Loin de l’image traditionnelle du financier brassant des chiffres à longueur de journée, le rôle du Directeur financier ne cesse d’évoluer depuis les années 2000.
Cette évolution, de garant de l’information financière à Business partner, s’est manifestée notamment par l’élargissement progressif du champ de compétences du Directeur financier tant vis-à-vis des fonctions internes de l’entreprise que des partenaires externes et son intervention sur les leviers clés de la performance de l’entreprise.
Le rôle du Directeur financier va du reste devenir de plus en plus stratégique. Il s’impose de comme un véritable « Business maker ». Implication croissante dans les réflexions stratégiques, dans la conduite des transformations clés… Quelles sont in fine les véritables responsabilités et ambitions du DAF d’aujourd’hui et de demain ?
Le Directeur financier, de garant de l’information financière à véritable business partner
À l’origine, le rôle du Directeur financier s’articulait autour de l’élaboration et du pilotage de la politique financière de l’entreprise avec les équipes de la comptabilité, du contrôle de gestion, de la trésorerie et parfois même de l’informatique.
La Direction financière avait alors pour principales tâches d’établir des états financiers fiables, de produire des indicateurs de pilotage et de suivi de l’activité, d’apporter à l’entreprise le financement nécessaire à coûts et risques raisonnables et de s’assurer de l’efficience du dispositif de contrôle interne. Le DAF était considéré comme un producteur d’information financière, n’ayant que peu d’interactions avec le Métier.
Mais peu à peu, le rôle du Directeur financier a évolué. Il s’est mis à porter certains projets d’optimisation au-delà même de la Direction financière (réduction des coûts notamment), et à ce titre, à conduire des missions de changement en coordination avec les autres directions (mise en place de centres de services partagés, externalisation de pans entiers des métiers back-office et comptables, implémentation d’ERP…).
Les équipes de la Direction financière se sont mises à accompagner les opérationnels dans la mise en place des outils de suivi du business. Elles mettent aujourd’hui à disposition des différentes directions des tableaux de bord incluant des indicateurs métiers et financiers, comme le suivi du BFR par exemple. Au-delà de l’amélioration constante de la performance financière, induite par une meilleure sensibilisation des Directions métiers à la culture du chiffre, ces indicateurs ont souvent la vertu d’améliorer plus globalement la performance et l’image de l’entreprise. À titre d’illustration, réduire les erreurs de facturation pour faire baisser le poste clients permet aussi de renvoyer vers ses clients une image de fiabilité et de qualité et de renforcer leur niveau de confiance. Les gains sont aussi doubles pour la Direction financière dans le sens où elle consolide son positionnement en tant que partenaire privilégié des opérationnels et améliore les ratios financiers.
Selon des études récentes sur les ETI, il ressort que 48% des DAF ont mené un projet de réduction des coûts et que 69% des Directions financières participent à la définition de la stratégie de développement de l’entreprise (mode de développement interne vs externe, tarification, segmentation client…).
L’exemple de PSA, avec son impressionnant plan de redressement baptisé « Back in the race », illustre ce positionnement. De façon assez classique, le Directeur financier était l’un des catalyseurs de « Back in the race », avec la mission d’impulser un changement structurel et culturel de l’entreprise. Mais il a aussi joué un rôle de leader de la transformation du groupe en pilotant une partie du plan. Plus précisément, il a participé directement à l’animation de la nouvelle stratégie après-vente du Groupe PSA dont le fil conducteur est la transformation du service client. Le DAF a ainsi établi un plan visant la diminution drastique des coûts de fabrication et la simplification des processus de gestion des stocks. Pour ce faire, il a travaillé en étroite collaboration avec tous les services et directions de PSA en adoptant une approche collaborative pour déterminer les objectifs de chacun. Les effets se sont directement manifestés sur le cash et la rentabilité du groupe.
