientations stratégiques et des leviers énoncés, la Supply Chain est légitime pour endosser la responsabilité principale. Mais, elle peut aussi s’appuyer sur d’autres acteurs (Marketing, Production, Achats…), dans le but d’étendre les champs de compétence et de partager une approche cross-fonctionnelle de ce flux.

Pour la rédaction de cet article, remerciements particuliers aux auteurs Alban Larchet, Si Miao-Renard et Samya Daghni.