Le Haut Débit Mobile « pour tous » mais une qualité de service indoor décevante
Malgré un déploiement de la 4G à hauteur de 99% de la population française, force est de constater que les utilisateurs connaissent des problèmes de qualité de service à l’intérieur des bâtiments ou lors de l’utilisation des transports y compris dans les grandes agglomérations. Des défaillances de réseau qui empêchent l’utilisation des services aussi simples que la voix, l’envoi et la réception de SMS ou la consultation de leurs emails. Un constat d’autant plus frustrant pour les consommateurs que la majorité des connexions à partir d’un mobile sont effectués en indoor :
- 70% pour la voix et 80% pour l’internet mobile (source : HetNet Forum, 2018)
- Des usages quotidiens dégradés avec des taux de réussite d’accès à internet en moins de 5 secondes en 2G/3G/4G parfois inférieurs à 50% dans les transports en commun (TGV, trains, métros) et un déficit de couverture sur les lieux de vie (domicile et/ou travail) qui n’est pas considéré comme une cause légitime de résiliation de son abonnement.
La 5G offre des perspectives de services intéressantes à moyen terme, mais ses utilisateurs sont à date « en quête de réseau » afin de :
- Accéder aux applications personnelles et métiers critiques où qu’ils soient
- Profiter pleinement d’une interactivité entre collaborateurs de leur entreprise
- Bénéficier d’une joignabilité & d’une continuité de services sans faille
Au-delà des particuliers, des besoins d’amélioration de la couverture intérieure clairement exprimés par différents secteurs d’activité
Les quatre opérateurs ont obtenu auprès de l’ARCEP les fréquences nécessaires pour offrir des forfaits 5G. Ce marché de plus de 2 milliards d’euros pour l’Etat viendra-t-il enfin résoudre le problème quasi quotidien de leurs clients particuliers et entreprises ?.
Les principales causes de la défaillance au sein des bâtiments
Aujourd’hui la qualité de couverture indoor nationale s’avère défaillante pour trois raisons :
- La congestion des réseaux en raison de la consommation data mobile de plus en plus importante, liée aux usages tels que le streaming vidéo et le gaming. La consommation data mensuelle a doublé chaque année en France sur la période 2015-2018 et on peut s’attendre à une croissance de 20%/an sur la période 2020-2025
- Les nouvelles normes Haute Qualité Environnementale (HQE) qui visent à améliorer la qualité de vie et préserver la santé des habitants et des employés des principaux centres d’affaires. Par conséquent, des matériaux imperméables aux ondes électromagnétiques sont davantage utilisés limitant ainsi la qualité du signal à l’intérieur des bâtiments
- Des opérateurs qui donnent une priorité à la couverture extérieure objectivée par l’ARCEP, dans un contexte de marché où les opérateurs ont vu leur ARPU chuter depuis 2012 (-33% sur la période 2012-2017)
L’indoor : la nouvelle zone blanche en 5G ?
Une limitation inhérente à la technologie
La promesse 5G passe par l’utilisation des hautes fréquences et des signaux à bande large et qui par définition entraine une déperdition de signal dès lors que les ondes radio rencontre un bâtiment.
La 5G : Des coûts de déploiement qui obligeront à adopter une stratégie des petits pas
Avec un ARPU en chute libre depuis 2010 et des licences qui ont été achetées à prix d’or, les opérateurs vont évidemment chercher à optimiser leurs investissements.
Parmi les principaux facteurs du coût total de possession (TCO) de la technologie 5G, on peut citer croissance du trafic, le choix du spectre de fréquences, le choix de la stratégie de déploiement, le choix de sourcing, et le choix d’architecture.
Quatre accélérateurs de coûts peuvent être isolés :
- La densification/upgrade du réseau : Ajout de macro et small cells combiné à une mise à niveau des macro cells en technologie 5G
- La refonte du cœur de réseau (standalone 5G), même si les premiers déploiements ne concerneront que la partie radio de l’infrastructure, en réutilisant le cœur de réseau 4G (non standalone 5G)
- Le besoin d’énergie : Le déploiement massif MIMO et l’upgrade du cœur du réseau iront jusqu’à tripler le coût énergétique
Il existe cependant des opportunités d’optimisation du déploiement 5G :
- Partage d’infrastructure : notamment via la virtualisation et le partage des réseaux (network slicing)
- Automatisation et IA : réduire les coûts d’exploitation en automatisant les dispositifs d’optimisation et de maintenance.