Le DAF est ainsi devenu partie prenante de la performance de l’entreprise, agissant directement sur les leviers de son amélioration et non plus exclusivement sur leur pilotage. Il est intégré en amont des orientations et éclaire la prise de décision grâce à sa capacité à traduire en trajectoire financière les orientations métiers et à en évaluer la robustesse. Il incarne la position du véritable « Business partner ».
Un Directeur financier qui endosse le costume de Business maker
L’enjeu de la compétitivité devenant primordial pour l’entreprise, le Directeur financier est amené à proposer des solutions plus globales et plus structurantes pour permettre à l’entreprise de maintenir ou améliorer son positionnement face à ses concurrents ; sa contribution à des projets de restructuration ou de délocalisation s’accentue.
Dans l’exécution de stratégies de croissance (rachat, intégration d’une autre société ou introduction en bourse), le rôle de conseil du DAF prend toute son ampleur : la Direction financière n’est plus seulement en charge de la mise en œuvre des solutions de financement mais devient un acteur clé dans la définition et la mise en œuvre de la stratégie de croissance de l’entreprise. En particulier, dans les opérations de croissance externe, elle coordonne, de bout en bout, le processus de Fusion-Acquisition jusqu’à l’intégration effective et la concrétisation des synergies.
Pour reprendre l’exemple de PSA, sur la suite du plan « back in the race », baptisée « push-to-pass » visant la croissance durable, notamment via des relais de croissance interne et externe, le DAF a développé les processus nécessaires pour la mise en œuvre opérationnelle des plans d’investissements : acquisition, intégration et transformation.
Le Directeur financier est de plus en plus confronté au questionnement de l’entreprise sur l’évolution du business model, notamment liée aux disruptions induites par le digital : quels sont les risques financiers à faire ? À ne pas faire ? Jusqu’où l’entreprise peut-elle investir avec une visibilité limitée sur les retours attendus ?
À l’innovation du business model, il doit répondre en innovant dans la façon d’éclairer la prise de décision et dans l’évaluation financière des initiatives – les logiques classiques de ROI ne tenant pas toujours – et proposer des approches (expérimentation, budget sanctuarisé comme pour la R&D, identification de marges de manœuvre sur le business courant, …) qui permettent à l’entreprise d’engager sa transformation sans compromettre sa santé financière.
Cet élargissement du rôle se concrétise par le champ d’action qu’il prend en charge au sein de l’entreprise. Plusieurs analyses récentes sur l’organisation des entreprises du CAC 40 indiquent que 40% des Directeurs financiers sont en charge de la stratégie et 20% sont également responsables d’entités opérationnelles, ce qui est à la fois nouveau et emblématique de l’évolution de leur positionnement. Preuve s’il en est que le DAF est l’acteur clé de la stratégie et du projet de l’entreprise et est le porteur d’une partie de la mise en œuvre des principales orientations. Il endosse ainsi le costume du « Business Maker »
Pour embrasser ce nouveau rôle et répondre aux enjeux cités précédemment, la dimension et les profils des Directeurs financiers et de leurs équipes doivent évoluer. Le rôle traditionnel de maniement des chiffres qui a laissé place à celui de Business partner (pour donner une impulsion et conduire le changement à tous les niveaux de l’entreprise), doit désormais faire la part belle au rôle de stratège, celui de Business maker qui définit le cap à tenir pour la nouvelle décennie.
À un agenda traditionnel basé sur les activités récurrentes telles que l’établissement des comptes, les prévisions de trésorerie, la production de tableaux de bord, viennent donc s’ajouter les activités d’accompagnement des opérationnels dans la recherche d’une performance accrue et de co-leader de la transformation et du développement. Le mode projet prend de l’ampleur. La compréhension en profondeur des enjeux opérationnels et stratégiques devient primordiale. Il parait évident qu’une évolution aussi majeure du positionnement de la Direction financière exige une reconfiguration de la fonction et appelle cette dernière à se réinventer dans son organisation, ses ressources, ses modes de fonctionnement, son animation. Une belle ambition à construire et délivrer au bénéfice de l’entreprise et de son développement.