Les enjeux des startups dans le cadre du prochain quinquennat

Le 27 juin 2022, le Club Les Echos en partenariat avec Wavestone, Nutanix et SAP recevait Maya Noël, Directrice Générale de France Digitale et Thomas Métivier, Directeur Général d’Octopia pour échanger autour du thème : « Les enjeux des startups dans le cadre du prochain quinquennat », animé par David Barroux, Rédacteur en chef aux Echos.

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France Digitale est la plus grande association de startups et VCs en Europe ayant pour but de porter la voix de l’écosystème des startups tech françaises auprès des institutions publiques françaises et européennes. Octopia propose des solutions Saas de places de marché afin d’aider les acteurs de la vente en ligne à développer leur site e-commerce.

Eva Rosilio, Responsable de l’accélérateur Shake’Up chez Wavestone a introduit le sujet en dressant le bilan très positif de la French Tech sur les années passées : 27 licornes françaises en 2022 et des levées de fonds multipliées par 5 entre 2017 et 2021. Cette introduction a été l’occasion de redonner les nouveaux objectifs fixés par le Président de la République, Emmanuel Macron, quelques jours plus tôt au salon Viva Technology :

  1. Développer 10 géants de la Tech en Europe
  2. Avoir 100 licornes françaises à horizon 2030 dont 25 licornes vertes.

Cette introduction a permis de mettre sur la table les différents défis qui seront à relever lors du prochain quinquennat afin de pouvoir atteindre ces objectifs ambitieux. Le premier défi est celui du passage à l’échelle européenne afin de peser davantage sur la scène internationale malgré les contraintes territoriales européennes plus fortes liées aux langues et aux réglementations par pays. Le second défi présenté est fortement lié au chantier de réindustrialisation de la France et concerne la réconciliation de l’industrie avec les startups. Enfin, un dernier défi pour l’écosystème startups est de pouvoir apporter une réponse aux enjeux sociaux et environnementaux de notre société.

Un bilan positif empreint d’un vrai changement d’état d’esprit au sein de l’écosystème

Depuis le début des années 2010 avec l’apparition de la BPI et la création de la French Tech, l’écosystème est devenu de plus en plus mature et ambitieux.

Aujourd’hui, les chiffres le prouvent amplement, la French Tech se porte bien : à titre d’exemple, l’objectif d’avoir 25 licornes françaises en 2025 a été atteint avec trois ans d’avance.

Depuis plusieurs années, cette maturité se traduit dans l’écosystème par un véritable changement d’état d’esprit avec des startups qui ont davantage d’ambition dès leur création : volonté d’aller à l’international dès la première ou deuxième année, création d’équipes avec des profils étrangers, choix de l’anglais comme langue officielle dès le début… L’écosystème a évolué également dans les profils « startuppers » : il y a une dizaine d’années, ces profils étaient davantage des profils « couteaux-suisses », alors qu’aujourd’hui les startups développent et recherchent des profils avec de vraies expertises.

L’acquisition de cette maturité de l’écosystème startups en France a également permis aux grands groupes de faire confiance aux startups et de travailler avec elles pour développer de nouveaux projets. Les collaborations grands groupes et startups se sont fortement renforcées ces dernières années, en témoignent des évènements comme Viva Technology, où les grands groupes présentent leurs collaborations et innovations au public.

L’introduction en bourse de plusieurs startups (Believe, OVH…) est également un marqueur fort de l’effervescence de la French Tech ces dernières années. Aujourd’hui, une startup peut se créer, se développer, se faire financer et entrer en bourse en France.

De vrais enjeux de financement pour les startups françaises

Il y a quelques années, les startups françaises ambitieuses ne trouvaient pas, sur le sol français, les financements suffisants afin de devenir des leaders mondiaux ou européens. Afin de résoudre cette défaillance, plusieurs initiatives ont été lancées comme le fonds Tibi qui permet de flécher le financement d’institutionnels au sein de l’écosystème startups dans du capital-risque. Aujourd’hui, les signaux positifs sont présents car des études ont montré que la France était la première place d’attractivité des capitaux en Europe, devant l’Allemagne et le Royaume-Uni.

On observe également de plus en plus de fonds private equity anglo-saxons qui viennent s’installer en Europe.

