Les enjeux de la supply chain : Digitalisation, automatisation et sustainability

Le 24 mai 2023, Le Club Les Echos Débats Prospective en partenariat avec Wavestone et l’IESEG School of Management recevait Antoine Prevost, Directeur des opérations et membre du comité exécutif d’AVRIL, Jean-Christophe Machet, Président Directeur Général de FM LOGISTIC et Philippe Boutonnet, Directeur Excellence Supply Chain de SAINT-GOBAIN pour échanger sur le thème « Les enjeux de la supply chain : Digitalisation, automatisation et sustainability », animé par Dominique Seux de la Rédaction Les Echos.

Sébastien Marie, Associé chez Wavestone a introduit le débat en repositionnant le besoin d’agilité et de résilience de la supply chain dans un environnement de plus en plus complexe et perturbé, faits d’incertitudes et de crises, avec des attentes clients qui évoluent et qui peuvent être ambiguës : 78% des consommateurs se disent prêts à attendre plus longtemps leur livraison si cela découle d’un processus plus respectueux de l’environnement[1], mais continuent de commander sur UberEat ou avec Amazon Prime.

Dans ce contexte, la supply chain doit se transformer pour passer en mode de pilotage temps réel. Le premier levier identifié est la digitalisation via la collecte, l’exploitation et le partage des données (40% des acteurs considèrent la bonne utilisation de la donnée comme un priorité pour 2023[2]) ainsi que l’évolution des systèmes d’information (#IOT #Data #Blockchain #Solutions de Mobilité #Tour de Contrôle #Digital Twin). Un deuxième levier est l’automatisation des processus et des flux pour adresser la complexité, gagner en performance et réduire la pénibilité (#RPA # Robotique #Mécanisation #Control Tower #IA). Enfin un dernier enjeu est celui de la décarbonation de la supply chain pour répondre aux objectifs de neutralité carbone à horizon 2050 (#Packaging #Logistique Retour #Green Vehicles #CO2 #Consommation énergétique #Impression 3D).

[1] Source : https://fr.wavestone.com/fr/insight/barometre-nouvelles-tendances-consommation-2023/
[2] Source : Etude Data for Supply Chain, Wavestone x France Supply Chain 2022/2023

Face aux deux chocs qui viennent d’être vécus, Covid et Ukraine, cette normalité se réinvente en permanence. « On a besoin d’avoir un jeu de jambes qui soit souple, qui soit agile mais avec une visée qui est claire. » (Jean-Christophe Machet)

Les intervenants sont assez alignés sur l’état de la conjoncture : les volumes baissent, les consommateurs privilégient les produits agroalimentaires au détriment des produits d’équipements. Certes les effets prix compensent en valeur, mais l’inflation impacte l’activité. La chute des volumes est forte dans les métiers de la construction neuve et dans la chimie végétale très en amont de la chaine.

Les chaines d’approvisionnement restent perturbées. Les taux de service (taux de disponibilité des produits pour les consommateurs) dans la grande distribution sont à des niveaux les plus faibles connus depuis 20 ans, passant de 97 à 90%. Les pénuries touchent également les médicaments, l’automobile. La disponibilité reste la première préoccupation court terme.

Pour FM Logistic, à moyen terme, il faut réinventer le métier en allant vers l’entrepôt augmenté de l’automatisation et du digital, que ce soit le cariste augmenté ou l’administratif augmenté. Ainsi, FM Logistic investit dans des systèmes de préparation automatisée et des robots de préparation dans ses entrepôts. Le groupe a déployé 163 applications de RPA (automatisation des processus) permettant de réduire les heures sans valeur ajoutée et a déployé une Control Tower de pilotage des flux offrant une traçabilité à ses clients.

Saint-Gobain effectue, de son côté un gros travail sur l’excellence de l’exécution opérationnelle, sur l’alignement des supply chains au sein de l’écosystème, sur les synergies logistiques pour livrer un client. Cela passe par la modélisation des schémas logistiques, la financiarisation des scénarios. Un autre volet est la sustainability sur la partie transports : mesurer, stratifier, prioriser pour ensuite mettre en place des processus permettant la réduction de l’empreinte carbone en améliorant le remplissage des camions, le remplissage des colis BtoC.

« La culture Amazon nous a amenés dans une dynamique (extrême…) ; il faut maintenant être capable de conseiller à nos clients : pour ce type de livraison soit on vous la fait très vite et plus chère et voilà l’empreinte carbone que cela génère, soit on peut vous apporter une vitesse différente, avec une empreinte carbone plus basse et des coûts qui sont plus bas. » (Philippe Boutonnet)

Pour Avril, il faut revenir aux fondamentaux « Cost, Cash, Service, Carbon, Talents ». Le cash immobilisé par les stocks n’a pas été la priorité de ces deux dernières années en comparaison du service et du fait de faire tourner les usines « quoiqu’il en coûte ». Il est urgent de retravailler les politiques de stock, les cycles de production pour optimiser le BFR. Pour ce qui concerne la décarbonation, c’est un immense chantier qui passe par la décarbonation du transport.

Les atouts du biocarburant c’est qu’il est disponible, qu’il a un effet immédiat sur la réduction des gaz à effet de serre et qu’il est à base de matière première agricole française.

Pour attirer les talents et les retenir, il convient de communiquer sur les métiers de la supply chain, sur leur féminisation, de former les collaborateurs, de les sensibiliser à la data, de les accompagner dans leur parcours au sein de l’entreprise, de mettre en place des parcours internationaux.

Fondamentalement les règles de calcul de ROI n’ont pas changé. Face aux incertitudes, il faut « à la fois garder un cap stratégique qui permet d’envisager des investissements de long terme et à la fois avoir cette agilité » (Antoine Prevost). Traverser des crises n’est pas nouveau mais le phénomène est exacerbé actuellement.

Une coopération avec le tissu local est indispensable. Il faut considérer l’outil logistique comme une usine qui sécurise l’environnement avec les éléments de sécurisation et d’accès autoroutier. La réindustrialisation de la France ne se fera pas sans de solides infrastructures logistiques qui doivent être pensées en même temps. Réinvestir des friches industrielles, densifier le stock sont également des réponses à la non-artificialisation de surfaces supplémentaires.

Le recyclage du verre usagé (le calcin) passe par des équipements de tri sur les sites de Saint-Gobain et dans les magasins, par une massification des flux retours vers les usines. Se pose la question de la capacité du réseau (6 000 tonnes) et du potentiel à recycler (200 000 tonnes). D’où la nécessité d’industrialiser ce processus (par exemple des machines de démantèlement des cadres de fenêtre, de tri des différents composants, etc…).

La Blockchain aide à sécuriser, contrôler et automatiser certaines fonctions de facturation par exemple. Elle peut également permettre de donner des éléments de traçabilité et d’origine des productions. C’est un des outils à disposition.