Le Métavers et la réalité économique

Le 1er décembre 2022, le Club Les Echos Débats, Transformation Digitale en partenariat avec Wavestone, Nutanix et SAP, recevait Pierric Duthoit, Directeur Business France de META (anciennement Facebook, Inc.) et Fabien Aufrechter, Directeur Web 3.0 de Vivendi pour échanger autour du thème du Métavers et la réalité économique.

Meta (anciennement Facebook, Inc.) est une entreprise américaine fondée par Mark Zuckerberg en 2004. Regroupant les applications de réseaux sociaux Facebook, Messenger, Instagram, WhatsApp ou encore les casques de réalité virtuelle Oculus, elle fait partie des GAMAM (ex GAFAM). Meta est un des principaux acteurs et pionnier du Métavers.

 

Vivendi est un groupe français fondé au milieu du XIXe siècle. Il est aujourd’hui un leader mondial dans les contenus, les médias et la communication avec plusieurs entreprises de différents secteurs : Groupe Canal+, Editis, Prisma Media, Gameloft ou encore Dailymotion.

Da-Nhat Nguyen, manager chez Wavestone a introduit le sujet en nous adressant une définition claire et structurée du Métavers, complétée par  Pierre Duthoit et Fabien Aufrechter.

De façon concrète, le Métavers peut être vu comme un réseau de mondes virtuels 3D rendus en temps réel, interopérables, massifs et persistants permettant des interactions synchrones entre un nombre “illimitéd’utilisateurs avec un sentiment profond d’immersion et une continuité des données personnelles (identité, historique, droits, actifs et passifs, communications et moyen de paiements).

De manière plus simple, il faut voir le Métavers comme la prochaine intégration du numérique dans nos vies, c’est une extension du monde réel par la donnée. Le Métavers vient brouiller les frontières entre le réel et le virtuel avec un sentiment d’immersion.

Fabien Aufrechter

Fabien Aufrechter

Directeur Web 3.0 de Vivendi

Le Métavers, c’est une évolution technologique et une évolution d’usage permettant de nouvelles applications

En 2020, le Métavers représente environ 500 milliards de dollars avec une prépondérance de l’industrie des jeux-vidéos (source : Gaming & ARVR Hardware). Dès 2030, ce marché pourrait représenter 8 à 13 trillions de dollars (source : Citygroup), synonyme d’un impact économique fort sur une diversité de secteur (professionnel comme grand public) grandissante dans les années à venir.

Les cas d'usage du Métavers

Les possibilités d’utilisation du Métavers sont infinies ; il s’agit littéralement d’un nouveau monde qui s’offre à nous. Ses cas d’usage sont en perpétuelle évolution au fur et à mesure que la technologie évolue. Nous sommes encore aux prémices de cette technologie, et pourtant, ils sont déjà nombreux et peuvent améliorer certaines expériences déjà existantes ou apporter de nouveaux cas d’usage.

A ce jour, le Métavers est utilisé par beaucoup comme un prolongement de leurs activités. Dans le secteur de l’évènementiel par exemple avec certains contenus exclusifs disponibles directement sur le Métavers ou encore plus récemment avec Instagram qui permet aux artistes présents sur la plateforme de vendre directement leurs créations sous la forme de NFT.

Certaines entreprises possèdent une volonté certaine de prolonger les activités déjà existantes sur le Métavers mais la technologie n’est pas encore assez mature pour couvrir l’ensemble des usages de demain.

Pierric Duthoit

Pierric Duthoit

Directeur Business France de META

Pour Meta, le Métavers, c’est la continuité d’internet qui doit être développé avec un écosystème complet

Toutefois, les entreprises construisent déjà leur stratégie avec les possibilités actuelles et futures du Métavers.

