Rouage administratif indispensable, qui fait le lien entre le demandeur, l’acheteur et la comptabilité, l’approvisionneur est celui qui génère, envoie et suit la commande de biens ou de services aux fournisseurs externes.

Pour beaucoup de raisons – nous allons le voir, pas forcément bonnes – les entreprises préfèrent aujourd’hui souvent que cette activité soit répartie sur l’ensemble des directions et services. Proximité du demandeur, connaissance du métier, réactivité sont souvent évoqués. Pourtant, une centralisation des approvisionnements bien étudiée peut tout autant, voire mieux, répondre à ces besoins, et a de nombreux autres avantages.

Le rôle de l’approvisionneur

Petit rappel du processus « P2P – Procure To Pay », c’est-à-dire, en bon français, l’enchaînement des tâches qui vont de la commande d’un bien ou d’un service jusqu’au paiement du fournisseur qui l’a fourni :

A l’origine, un demandeur, dans une direction métier, exprime le besoin d’un bien (fourniture, matériel de bureau, matériel informatique, logiciel), ou d’un service (prestation informatique, prestation intellectuelle, organisation d’un séminaire, etc…)

Son management valide le besoin et la disponibilité du budget afférent

À ce moment-là peut intervenir l’acheteur, qui, si besoin, aide à sélectionner un ou plusieurs fournisseurs, organiser un appel d’offre, une négociation… Si celui-ci a déjà en amont, travaillé à la mise en place de contrats cadre, avec des catalogues de références et de prix, il peut très bien ne pas être sollicité à cette étape, laissant le demandeur autonome.

L’approvisionneur intervient à ce moment pour saisir la commande dans l’outil, ce qui a pour conséquence de matérialiser l’engagement de la société, et l’adresser au fournisseur.

Selon les cas de figure, c’est lui (ou le demandeur initial) qui va ensuite matérialiser la bonne réception (partielle ou totale) du bien ou du service dans l’outil, en conformité avec la commande initiale. Cette étape de « réception » est primordiale car :

C’est elle qui déclenche la constatation de la charge dans les comptes. Ainsi, si en fin de période, la facture du fournisseur n’a toujours pas été reçue, on constate une FNP (facture non parvenue) qui a pour conséquence la saisie d’une provision de charge et qui va venir grever le résultat. En effet, la prestation ou le bien a été réceptionné(e), et ce n’est pas parce que la facture n’a pas été reçue (ou pas traitée !) qu’il ne faut pas qu’elle se matérialise dans les comptes.

Elle va permettre de simplifier la suite du processus, notamment la mise en paiement de la facture qui sera reçue, en évitant sa mise en circulation (souvent au format papier), très consommatrice de temps.  En effet, toute facture reçue et saisie par le service comptable qui se révèle être conforme à la réception déjà réalisée en amont, et donc à la commande initiale, est automatiquement considérée comme « bonne à payer », et de fait, mise en paiement au moment où l’échéance de règlement échoit.

La facture est reçue et traitée par la comptabilité fournisseur. Comme expliqué dans le point précédent, si elle est conforme à la réception précédemment réalisée, le bon à payer lui est automatiquement apposé.

En cas de non-conformité de la facture, il est fréquent que cela soit l’approvisionneur qui prend en charge le pilotage de la résolution de l’écart (il contacte le demandeur, les services administratifs du fournisseur, etc…)

Comment cette activité est-elle souvent organisée aujourd’hui ?

Dans la plupart des entreprises, il existe un service ADV – Administration Des Ventes – centralisé. Une fois qu’une vente a été réalisée, et un contrat établi par la Direction Commerciale, ce service prend la main pour prendre en charge son traitement administratif : suivi des échéances et des modalités du contrat, établissement des factures, etc…

L’équivalent de l’ADV côté Achats, l’approvisionneur, c’est-à-dire celui qui va traiter administrativement le contrat établi par la direction Achats, ne fait en revanche souvent pas partie d’un service centralisé. L’activité  est au contraire fréquemment très diffuse au sein de toutes les directions / services de l’entreprise. En pratique, des profils de type assistant(e) de Direction, assistant(e) de gestion, gestionnaire administratif, etc… traitent les commandes liées à leur service ou leur manager de rattachement, en plus de toutes leurs autres tâches.

Pourquoi cette situation ? Pourquoi aussi peu de centralisation ? Quels sont les freins et les craintes d’une telle organisation ?

Ce sont souvent les mêmes craintes, pertinentes et compréhensibles, qui nous sont remontées, dans toutes les directions ou services, quelle que soit leur activité, chez tous les clients, quel que soit leur métier.

La perte de proximité et de réactivité, ou « c’est quand même plus simple de demander à mon assistant(e), il est au courant de mes préférences, de ma façon de faire, et en plus il est dans le bureau d’à côté ».

La perte d’expertise ou «  oui mais chez moi c’est spécial, on commande des choses très spécifiques, ça ne peut pas être pris en charge par d’autres que moi »

La perte de visibilité sur le suivi du budget, ou « si ce n’est pas moi qui saisis la commande, ça ne sera pas saisi comme je veux, sur les bonnes lignes budgétaires, et dans les bons délais et je n’aurai pas un suivi à jour et précis de mon budget (ce que d’ailleurs  j’arrive à faire en saisissant en parallèle sur mon fichier Excel de suivi personnel)

La perte d’autonomie ou « si quelqu’un d’autre passe la commande à ma place je ne vais plus avoir la main pour sélectionner le fournisseur de mon choix »

Sur la perte de proximité et des réactivité, il faut au contraire souligner que dans le cas présent, l’assistant(e) a peut-être d’autres choses à faire à l’instant précis, et comme il ou elle ne réalise pas quotidiennement cette tâche, n’est pas forcément à l’aise avec l’outil dès qu’il y a une spécificité (ex : gestion du versement d’un acompte), ne connait pas les process et les circuits de validation spécifiques à chaque type de dépense…A l’inverse, disposer d’une équipe professionnalisée sur cette activité spécifique, que l’on peut contacter à toute heure ouvrée via une hotline, qui est soumise à un contrat de service interne lui imposant des délais de réponse et de traitement (et pilotée sur les indicateurs en conséquence), peut lui faire gagner du temps. Plus que de la simple réactivité, elle peut lui apporter en plus un véritable rôle de conseil puisqu’elle connait ses fournisseurs référencés, dispose des catalogues à jour, etc.. et proposer une solution au demandeur.