Cependant, les intervenants ont soulevé la question autour du besoin d’avoir une vraie bourse européenne. Selon Thomas Métivier, Directeur Général d’Octopia, il y a un vrai enjeu de renforcer la place financière européenne, mais ce sera probablement une place boursière déjà existante (d’un pays européen) qui tirera son épingle du jeu. Faire un IPO (Initial Public Offering : introduction en bourse) c’est une autre façon de se financer et de continuer l’aventure, l’Europe doit trouver un moyen de financer ce pari sur l’avenir, sur cette ambition de croissance.

Thomas Metivier

Thomas Metivier

Directeur Général
Octopia - CDiscount

Nos licornes et nos géants de la Tech seront des entreprises internationales, il faut leur donner de bonnes raisons de rester en France.

Ainsi aujourd’hui, la force de la France et de l’Europe est d’avoir tous les maillons de la chaine pour pouvoir lancer son entreprise, se faire financer et entrer en bourse.

Après des années très fructueuses pour la French Tech, la question d’un assèchement des financements se pose. Ces dernières années, les valorisations ont été très élevées mais selon Maya Noël, Directrice Générale de France Digitale, il faut s’attendre à un ralentissement et à des taux qui vont revenir « à la normale ». La valorisation des startups va rester une métrique très suivie pour avoir une idée du dynamisme et de l’attractivité de la startup, mais dorénavant, le chiffre d’affaires, le modèle économique et l’EBITDA de la startup vont être davantage évalués.

Pour le quinquennat à venir, les mariages, fusions, acquisitions, collaborations startups/grands groupes seront des indicateurs pertinents à suivre.

La guerre des talents : un frein pour les startups

Aujourd’hui, bien que la culture managériale « startup » attire davantage les jeunes, le recrutement et le manque de talents restent un frein très important pour la plupart des startups.

Maya Noël

Maya Noël

Directrice Générale
France Digitale

Pour 64% des membres de France Digitale, le recrutement et le manque de talents est le principal frein à leur croissance.

Aujourd’hui, ces structures connaissent l’hyper-croissance et cherchent souvent des compétences et des expertises assez rares. Nous faisons bien face à une guerre des talents où de nombreux talents sont partis il y a quelques années aux Etats-Unis pour développer leur startup car la France n’était pas assez accueillante pour les startups à l’époque. Récemment, un programme a été lancé par France Digitale pour aller rechercher nos talents.

Selon Maya Noël, il existe deux solutions pour faire disparaître ce frein :

  • Être capable d’attirer les talents : par la mise en place de mesures comme le Visa French Tech pour faciliter l’accès à la France pour des talents étrangers. En complément, il est nécessaire de savoir garder ses talents, l’actionnariat salarié peut être une réponse à cet enjeu.
  • Être en mesure de former des talents: Lors du prochain quinquennat, il y aura un besoin de former au moins 500 000 talents dans le numérique ce qui nécessite d’avoir plus de mathématiques à l’école, de créer des formations plus adaptées, de former au code dès le plus jeune âge afin de développer un vernis culturel lié au numérique.

Les rôles essentiels de l’Etat et des grands groupes pour accélérer les startups françaises et européennes

Afin d’atteindre les objectifs ambitieux du quinquennat, l’Etat a un rôle important à jouer, notamment pour l’accès à la commande publique. Aujourd’hui, le système est assez peu adapté aux startups avec des dossiers souvent longs à produire avec des critères d’exigence qui ne correspondent pas aux startups par rapport aux revenus, à la durée d’ancienneté… En comparaison, aux Etats-Unis, la commande publique par l’armée a été un formidable levier d’accélération pour les startups.

Il existe une vraie marge de progression pour former les acheteurs publics à privilégier des achats européens.

L’Etat a un second rôle essentiel à jouer dans les enjeux de régulation pour le passage à l’échelle européenne. L’hétérogénéité du territoire européen implique un grand nombre de barrières pour les startups qui souhaitent croître en Europe. Les contextes juridiques locaux, les réglementations, les langues différentes sont des obstacles à franchir qui nécessitent des investissements financiers non négligeables pour les startups. Par conséquent, les startups qui ont le plus de moyens viennent attaquer en priorité le marché européen, bien souvent des startups américaines.

