Avec plus de 20 000 sociétés déclarantes et une enveloppe de 6 milliards d’euros, le Crédit Impôt Recherche (CIR) incite les entreprises à innover et à mener des travaux de R&D sur le territoire français. Cependant, du fait des régulières évolutions législatives et de l’implication de nombreux acteurs techniques et financiers dans l’entreprise, le processus est souvent mal optimisé. De plus, les contrôles fiscaux, exigeant un fort niveau de maîtrise et de qualité de la justification, viennent complexifier la mise en application du dispositif.

Wavestone a lancé une étude pour évaluer le niveau de maîtrise et le coût interne du processus CIR des sociétés menant des activités R&D. Vous y découvrirez notamment :

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Quelle maîtrise du processus CIR par les sociétés interrogées ?

Le diagnostic CIR est divisé en six catégories :

Connaissance du dispositif

Implication et reconnaissance du personnel

Application des critères d’éligibilité

Maîtrise du chiffrage

Qualité du processus de rédaction

Pilotage

Une bonne perception du dispositif

Dans un premier temps, il a été demandé aux sondés d’estimer leur niveau de maîtrise au sein des six volets du diagnostic CIR. Il en ressort que les entreprises ont une perception correcte de leur dispositif interne, puisque la moyenne générale s’élève à 3.2/5 toutes catégories confondues. En particulier, dans les tâches opérationnelles (éligibilité, chiffrage et rédaction), les moyennes sont supérieures à 3.5/5. Le détail des résultats montre cependant que les tendances ne sont pas si optimistes.

Notes moyennes sur l’ensemble des entreprises diagnostiquées

L’implication du personnel au plus bas

Quels que soient leur secteur d’activité ou leur taille, la catégorie dans laquelle les entreprises ont la note la plus basse est « Intégration et reconnaissance du personnel ». On remarque que très peu d’efforts sont engagés pour embarquer les collaborateurs dans le dispositif CIR.

Les indicateurs de veille sur le CIR et de formation du personnel, au plus bas, nous font tirer la sonnette d’alarme. L’activité CIR peut être considérée comme une tâche supplémentaire, chronophage et non nécessaire au bon développement d’un projet. Cependant, la formation des personnels impliqués dans le chiffrage et la sécurisation des projets retenus devraient être intégrée dans le processus. On remarque que, souvent, la connaissance du CIR est détenue par les responsables techniques ou fiscaux, alors que les chefs de projets et ingénieurs ne sont confrontés au dispositif que deux fois dans l’année, lors de l’audit et de la rédaction des fiches techniques. Il est compréhensible qu’ils ne se tiennent pas à jour de l’actualité sur le CIR, qui peut évoluer souvent dans l’année.

Il est pourtant nécessaire que les collaborateurs impliqués soient formés aux critères d’éligibilité des projets et des dépenses associées, et à la rédaction des fiches techniques. Cette formation doit être continue et constamment mise à jour pour adapter les pratiques aux fréquentes évolutions réglementaires. Le personnel en charge du dispositif (fiscalistes, directeurs R&D) devrait régulièrement faire redescendre des notes sur les évolutions du dispositif et les retours d’expérience des contrôles pour encourager la participation des chefs de projets et des ingénieurs R&D.

Pour aller plus loin, il est conseillé aux entreprises d’inclure l’activité CIR dans la fiche de poste des employés, et de stimuler le personnel en communiquant régulièrement sur le processus (infographies, posters, publications sur l’intranet… qui rappellent les objectifs, les planning et les résultats de la mission), et en organisant des évènements qui regrouperaient toute la communauté CIR (visites, festivités, remerciements, présentation des projets déclarés, etc.).

Le pilotage, un élément déterminant

Les sociétés qui présentent des faiblesses dans leur pilotage sont celles qui ont les moins bonnes notes générales. A l’inverse, les entreprises qui ont un bon pilotage du CIR se positionnent en tête de classement. Cette observation soutient le fait que le pilotage du dispositif est déterminant pour mener à bien la mission. Rappelons ici que le CIR mobilise énormément de ressources et que l’administration est particulièrement exigeante en matière de justificatifs techniques et financiers.

Incidence du pilotage sur la note de maîtrise du dispositif

Pour parvenir à faire interagir les métiers, à archiver les informations, à assurer la formation du personnel, et à produire les livrables avant le contrôle, il est impératif que l’entreprise alloue des ressources sur cette activité de pilotage (charge à niveler selon le montant de CIR déclaré). Son rôle est d’instaurer un cadre, de mettre en place un planning jalonné, des process de pointage et de suivi, de sensibiliser le personnel et d’assurer une veille sur le CIR pour mettre à jour les connaissances de l’entreprise. Ces outils et méthodes dynamiseront les échanges, structureront les démarches pour augmenter le niveau de qualité des livrables et permettre un gain de temps non négligeable.

