Tribune publiée sur le site de La Tribune le 20 avril 2023
Manager décarbonation, expert numérique responsable, ingénieur économie circulaire, analyste de données ESG… Les offres d’emplois liées à la transition énergétique et écologique prennent une importance croissante, et les campus bruissent de nouveaux forums sur les métiers dits « à impact », par exemple à l’ESSEC le 9 mars dernier.
Même si la quête de sens ne date pas d’hier, les trois moteurs d’un changement durable sont bel et bien enclenchés :
- Les étudiants et jeunes diplômés affirment de plus en plus leur volonté de contribuer à une meilleure prise en compte des enjeux sociétaux et environnementaux, dès le démarrage de leur vie professionnelle (mais se questionnent sur la meilleure façon de faire).
- Les écoles adaptent leur offre : nouveaux parcours et contenus de formation, chaires thématiques, incubateurs… Pour mieux répondre aux attentes des candidats et convaincre les meilleurs profils de rejoindre leurs rangs.
- Les employeurs bataillent pour recruter les compétences nécessaires aux transformations à l’œuvre (réglementaires, technologiques, sociétales…), dans un contexte de concurrence accrue sur le marché de l’emploi.
Pourtant, au-delà de cette actualité encourageante, plusieurs points de vigilance méritent d’être soulevés, pour éviter les pièges d’une lecture simpliste des dynamiques à l’œuvre, et limiter les risques de déconvenues et frustrations qui pourraient en découler.
Voici donc trois clés de lecture à destination des candidats à l’impact :
Clé n°1 : Ouverture et humilité
Gare à une lecture trop « binaire » des options possibles, face à l’ampleur des défis à relever et des transformations à conduire pour la transition.
On a besoin de personnes engagées dans tous les secteurs, toutes les fonctions, toutes les types de métiers, sans opposer des voies qui seraient nobles, à d’autres qui seraient à bannir. On peut avoir de l’impact dans une ONG, dans une grande entreprise ou dans une start-up, dans l’industrie comme dans l’économie sociale et solidaire ou la grande distribution, dans une fonction achat comme dans une fonction marketing, etc. Stigmatiser certaines activités reviendrait à minimiser le rôle que chacun peut avoir à son niveau s’il souhaite jouer un rôle d’acteur du changement.
Clé n°2 : Introspection et cohérence
Viser l’impact, c’est d’abord s’interroger intimement et de façon réaliste sur ses objectifs et ses attentes, pour se fixer une réelle boussole stratégique.
À chacun de se poser les bonnes questions, avec une vision large et transverse des enjeux, et en assumant sesréponses (sans céder à la facilité des clichés, sans confondre élitisme et ambition). Aucun secteur ou profil de poste ne peut garantir l’impact à 100 %. Surtout, l’impact repose autant sur le « quoi » que sur le « comment », i.e. la façon que chacun a de pratiquer son métier, de se comporter et d’interagir avec les autres (collègues, fournisseurs, contradicteurs…) tout au long de sa carrière, en restant cohérent avec lui-même et son projet.
Clé n°3 : Courage et patience
Au-delà des appétences, des volontés et exigences individuelles, l’impact résulte souvent d’actions collectives… Au-delà du sentiment d’urgence, l’impact se pense sur un horizon de long terme… Au delà des convictions et diagnostics passionnés, l’impact requiert aussi une ambition pragmatique et opérationnelle, une capacité à envisager des compromis, mobiliser pour faire bouger les lignes et mettre en œuvre des actions audacieuses. Et si on prétend vouloir exercer un métier à impact, il faut aussi avoir l’exigence de s’interroger sur la mesure et les indicateurs de son propre impact, à différentes échelles et temporalités.
Alors, est-ce encore possible de changer le monde ?
Bien sûr ! Et ce à tout moment de sa vie professionnelle. Car l’impact est d’abord un cheminement.
Quatre derniers conseils : rester optimiste (ne jamais perdre courage, même face aux plus irréductibles défaitistes), curieux (ne jamais cesser d’écouter battre le cœur du monde), lucide (sans pragmatisme, point d’impact durable) et respectueux (ne jamais oublier que sans règles, il n’y a tout simplement plus de jeu).
Dans tous les cas, l’attentisme n’est pas une option.