Le chantier numérique du programme de réforme de l’Etat « Action Publique 2022 » a été conçu autour de deux axes essentiels : la dématérialisation des 250 démarches administratives les plus utilisées par les Français d’ici mai 2022, et la création d’une plateforme numérique de l’Etat reposant sur des socles et services réutilisables tels que FranceConnect, le guichet dites-le-nous une fois ou le catalogue d’API sur les données de références. Où en sommes-nous aujourd’hui ? Quels leviers d’accélération peut-on identifier ?
La dématérialisation des démarches administratives les plus courantes : un objectif globalement atteint, mais un point d’attention sur la qualité de l’expérience usager
La dématérialisation des 250 procédures les plus courantes a constitué un point d’étape important dans la transformation numérique de l’administration et a engagé l’ensemble des Ministères dans une démarche commune de modernisation. Les ambitions visées par cette initiative étaient triples : la réduction de la charge administrative, la simplification de l’accès aux droits et l’amélioration des services rendus aux usagers. L’objectif fixé apparaît globalement atteint sur le plan quantitatif, avec 85% des 250 démarches de la vie quotidienne désormais réalisables en ligne. Sur le plan qualitatif, en revanche, le bilan semble plus nuancé. A ce stade, seules 30% des démarches suivies par l’observatoire de la qualité des démarches en ligne atteignent le palier attendu de 85% d’utilisateurs satisfaits (selon l’édition de janvier 2022). Les raisons données à ce niveau de satisfaction sont multiples : les nouvelles démarches dématérialisées ne répondent pas toujours à des critères de qualité et d’ergonomie attendus par les usagers, de compatibilité mobile, d’accessibilité aux personnes en situation de handicap, ou encore d’automatisation du remplissage de formulaires. Certaines procédures apparaissent même plus complexes pour les usagers et sans gain perçu dans les délais de traitement. Plus globalement, il semble que la démarche de dématérialisation n’a pas pleinement aidé à améliorer l’expérience de l’usager.
La numérisation doit être une opportunité d’optimisation et de simplification
L’approche menée jusqu’à présent a essentiellement consisté à transposer pas à pas une procédure papier en procédure dématérialisée. L’optimisation des procédures concernées, au moment de leur dématérialisation, est restée le cas rare. S’il est désormais possible de déposer une demande au format numérique et de suivre l’avancement de son traitement, l’effet levier de cette numérisation sur la transformation des processus métiers, reste insuffisamment exploité. Or, l’apport de valeur pour les usagers, et pour les agents, repose autant, voire principalement, dans la simplification des procédures, la réduction de la charge administrative associée et, in fine, une amélioration des temps de traitement. Le prochain enjeu dans cette dématérialisation sera donc bien de repenser les procédures administratives, quitte à adapter le cadre de contraintes réglementaires y afférant, dans un environnement numérique (exemple : suppression de l’exigence de pièces justificatives produites par les administrations).
L’enjeu est aujourd’hui d’avoir une approche disruptive pour bénéficier pleinement des apports du numérique et ainsi à la fois simplifier et alléger les tâches répétitives des agents et améliorer l’engagement usager (réduction des délais de traitement…).
Des simplifications majoritairement tournées vers les « entreprises », qui restent à accélérer pour les « usagers »
La promesse d’un Etat plateforme et d’une offre de service, structurée autour de l’usager et non plus selon les découpages organisationnels, n’est que très partiellement tenue. Le projet Dites-le-nous une fois a entraîné des simplifications majeures depuis 2014, dont «Marchés publics simplifiés» constitue une avancée significative pour les entreprises. Elle dispense les soumissionnaires à des marchés publics de fournir de nombreux justificatifs au moment du dépôt de leur candidature et de leur offre (Kbis, attestation sociale, attestation fiscale, etc.).
Toutefois, les simplifications apportées par Dites-le-nous une fois ont principalement concerné les entreprises. Les simplifications pour les particuliers restent limitées, faute d’un mouvement d’ampleur d’ouverture des données et de simplification des procédures.
L’ambition à présent est de penser une plateforme de services centrée sur l’usager qui permettrait aux utilisateurs depuis un point d’accès unique d’accéder à leurs dossiers et de générer simplement les justificatifs à joindre à leurs démarches en ligne. Un incontournable pour répondre à la promesse initiale du projet.
Pour mener à bien cette prochaine étape, l’approche de transformation pourrait utilement choisir de se construire autour des cas d’usage, des « situations de vie ». Une telle approche nécessite de rompre avec l’approche traditionnelle d’une organisation par mesures, découpées en fonction des silos organisationnels, et menée de manière étanche les unes par rapport aux autres.
Pour y parvenir, l’organisation du projet doit répondre à une logique plus horizontale, collaborative et connectée. Dans ce nouveau modèle, les administrations sont naturellement incitées à coopérer pour la mise en place de nouveaux parcours, et à partager les données qu’elles produisent. Un effort nécessaire pour faire de cette dématérialisation un véritable pas en avant au service de l’usager.