Tribune publiée sur le site de la Tribune le 22 juillet 2022
L’intérêt socio-économique de ce prolongement est évident, mais son financement pose question. La fréquentation des transports en Ile-de-France peine à retrouver son niveau d’avant crise COVID et Ile-de-France Mobilités (IDFM), l’autorité organisatrice des mobilités, affiche une dette sans précédent. Le modèle économique des transports en IDF serait-il dans l’impasse ? Entre la crise sanitaire qui a induit un changement d’habitude des usagers, l’inflation qui va inciter davantage de conducteurs à laisser leur voiture au garage et enfin l’urgence de la transition écologique (le secteur des transports est responsable de 1/3 des émissions de gaz à effet de serre en France), les transports publics sont à l’aube d’un changement en profondeur. Le rapport “Mobilités en Ile-de-France : ticket pour l’avenir” de l’Institut Montaigne, avec la contribution de Wavestone, explore les pistes pour résoudre les défis du modèle des transports franciliens et particulièrement sa soutenabilité économique à travers 16 recommandations.
L’Île-de-France, un enjeu d’inclusion de la Grande Couronne
Avec ses 43 millions de trajets quotidiens, l’Île-de-France, 3ème pôle de Mass Transit au monde (derrière Seoul & Tokyo), concentre les problématiques de transports en zone dense : congestion, pollution, mais surtout une mobilité à plusieurs vitesses entre Paris centre, la petite couronne et la grande couronne. Symbole d’une dynamique d’investissement d’exception, le projet du Grand Paris est l’incarnation d’un nouvel élan de l’offre de mobilité liée aux défis de croissance démographique de la région notamment en grande couronne (augmentation de 40 à 45% de la population et de 30 à 34% de l’emploi selon des estimations pré-crise covid). Cette évolution renforce le passage d’un mode dit en étoile – avec Paris au cœur – à un système de rocades reliant les petite et grande couronnes entre elles, axe nécessaire de développement des transports.
En effet, la concentration exceptionnelle de l’emploi en Ile-de-France (68% de l’emploi sur 6% du territoire) et la politique du logement ont de lourdes conséquences sur les déplacements domicile travail (12km et 2h en moyenne de déplacement par jour) et plus particulièrement sur les déplacements entre petite et grande couronnes (qui représentent 70% des trajets quotidiens). Avec le Grand Paris Express, le métro ne sera plus cantonné à Paris, c’est une révolution ! En tout, ce ne sont pas moins de 200km de lignes qui vont être créées entre 2024 et 2030, soit l’équivalent du doublement du réseau de métro actuel.
Néanmoins le Grand Paris Express n’adresse pas tous les enjeux de la grande couronne : une étude menée par le département de l’Essonne estime que seules les lignes 17 et 18 représenteront des opportunités pour les territoires desservis dans ces périphéries. Comme le préconise l’Institut Montaigne dans sa première proposition, il est essentiel de poursuivre la politique d’investissement afin d’apporter des solutions de rabattement vers les RER, métro et tramway qui sont les piliers du mass transit, en facilitant le lien avec toutes les solutions de mobilité : bus à haut niveau de service (avec une fréquence élevée), mobilités partagées (covoiturage et autopartage) et mobilités douces (vélos, trottinettes, marche).
Un engagement de tous les acteurs pour améliorer la qualité de l’offre de transport
En tant qu’autorité organisatrice de la mobilité, la mission d’IDFM consiste à organiser, développer et améliorer le service public de transport à l’échelle de la région. IDFM pourrait ainsi par exemple faciliter et accélérer la création de lignes de bus rapides connectant les zones résidentielles au pôle de transport le plus proche, trajet habituellement assuré par la voiture en grande couronne, sous condition d’étendre son périmètre à la gestion des routes structurantes franciliennes, notamment entre Paris & la grande couronne, ce que propose également l’Institut Montaigne dans sa 9e proposition.
Au-delà de la création de nouvelles lignes de métro et de bus, les nouveaux besoins des voyageurs résident dans la personnalisation des parcours et dans la fluidité entre les différents modes de transport (train – bus – vélo – VTC par exemple). La digitalisation des titres de transport, en cours en Ile-de-France, facilitera cette intermodalité qui exige d’aller plus loin sur les solutions MaaS proposées. Également préconisé par l’Institut Montaigne, l’aménagement des gares et stations est essentiel, et relève du périmètre de responsabilité des collectivités locales à coordonner au niveau régional.
Et IDFM n’est pas le seul acteur à devoir s’engager ! Les entreprises et les établissements d’éducation ou de formation peuvent aussi agir comme le recommande l’Institut Montaigne, en favorisant le télétravail lorsque cela est possible ou bien en décalant les horaires de travail afin d’étaler les heures de pointe et ainsi réduire les problématiques de congestion (propositions n°2 et 3).
Equilibre financier : une révision tarifaire incontournable sous condition de préserver l’équité sociale
La santé économique des transports publics a été mise à mal par la crise sanitaire. Or il était déjà connu qu’il manquerait environ 1 milliard d’euros par an pour couvrir les coûts d’exploitation du réseau de transport francilien en incluant le Grand Paris Express.
Il est donc vital de préserver les sources de financement, en équilibrant les subventions, la captation de la valeur générée par l’extension de l’offre de transport et les recettes dans une vision qui créée une alliance entre les politiques routières et de transport public en anticipant la fin des moteurs thermiques.
L’augmentation de l’offre (et donc de son coût d’exploitation) et l’inflation appellent toutes deux à une révision tarifaire pour rapprocher le ratio des recettes sur dépenses (26% en Ile-de-France) d’un niveau plus viable et plus proche de ce qui se pratique dans les grandes métropoles mondiales, notamment en appliquant une tarification à l’usage pour les voyageurs sans abonnement (proposition n°6). En parallèle, dans un souci de justice sociale, le déploiement massif du chèque mobilité à destination des usagers modestes sera essentiel (proposition n°8 du rapport).
Densification et expansion de l’offre, maîtrise des coûts d’exploitation, articulation des politiques de transport avec celle du logement et de l’emploi, renforcement des concertations locales pour articuler toutes les mobilités, sont autant de pistes de réflexion qui doivent être explorées pour garantir une réponse pérenne aux enjeux rencontrés par les mobilités en Ile-de-France.