- Cloud et Open Source : réduire les dépenses en licences hardware et software, et permet d’améliorer l’agilité.
Dès lors, une approche de déploiement progressif semble plausible (voir illustration ci-dessous). Dans un premier temps, les macro cells 5G seraient déployées dans les zones denses (i.e. urbain sur les zones en limite de capacité 4G), avec des déploiements complémentaires de small cells en zones ultra denses et rentables. Le déploiement en zone peu dense (i.e. zone rurale) se limitera aux obligations de l’ARCEP.
Les opérateurs vont très probablement adopter une approche de déploiement progressive
Des solutions alternatives pour satisfaire le consommateur dès à présent
Panorama des solutions indoor actuelles
Face à la défaillance de la couverture indoor, il existe plusieurs solutions sur le marché aujourd’hui :
- Small cell (typiquement Femtocell) : un élément de base d’un réseau avec une faible puissance, qui se connecte au réseau mobile de l’opérateur via un réseau fixe (câble, DSL ou fibre).
- Wi-Fi : un réseau sans fil permettant de relier des équipements avec le réseau Internet. Le Wi-Fi ne fournit non seulement les services data mais aussi les services de voix avec le VoWifi (voice over Wifi).
- Répéteur réseau : un équipement qui se positionne près des fenêtres à l’intérieur des bâtiments, permettant de répéter le signal outdoor à l’intérieur des bâtiments le signal indoor.
- DAS (Distributed Antenna System) est une infrastructure dédiée d’antennes réparties à l’intérieur d’un bâtiment pour étendre la couverture mobile, et raccordée au réseau opérateur . Ces solutions sont généralement utilisées pour les besoins de couverture de grandes zones indoor (centres commerciaux, gares…).
Les avantages et inconvénients par solution de couverture indoor sont présentés ci-dessous
Scénario de déploiement envisageable : small cells portées par les opérateurs ou sourcées auprès des acteurs alternatifs
De nouveaux business models grâce aux technologies complémentaires émergent pour résorber les défaillances de la couverture indoor. En zone urbaine, la densité du nombre d’utilisateurs entraine d’importants pics de trafic. A cela s’ajoute la présence de nombreux bâtiments qui affaiblissent la performance du réseau mobile. Par conséquent, les réseaux complémentaires comme les small cells seront privilégiés pour améliorer la performance et la capacité du réseau mobile en zone urbaine. Deux scénarios de small cells sont possibles :
- Chaque opérateur développe son réseau small cell 5G : ce scénario serait probablement couteux à cause du grand nombre de small cells à déployer pour assurer une bonne couverture
- Des nouveaux acteurs B2B se spécialisent dans le déploiement du small cell 5G et ensuite revendent leur réseau à des telcos : ce scénario est moins coûteux pour les telcos, mais ils auront moins de contrôle sur le réseau, et donc la QoS dépendrait du service de l’opérateur B2B. Ce scenario est envisageable à la lumière du déploiement actuel de fibre en France.
Un mix des deux scénarios est également possible. Dans les zones denses, chaque opérateur développe son propre réseau small cell pour assurer une meilleure QoS et gagner son terrain d’une façon stratégique auprès des entreprises. Pour les zones moins denses/rurales, des nouveaux acteurs B2B émergent, qui revendent ensuite leur réseau small cell à d’autres telcos.
Conclusion
Les zones blanches indoor sont susceptibles de persister sur le moyen terme. Malgré un ensemble de technologies complémentaires, l’indoor devrait rester une priorité de second rang pour les opérateurs télécoms.
Même si ces derniers sont susceptibles de booster leurs équipements pour accélérer le déploiement de la 5G dans les centres d’affaires et lieux de fort passage, il y a fort à parier qu’ils continueront de demander aux gestionnaires de ces infrastructures une contribution financière.
Fortement impactés par le COVID, ces potentiels clients pourraient encore décaler la mise en place d’une couverture mobile efficace en intérieur.