Un processus mieux maîtrisé dans les grands groupes

En analysant les résultats, il est clair que du côté des grands groupes et des ETI, il y a une meilleure maîtrise du dispositif que dans les PME. Il est intéressant de voir que contrairement aux grandes structures, aucune des PME interrogée n’a subi de contrôle fiscal dans les dix dernières années. La différence de niveau de maturité des grandes et des petites structures s’explique, en partie, par le fait que les contrôles poussent les entreprises à améliorer leur façon de gérer le CIR, de justifier les dépenses et l’éligibilité des projets, et à mettre en place des méthodologies et un pilotage robustes, ce qui augmente logiquement le niveau de qualité des justificatifs.

Crédit Impôt Recherche : un processus mieux maîtrisé dans les sociétés accompagnées - Wavestone

Comparaison par taille d’entreprise

Comme l’illustre le radar ci-contre, la connaissance, et le pilotage du CIR sont plus matures dans les grandes entreprises, ce qui reflète bien la mise en place de méthodologies (méthodes de valorisation, de justification etc.) et de process (outils de pointage, mise en place de plannings jalonnés etc.). Les PME, ayant une bonne perception de leur dispositif n’ont jamais réellement pu confronter leur savoir-faire CIR à la réalité d’un contrôle. Ces dernières doivent se challenger pour se préparer à un éventuel contrôle. En outre, les PME disposent d’un personnel plus généraliste, à savoir que souvent, c’est un membre de la direction qui pilote le CIR et qui, parfois même, est l’interlocuteur pour les audits et l’aspect financier. Cela rend les connaissances diffuses. Ce n’est pas le cas dans les grands groupes, qui ont des collaborateurs spécialisés dans les différentes catégories du CIR et de son pilotage.

Un processus mieux maîtrisé dans les sociétés accompagnées

De nombreuses méthodologies sont maîtrisées, utilisées et peuvent être mises en place par les cabinets de conseil, dans les entreprises qui déclarent du CIR. Il n’est pas étonnant de voir qu’elles ont des indices de performance relativement élevés. En revanche, ces sociétés investissent moins dans l’implication du personnel et la reconnaissance de son travail, deux composantes essentielles. Il est pourtant primordial, qu’elles conservent la maîtrise de leur CIR.

Comparaison selon le choix d’accompagnement des sociétés

Les cabinets accompagnent les entreprises dans leur déclaration, et aident à structurer le processus, mais il ne faut en aucun cas, que les sociétés se désengagent et se déchargent de cette responsabilité.

Quel coût interne ?

Pour estimer le coût interne du processus, notre outil se base sur les inducteurs suivants : les postes impliqués, les temps passés, et le nombre de projets valorisés, l’inducteur principal. Ces données sont compilées avec les estimations salariales forfaitaires afin de calculer le coût pour bénéficier de 1€ de CIR. Les résultats de ces simulations donnent des ordres de grandeurs nous permettant de réaliser une analyse comparative. Cependant, le manque de précision du calcul nous empêche de déterminer le coût réel du processus. Nous verrons, que ce coût est directement impacté par le niveau de maturité CIR des sociétés.

Une forte disparité selon les secteurs

Le coût du CIR varie beaucoup selon l’activité de l’entité étudiée. Les groupes qui font de la conception, les usines, les industriels ou encore les DSI, ont un large panel d’activités souvent réparties sur différents sites. Dans ces organisations, l’activité première n’étant pas la R&D, celle-ci s’y trouve moins structurée. On y dénote souvent d’importantes pertes d’informations car il y a peu de transmission des connaissances. De plus, la R&D y étant moins systématique, la capitalisation des connaissances est plus approximative. Sur des organisations multisites, le processus est aussi plus long et complexe à organiser. Cela a un impact direct sur le coût pour bénéficier du CIR.

A l’inverse, les grands groupes peuvent disposer de sociétés ou des départements dédiées uniquement à la recherche, où la R&D est l’activité première, elle est centralisée, les projets financés sont plus nombreux, plus ambitieux et plus coûteux. Il y a moins d’acteurs à faire interagir, le pilotage y est généralisé, comme la pratique du CIR qui y est plus acceptée. Les informations sont accessibles, leur capitalisation est presque un réflexe, notamment lors de la rédaction des états de l’art. Il n’est pas étonnant que le coût du CIR dans ces sociétés soit plus bas.

Comparaison du montant de CIR déclaré par projet en fonction de l’activité des sociétés

On constate sur le diagramme ci-contre que les entreprises dont la principale activité est la recherche, déclarent des montants de CIR par projet en moyenne quatre fois plus élevés que ceux des sociétés de conception de produits et process et sept fois plus élevés que ceux des usines, des industriels ou DSI. Or, les attendus de justification d’un projet valorisé sont les mêmes quel que soit son budget. Il en va de soi que les entreprises au cœur de la R&D voient leur coût pour bénéficier du CIR diminuer considérablement.