Pour définir cette dernière, plusieurs questions peuvent se poser selon Da-Nhat Nguyen de Wavestone :

  • Quels cas d’usage mon entreprise souhaite-t-elle traiter ?
  • Quelles sont les couches du Métavers pertinentes pour mon entreprise ?
  • Quelle ambition de création de valeur pour l’écosystème dans lequel évolue mon entreprise ?

Les freins actuels au déploiement à grande échelle

Aujourd’hui, les mondes virtuels peinent encore à rencontrer leur public. Ils sont accessibles à un public restreint et sous certaines conditions.

Le frein majeur réside dans l’aspect technologique : un des points d’accès majeur au Métavers est le casque de réalité virtuelle qui vient plonger l’utilisateur dans un univers virtuel et donc le couper du monde réel. Une des solutions futures permettant d’amoindrir cette frontière entre le réel et le virtuel, c’est la réalité augmentée. Ainsi, avec son nouveau casque Meta Pro Quest, Meta entend bien briser cette barrière proposant ainsi un casque permettant l’accès à la réalité virtuelle et à la réalité augmentée. D’autres solutions sont également envisagées via des technologies de recherche liées à l’électromyographie (l’étude des signaux électriques envoyés par le cerveau pour diriger nos mouvements), qui permettront dans le futur aux utilisateurs d’accéder aux fonctionnalités du Métavers sans technologie particulière.

Le second frein au déploiement à grande échelle du Métavers vient de son incapacité à assurer l’identité numérique de ses utilisateurs.

Contrairement au Web 2.0, le Web3 permet la décentralisation : les utilisateurs deviennent les seuls propriétaires de leurs données. A terme, la promesse est qu’il n’y aura plus d’intermédiaires pour certifier l’identité numérique d’un utilisateur du Métavers. Cela entraîne donc une réelle problématique pour certifier l’identité numérique d’un utilisateur et constitue un critère de clef de succès à l’avènement des Métavers Web3.

Actuellement, l’identification numérique est déjà existante dans des environnements fermés mais les différents travaux de recherches s’appliquent à trouver un modèle duplicable dans un monde décentralisé.

Quid de la déception des utilisateurs dans le Métavers

La promesse du Métavers à terme contribue majoritairement à la déception qu’a le grand public vis-à-vis de ce nouveau concept qui a fait l’objet d’un coup de projecteur monstre depuis le rebranding de Facebook en Meta. La vision de Marc Zuckerberg est la vision à 5-10 ans une fois que les couches relatives au Métavers auront atteint un niveau de maturité suffisant. Cette vision posée par Meta est donc la direction à suivre selon Fabien Aufrechter mais « entre la promesse et la réalité, il manque du temps ».

Aujourd’hui ce qui explique la vague de déception du Métavers, c’est qu’entre la promesse et la réalité, la seule chose qui manque est le temps.

Fabien Aufrechter

Quant au nombre d’utilisateurs actifs mensuel du Métavers sur la plateforme Horizon World, il reste faible actuellement (~200 000 utilisateurs actifs mensuels) mais cela doit être relativisé : de la même manière que les applications mobiles à leur début n’ont pas trouvé un grand succès, elles sont devenues un incontournables aujourd’hui. De plus, certains Métavers comme Roblox comptent des millions d’utilisateurs actifs. Cette déception est « normale » à l’instant présent avec cet abattage médiatique mais au regard des investissements massifs sur le sujet, elle ne cessera de s’atténuer avec le temps pour enfin atteindre cette vision long terme de ce que sera le Métavers.

Le quotidien des grands acteurs du Métavers

Il existe de nombreux acteurs contribuant au développement du Métavers mais comment cela se matérialise au quotidien chez Meta et Vivendi ?