Sur la nécessité d’une certaine expertise sur la nature de ce que l’on commande, elle est réelle, néanmoins elle ne s’oppose en rien à une centralisation de l’activité. L’expertise aussi peut être centralisée…

En fonction des natures de dépenses concernées, on distingue 2 types d’approvisionneurs :

  • Un approvisionneur qui dispose déjà d’une certaine autonomie et expertise pour choisir lui-même le fournisseur (au sein d’un panel de fournisseurs déjà référencés) et le produit concerné (au sein d’un catalogue déjà en place), sous réserve bien évidemment qu’il respecte les exigences et le budget du demandeur.
    • Il s’agit par exemple des profils de type « gestionnaire de Parc informatique ».
    • L’intégralité de son activité peut très bien être réalisée au sein d’une cellule centralisée.
  • Un approvisionneur qui « subit » une demande déjà préalablement qualifiée, avec un demandeur qui a déjà identifié le fournisseur avec lequel il souhaite travailler (ex : prestation intellectuelle, tenue d’un séminaire)
    • Cette activité peut également très bien être réalisée au sein d’une cellule centralisée.

Sur la perte de visibilité sur le budget, il faut bien expliquer que les 2 notions ne sont pas censées être corrélées, et que les outils doivent permettre au demandeur de suivre correctement son budget, quelle que soit la personne qui traite la commande.

Et enfin, sur la perte d’autonomie, il faut que la direction Achats mette en place des délégations d’achats permettant à chaque direction / service, dans certains cas de figure bien encadrés (en fonction de la nature et du montant de la dépense), de sélectionner lui-même son fournisseur et si besoin négocier directement avec lui. Même sans délégation achat, le choix d’un fournisseur doit toujours se faire en concertation avec le service demandeur concerné.

Et pourtant les avantages d’une organisation centralisée sont nombreux

Nous les distinguons, ci-dessous, en 3 catégories : les avantages pour l’entreprise, pour le client (interne, c’est-à-dire le demandeur) et pour le collaborateur (c’est-à-dire l’approvisionneur)

 

Pour l’entreprise : amélioration de sa performance d’ensemble

Harmoniser l’organisation : Harmoniser les pratiques et le processus « P2P» au sein de l’entreprise

Rendre le modèle plus efficient : Gagner en productivité (ETP) en faisant réaliser l’activité  par des personnes dédiées à temps plein plutôt que des collaborateurs qui font cela de manière ponctuelle

Disposer d’une activité sécurisée

  • Améliorer le contrôle interne
  • Fiabiliser les référentiels
  • Sécuriser l’acte achat
  • Garantir la bonne application des contrats (conformité et modalités, ex : délais de paiement fournisseurs)

Accompagner les «approvisionneurs » : Création d’une nouvelle ligne métier pour piloter cette activité aujourd’hui non reconnue et non suivie

Le cas échéant, optimiser les bénéfices de l’ERP déjà en place ou en cours de déploiement : les avantages de l’ERP résident avant tout dans la mise en place de processus de gestion standards et structurés ; leur mise en œuvre est d’autant plus facile qu’elle est localisée sur un nombre limité de personnes.

 

Pour le client interne (le demandeur)

Améliorer la disponibilité et la réactivité

  • Rendre la cellule disponible en permanence grâce à l’organisation d’un « front office», contactable via une Des systèmes de back-up et de partage des informations entre membres sont organisés afin de garantir la continuité de service (en cas d’absence par exemple).
  • Rendre la cellule responsable de son activité et de son service au regard de ses clients internes (via des « contrats de service interne », appelés « SLA »)

Augmenter la qualité de réponse à la demande

  • S’adresser à un interlocuteur qualifié et expert
  • Bénéficier d’un effet de synergie entre les membres de l’équipe (FAQ, intelligence collective)

Se recentrer sur son activité : Opportunité de transférer une tâche non « cœur de métier » afin de dégager du temps aux collaborateurs qui s’en occupent de manière ponctuelle.

 

Pour le collaborateur concerné (l’approvisionneur)

Création d’un rôle reconnu

  • Création d’un véritable métier, reconnu en interne et en externe
  • Développement et valorisation d’une expertise déjà existante (secteur d’activité, connaissances techniques ou fonctionnelles,…)

Création d’un rôle riche

  • Création d’un rôle riche avec des tâches variées (employabilité, mobilité)
  • Valorisation du rôle de conseil auprès des demandeurs

Mise en place d’une trajectoire de carrière avec l’opportunité de gagner en expertise et en autonomie vers des rôles d’approvisionneurs de plus en plus qualifiés (profils « gestionnaire de Parc » par exemple)

Comment s’y prendre pour mettre en place une telle organisation ?

Les phases classiques du déploiement d’une cellule mutualisée et centralisée sont schématiquement les suivantes

A noter qu’en fonction des entreprises et des contextes, différentes appellations pourront être utilisées : cellule centralisée, CSP ou SCC, Proc’ Center, GBS (Global Business Services), etc…