Outre l’implication de l’Etat, les grands groupes ont également leur rôle à jouer dans l’accélération des startups françaises. Selon Thomas Métivier, ces dernières années il y a eu une vraie prise de conscience des grands groupes pour simplifier les choses pour les startups. Dans la même logique que pour travailler avec le secteur public, cela nécessite de casser les barrières culturelles, de s’adapter à la même temporalité, aux mêmes contraintes ce qui sera bénéfique pour les deux cas : à la fois pour la startup qui va pouvoir accéder à de nouveaux marchés comme pour de grands groupes ou l’Etat qui vont pouvoir se moderniser et améliorer leurs processus.

Je suis convaincu que les grands groupes ont un véritable pouvoir d’accélération.

Thomas Métivier

Selon Thomas Métivier, il faut que les grands groupes soient conscients qu’ils ont un rôle à jouer dans la réussite des prochaines licornes et dans le développement des dix prochains géants de la Tech, et cela peut se concrétiser en étant leurs premiers clients, ce qui leur permettra de gagner en crédibilité et visibilité.

Comme en témoigne l’histoire de la startup Octopia, de nouvelles belles histoires de collaborations avec des grands groupes seront à inventer. Selon Thomas Métivier, le spin-off est un modèle pertinent qui répond à l’enjeu de guerre des talents en permettant d’attirer des talents spécialement venus pour la startup et non pour le groupe ce qui est un fort levier pour lever des fonds, en permettant de faire rentrer des tiers dans son capital.

Répondre aux enjeux sociaux et environnementaux

Comme le montre une étude de McKinsey, la réponse à l’enjeu d’émission neutre d’ici 2050 dépend à 40% des « GreenTech » (startups utilisant la tech au service du développement durable). Ce quinquennat sera essentiel pour aider les greentech françaises à se développer et s’accélérer.

Au-delà des greentech, chaque entreprise qui se crée doit intégrer des mesures fortes pour être en accord avec les enjeux environnementaux de notre société. Pour cela, il est essentiel de partager les outils pour que chaque entreprise puisse devenir une société à impact. On observe notamment que le rôle de « Chief Impact Officer » se développe de plus en plus en entreprise ainsi qu’en startup. France Digitale et la BPI ont amorcé un travail de mise en lumière de ces startups françaises grâce à une cartographie des startups à impact (c’est-à-dire des startups qui répondent à un des objectifs de développement durable fixés par l’ONU). Plus de 700 startups ont été répertoriées en France.

Un autre enjeu majeur pour les startups reste celui de la place des femmes et de la diversité. Selon Maya Noël, l’écosystème a beaucoup évolué et la fonction RH est apparue dans les startups. L’apparition de la fonction RH a été décisive car elle a permis de quantifier et de mettre en place davantage de politiques internes pour plus de diversité et plus de parité.

Former des talents dès le plus jeune âge au numérique va contribuer à avoir plus de femmes et de profils divers dans la Tech.

Maya Noël

Concernant les chiffres sur les levées de fonds par les femmes, ceux-ci n’ont pas évolué de manière positive ces dernières années. Aujourd’hui, il est nécessaire de pouvoir mesurer et quantifier grâce à des baromètres. Aujourd’hui, les femmes qui lèvent des fonds dans la Tech ne représentent que 5%, par conséquent, il y a une marge de progression très importante, mais aujourd’hui les fonds sont de plus en plus sensibilisés. Afin d’encourager les femmes à créer des entreprises et à aller dans le numérique, la formation est indispensable.

Conclusion

Afin de répondre aux objectifs ambitieux du prochain quinquennat concernant la French Tech, la France devra être en mesure de proposer des solutions de financement pérennes, de pouvoir attirer des talents sur son territoire, de permettre aux startups d’accéder à davantage de clients grâce à un marché européen unique et de pousser des secteurs d’avenir tels que la DeepTech ou encore la GreenTech.


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Le Club Les Echos Débats, ce sont 20 conférences par an au coeur des sujets de la nouvelle économie. Wavestone est associé aux Echos pour le Club Transformation Digitale parce que la transformation digitale est le cœur de métier de Wavestone et au Club Prospective parce qu’il est important plus que jamais de scruter le futur pour analyser, identifier les tendances et détecter les ruptures qui vont intervenir.

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