Le Métavers chez Meta est déjà une réalité économique :

  • 1,5 milliards d’applications vendu aujourd’hui sur l’Oculus store
  • Selon une étude IDC : le nombre de casque de réalité virtuelle (RV) vendu a été multiplié par deux

Pour suivre le rythme et pour faire la transition entre l’actuel et la promesse du Métavers, Meta a un devoir d’évangélisation des technologies immersives que ce soit la réalité augmentée (avec notamment les filtres sur Facebook et Instagram qui comptent plus de 700 000 utilisateurs) ou à travers la réalité virtuelle et les Meta Quest 2. De plus, Meta prépare cet avenir avec un travail sur l’écosystème et la recherche & développement :

  • Un fond de 50 M$ est investi pour faire de la recherche sur les réalités étendues avec des universités (ou Extended reality : xR)
  • Un fond de 150 M$ est investi dans l’immersive learning : l’environnement des créateaurs
  • Meta participe au « Métaverse standard forum » qui est une réunion des sociétés intéressés par le sujet et qui travaillent sur les standards de l’interopérabilité entre les différents types de monde virtuel

Ces 3 sujets permettent à Meta de préparer l’avenir du Métavers. En ce qui concerne le quotidien, Meta a créé l’académie du Métavers pour former les futurs talents qui vont contribuer à la croissance du Métavers.

Quant à Vivendi, le développement du Métavers se fait à travers la création de nouveaux marchés, que ce soit dans le gaming (avec Gameloft), sur du podcast, de l’édition ainsi que du média. En interne Vivendi, cela se manifeste par l’identification de cas d’usage utile et en créant des applications cross business unit des différentes chaines de valeurs de Vivendi. Le développement avec les nouvelles technologies en vogue voit le jour (notamment la blockchain pour la traçabilité en supply chain par exemple ainsi que sur les petites briques des infrastructures liées au Web3).

Le Métavers et le développement durable

A l’ère du développement durable, le Métavers fait polémique avec la quantité massive d’échange de données nécessaires à son développement ainsi qu’à son exploitation.

Selon Pierric Duthoit, étant donné que ces réflexions sont déjà intégrées dans la société, Meta intègre aussi cette verticale nécessaire dans les réflexions du Métavers de demain. Les éléments clefs du Métavers sont le Machine Learning ainsi que l’intelligence artificielle qui sont de grands consommateurs d’énergie mais Meta optimise le système de ces technologies pour consommer moins de données et d’énergie. Selon lui, par le fait que nous ne sommes qu’aux prémices du Métavers et que des exigences fortes en termes de développement durable sont déjà pris en compte, le Métavers peut se conjuguer avec le développement durable dans le futur.

Du côté de Vivendi, la question de l’impact environnemental est traitée en amont lors de la réflexion autour des actions à mener autour du Métavers. Chaque action est pensée avec une composante environnementale pour prendre une décision sur le lancement ou non de cette action. L’étape suivante est le choix de la technologie : certaines sont plus consommatrices que d’autres. Par exemple, la création d’un NFT sur la blockchain Bitcoin ou la blockchain Tezos va impacter le poids carbone de celui-ci. Selon Fabien Aufrechter, La technologie ne cesse d’évoluer et chaque itération va permettre de diminuer la consommation du Métavers.

Conclusion

Depuis le rebranding de Facebook en Meta, la course au Métavers est lancée, les géants de la tech investissent massivement dessus pour faire évoluer chaque couche du Métavers.

Aujourd’hui, nous ne n’en sommes qu’aux prémices de la vision de ce que sera le Métavers à terme, de nombreux freins subsistent encore. Parmi eux, le frein technologique, le développement durable ou encore l’adoption des utilisateurs.

Toutefois, au regard d’une évolution déjà exponentielle du Métavers sur le plan économique, ces freins seront levés dans un futur proche.


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Le Club Les Echos Débats, ce sont 20 conférences par an au coeur des sujets de la nouvelle économie. Wavestone est associé aux Echos pour le Club Transformation Digitale parce que la transformation digitale est le cœur de métier de Wavestone et au Club Prospective parce qu’il est important plus que jamais de scruter le futur pour analyser, identifier les tendances et détecter les ruptures qui vont intervenir.

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