Une bonne pratique, en particulier pour les sociétés qui déclarent de faibles montants de CIR par projet, est d’adapter la justification à la volumétrie des projets. Pour optimiser le processus CIR, nous encourageons les sociétés à regrouper leurs projets selon des thématiques et problématiques communes. Cet exercice permet de déclarer le même montant de CIR, tout en rationalisant le temps consacré aux phases de rédaction technique et donc le coût du dispositif.

Un effet de masse à l’avantage des grands groupes

Les grands groupes se permettent d’engager des frais pour structurer les activités CIR (éligibilité, chiffrage, rédaction), pour organiser les données fondamentales (temps hommes, données salariales, archivage des factures, etc.) et les ingénieurs sont généralement mieux au fait des bonnes pratiques comme la capitalisation des documents. Pour les PME, l’organisation interne est moins orientée vers le CIR, le coût pour en bénéficier y est plus important.

Crédit Impôt Recherche : un effet de masse à l’avantage des grands groupes - Wavestone

Différence de coût entre les PME et les grands groupes

Dans les ETI & grands groupes, l’ampleur des projets valorisés est telle que les montants déclarés sont bien supérieurs à ceux des PME. Or, plus le montant de CIR déclaré par projet est élevé, plus le retour sur investissement est important.  D’ailleurs, l’outil de diagnostic développé, calcule un coût moyen du CIR 4 fois plus faible dans les grands groupes que dans les PME, ce qui illustre bien cet effet de masse.

Les exigences en termes de justification du CIR s’avèrent plus couûteuses pour les PME qui sont moins armées pour produire les dossiers justificatifs que les grands groupes. Ce coût, plus important pour elles, peut aussi les rebuter à déclarer du CIR. Un dossier technique allégé pour les PME, comme cela est réclamé depuis plusieurs années, prend donc tout son sens, afin de diminuer le coût du bénéfice du CIR pour ces sociétés.

Pour diminuer le coût de leur CIR, les PME ont tout intérêt à profiter des mesures incitatives : renforcer les partenariats avec des structures publiques et sélectionner des sous-traitants agréés en sont deux exemples, tout comme l’est l’embauche de jeunes docteurs, dont le salaire chargé et les frais de fonctionnement associés éligibles au CIR sont doublés. Embaucher un jeune docteur a un double intérêt puisque son activité est complètement subventionnée par le CIR pendant deux ans, et que son implication sera très orientée recherche/développement autour de problématiques techniques, avec une méthodologie adéquate pour le CIR. Ils maitrisent d’ailleurs généralement très bien les critères d’éligibilité au CIR et constituent de bons rédacteurs de fiches techniques.

Résultats et enseignements

Le coût du CIR est étroitement lié à deux volets qui reflètent la maturité du processus dans les entreprises :

  • la connaissance du dispositif ;
  • le pilotage des missions CIR.

En effet, les entreprises qui ont les meilleures notes et les CIR les plus « rentables » ont toutes deux d’excellents scores dans ces deux catégories. Ce constat laisse à penser que seules de l’expérience et une bonne compréhension du dispositif CIR permettent d’optimiser le processus.

Des réarrangements internes peuvent permettre de tirer un meilleur profit du CIR, mais pour exploiter pleinement ce dispositif, il est nécessaire de s’appuyer sur de bonnes connaissances internes ou externes. A savoir, qu’il faut sans cesse se réadapter car les textes réglementaires évoluent constamment. Par exemple, très récemment, la valorisation des frais de fonctionnement est passée de 50% à 43%. Une entorse à cette règle, faute de mise à jour sur les textes de loi, peut avoir de lourdes conséquences.

Le coût du CIR et la maturité du processus dans l’entreprise sont étroitement liés. Le nombre de projets et les temps passés sont les inducteurs qui reflètent l’investissement interne. Former et impliquer les collaborateurs, c’est gagner du temps sur la déclaration et la justification (pour un nombre de projet équivalent). Cet investissement est nécessaire pour améliorer la qualité du processus CIR dans sa globalité.

Un pilotage de la mission adapté au montant déclaré est essentiel pour sécuriser le CIR en cas de contrôle. Le rôle du pilote est de dynamiser les échanges, « d’embarquer » le personnel dédié, de tenir les délais et de mettre à jour les connaissances dans l’entreprise. En ce sens, la valeur ajoutée d’un cabinet de conseil, n’est pas seulement opérationnelle (rédaction des dossiers techniques, chiffrage de l’assiette CIR, etc.), il aide aussi les sociétés à mieux structurer leur dispositif, à regrouper intelligemment les sujets et à former les collaborateurs. Les sociétés déclarantes se reposent alors sur une expertise, et s’assurent d’une veille sur le CIR pour adapter en continue leurs méthodes.

Méthodologie

Cette enquête a été réalisée grâce au travail d’Ulysse Dary.