Retours sur un webinar riche en enseignements
Le 8 avril dernier, Wavestone organisait un webinar sur le thème de l’accélération de la transformation RH par la technologie. Gaël TREHIN, chef du projet « DRHAA 4.0 » au sein de l’Armée de l’air et de l’espace, Delphine KHENNOUF, Chief Data Officer de la DRH Groupe à la Société Générale et Julien ESCANDE, Senior Manager et expert RH et SIRH chez Wavestone ont su tirer profit des 45 minutes allouées pour exposer leurs éclairages sur le sujet. En voici une synthèse.
Le monde IT change. Et bien que la pandémie ait boosté les usages du digital, le marché du SIRH avait déjà amorcé une transition. En 2021, le contexte est tel que les enjeux et les possibilités techniques s’alignent pour proposer de donner à la fonction RH la place qu’elle mérite dans la contribution à la stratégie de l’entreprise.
Pourquoi questionner votre SIRH face aux besoins du métier ?
Les récents événements ont révélé un manque d’anticipation, de préparation aux divers usages possibles du SIRH. Mais surtout, il y a une évolution significative du contexte qui invite à ce questionnement du SIRH.
D’un côté, le marché du SIRH offre des opportunités. Il est non seulement mature sur tous les processus RH traditionnels (paie, GTA, gestion des talents…) mais également en croissance de près de 10% par an. Cette croissance appelle l’innovation et il se développe ainsi un écosystème d’acteurs hétérogènes. On y retrouve d’une part des éditeurs matures continuant d’enrichir leur offre et pour lesquels l’intégration de la fonction RH dans le quotidien de travail du collaborateur devient un enjeu essentiel, et d’autre part des startups qui viennent compléter les fonctionnalités RH de niche.
De l’autre côté, les RH font face à des pressions de leur environnement : des collaborateurs ayant des attentes en termes d’expérience utilisateur de plus en plus fortes, des données RH en expansion, un SIRH s’imbriquant dans un environnement plus large, avec d’autres systèmes d’informations. Ce n’est donc pas uniquement le marché qui tire les nouveaux usages mais également le contexte et les opportunités internes.
Comment vous y prendre pour faire évoluer votre SIRH ?
La mise en œuvre de cette démarche en 2021 n’est plus la même qu’il y a quelques années.
Premièrement, le schéma directeur qui doit orchestrer la démarche est plus ambitieux (périmètre large), stratégique (contribution accrue de la données RH) et opportuniste (mutualisation avec d’autres initiatives groupe). Il va devoir composer avec toutes les parties prenantes hors RH.
Ensuite se pose la question du choix de solutions : en 2021, le SIRH cible doit pouvoir choisir différents types de fournisseurs, pour des utilisateurs opérationnels au-delà de la fonction RH. Une fois la solution choisie, elle doit être adoptée par les collaborateurs : l’expérience de ces derniers pèse en effet de plus en plus.
La question de la conduite du changement est essentielle et s’appréhende un peu différemment aujourd’hui : le SIRH s’adressant à toute à l’entreprise et non plus uniquement aux gestionnaires RH, il est plus difficile d’animer une aussi grande communauté ; les utilisateurs sont des clients de la solution sans pour autant l’avoir choisie, etc…
Enfin, d’un point de vue métier il est peut-être plus stratégique aujourd’hui de chercher sur le marché la solution qui répondra à vos ambitions plutôt que d’essayer à tout prix de développer cette solution. Contrairement à il y a 20 ans, l’offre marché est en avance sur le métier RH dans bien des cas. Soyez flexibles et profitez-en !
Le sujet est large et nécessite donc que la fonction RH évolue en termes de méthode, mais également en termes d’appréhension du SIRH.
Quels sont les impacts des évolutions précédemment citées sur la fonction RH ?
L’enjeu principal est d’acculturer les métiers RH aux usages numériques, aux évolutions techniques ou technologiques.
Gaël Trehin
Chef du projet « DRHAA 4.0 »
au sein de l’Armée de l’air et de l’espace
La transformation ou l’évolution de tout SIRH impose que les métiers s’emparent de ce sujet mais aussi que l’on donne aux métiers le temps et les moyens de réfléchir, d’investiguer, de comprendre, de questionner ses processus, de se remettre en cause aussi pour améliorer le service
Au Ministère des Armées, en effet, plutôt que de disposer partout de pools d’experts de la donnée, le parti est pris que des collaborateurs de chaque milieu soient formés aux fondamentaux de la Data et de l’IA. Ainsi, un pool dédié multi domaines adresse les sujets technologiques avec ces équipes métiers porteurs de la maîtrise d’ouvrage.
L’acculturation à ces nouveaux usages est également un enjeu essentiel à la Société Générale. Des actions sont menées pour développer une culture IT chez les RH d’une part, et développer une culture RH chez les métiers IT d’autre part.
Khennouf Delphine
Chief Data Officer de la DRH Groupe @ Société Générale
A la Société Générale, nous organisons des actions de sensibilisation (au travers de présentations, de démarches d’idéation menées avec les équipes RH, de formations), basées sur les use cases concrets menés à la Société Générale dans leur contexte sur des problématiques d’actualité (l’engagement, la diversité et l’inclusion qui sont un enjeu stratégique du Groupe, la gestion des talents, des problématiques d’attrition)
Comment valoriser la donnée RH de plus en plus prolifique ?
La valorisation de la donnée RH n’est possible qu’à condition qu’il existe un cadre de confiance qui assure aux parties un traitement responsable des données. Pour cette raison, une réelle gouvernance de la donnée a été mise en place à la Société Générale avec la nomination de Data Owners identifiés pour chaque donnée.
Mais peut-on valoriser ce que l’on maîtrise mal ? La profondeur d’historique des données RH est d’une telle ampleur qu’il est parfois difficile d’en tirer pleinement profit. La valorisation de la donnée commence donc par la bonne connaissance du contenu de celle-ci.
Un nouvel enjeu à prendre en compte : la gestion éthique des données
Le sujet de l’éthique des données doit être inscrit en amont dans chaque plan stratégique et rester à l’esprit en permanence dans tous les travaux entrepris. C’est un sujet métier mais également technique pour lequel la complémentarité des équipes fera la différence dans l’analyse, la présentation et la compréhension commune des données. Il est également important de garder à l’esprit que l’usage des outils technologiques vient alléger certaines tâches ancillaires mais il ne s’agit que d’une aide à la décision. La gestion RH automatisée peut reposer sur des contrôles de cohérence mais il existe une part humaine, relevant du choix et de l’opportunité du moment, qui reste dans la main du décideur.
En pratique, deux questions se posent systématiquement :
- Quelles données vais-je utiliser ?
- Comment va-t-on utiliser les résultats ?
Des groupes de réflexion ont été mis en place à la Société Générale afin de creuser la question de l’éthique dans l’utilisation des données et d’aller plus loin que le cadre imposé par le RGPD. Qu’est-ce qui paraît acceptable, moralement, socialement en termes d’usages des données collaborateurs ? Les sensibilités qui s’expriment peuvent être assez différentes. Une position peut consister à ne développer des usages que dans la mesure où ils présentent un bénéfice pour les collaborateurs et ne sont pas susceptibles de leur nuire.