Au cœur de la stratégie de transformation de l’Etat, les programmes Action Publique 2022 et Tech.gouv ont permis un large mouvement de dématérialisation des 250 procédures les plus utilisées par les particuliers et les entreprises. Cet objectif ambitieux constitue un point d’étape important dans la modernisation de la relation des usagers à leurs administrations. Il a également soulevé une réflexion profonde sur l’égalité d’accès des citoyens aux services publics numériques et sur la transformation des de la relation usager. Quels freins ont été identifiés ? Comment aller plus loin ?
La persistance de freins à l’accessibilité des services publics numériques
Faciliter l’accessibilité aux services publics numériques nécessite en premier lieu d’accélérer le déploiement d’une connectivité performante à l’échelle de l’ensemble des territoires et jusqu’à l’usager final. En effet, l’objectif du plan France Très Haut Débit visant à couvrir l’intégralité du territoire en très haut débit d’ici fin 2022 n’est pas encore atteint : en 2021, seulement 69% des Français bénéficiaient d’un accès au très haut débit.
L’accessibilité aux services publics dématérialisés dépend également de la facilité pour le citoyen de recourir au numérique et de disposer d’équipements adéquats. La Défenseure des droits, dans son rapport annuel d’activité 2020, expose les difficultés d’accès aux droits et aux services publics provoquées par la dématérialisation, parmi lesquels les difficultés économiques, obérant l’équipement des usagers.
Enfin, le manque de compétences des usagers est un frein majeur à l’utilisation des démarches en ligne : une étude de l’INSEE publiée en mai 2022 fait apparaître que 32% des adultes ont renoncé à effectuer une démarche en ligne en 2021, notamment en raison de la complexité des démarches ou du manque de compétences numériques.
La numérisation des services publics doit s’accompagner d’une intermédiation
Pour pallier ces freins et répondre à l’exigence d’inclusion des citoyens, une intermédiation avec l’administration s’avère nécessaire. La transformation numérique de l’Etat doit ainsi s’intégrer dans une stratégie omnicanale, qui laisse « à chaque usager le choix de son mode de relation avec l’administration », comme l’a indiqué la ministre de la transformation et de la fonction publique en février 2022 : « toute démarche numérique sera désormais systématiquement doublée d’un accueil de proximité, dans les espaces France services, et d’un soutien par téléphone ».
Ce soutien doit apporter aux citoyens un accès à internet et un appui à l’utilisation des outils numériques. C’est la vocation première des maisons France Service, qui permettent aux usagers de disposer d’équipements et d’appui pour la réalisation de démarches en ligne, en combinant accueil physique, outils numériques en libre accès et médiation numérique.
Ce soutien doit également garantir que chaque usager ait accès à un conseiller en mesure de le guider tout au long de son parcours administratif : identifier les démarches à réaliser, aider dans la réalisation de la démarche, donner de la visibilité sur l’avancement du dossier ou sur l’état des droits ouverts, prendre rendez-vous avec un expert… Ces points de contacts, qu’ils soient physiques ou à distance (téléphone, visioconférence, SMS, etc.), sont en effet essentiels pour maintenir la proximité des citoyens avec leurs administrations et préserver l’universalité d’accès aux services publics. C’est particulièrement vrai dans les cas complexes qui nécessitent de bien comprendre la situation individuelle de l’usager pour apporter un conseil pertinent parce que personnalisé et dans un langage clair. Dans de tels cas, les citoyens doivent pouvoir disposer d’une capacité d’accès à un agent spécialisé, comme le prévoit par exemple la DGFiP dans le cadre de sa stratégie multicanale.
Vers des réseaux ministériels de proximité, d’accueil personnalisé et d’expertise
Face à ces nouveaux défis, les administrations doivent repenser leur stratégie d’accès, leur schéma d’implantation territorial, les aménagements des espaces physiques d’accueil du public, le périmètre et les niveaux de service associés à chaque canal d’accès. Pour parvenir à un état de l’art, cette stratégie doit se matérialiser par :
Une organisation omnicanale, garante de la cohérence et de la continuité du parcours pour l’usager entre le numérique, les guichets physiques et l’accueil à distance
La capacité à traiter 80% des demandes usager dès le premier contact et sans réorientation, au moins sur les cas simples
Des « conseillers augmentés », disposant des compétences et des moyens techniques pour accompagner les usagers tout au long de leur parcours administratif de manière personnalisée. Il sera ainsi possible d’accompagner les citoyens en difficulté numérique, ceux nécessitant un conseil expert, mais également ceux pour lesquels la relation avec l’administration peut être anxiogène, du fait de difficultés sociales, culturelles ou linguistiques
C’est pourquoi, en articulation avec la montée en puissance du réseau France Services, qui a pour mission de « conseiller les usagers dans leurs démarches administratives mais aussi de les aider à utiliser les services publics en ligne », l’administration doit repenser en complémentarité ses modalités d’accueil et de prise en charge des usagers, en proposant des « guichets avancés », orientés vers un service toujours plus personnalisé et expert. Un projet ambition mais nécessaire.