Le 17 novembre 2016, le Club Les Échos en partenariat avec Wavestone et Anaplan recevait la Présidente Directrice Générale du groupe RATP, Elisabeth Borne, autour du thème : « Les nouvelles mobilités ».
Elisabeth Borne et la RATP
Elisabeth Borne est diplômée de l’Ecole polytechnique et est ingénieur des ponts et chaussées. Elle est attachée au monde des transports puisqu’elle a notamment été précédemment à la direction de la stratégie de SNCF et responsable urbanisme à la ville de Paris. Sa nomination au poste de PDG de la RATP en mai 2015 fait d’Elisabeth Borne une des rares femmes à la tête d’une grande entreprise en France Créée en 1948, la RATP génère aujourd’hui un chiffre d’affaires de 5,6 milliards d’euros dont plus de 20% à l’international. L’exploitant s’organise en plus de 100 filiales et ses 60 000 salariés transportent 1,5 milliard de voyageurs par an. Le groupe réalise des investissements records en IDF avec le concours du STIF (1 832 M€ en 2015 ; + 16%*). La RATP est le 5ème acteur mondial de transport public.
Lecture de la révolution en cours dans le domaine de la mobilité et réponse de la RATP
Depuis 10 ans, on voit émerger de nouvelles gammes de solutions dans les mobilités (autopartage, covoiturage, véhicule connecté, véhicule autonome…) y compris les mobilités actives comme la marche à pied. La mobilité est un élément majeur du quotidien de ceux qui vivent et/ou travaillent dans une grande métropole mais comment la RATP peut-elle répondre à leurs attentes ? Avec l’émergence de nouveaux acteurs et l’arrivée du digital (GAFA), Elisabeth Borne parle de « bouleversement du paysage de la mobilité ». Elle est convaincue que cette évolution est une opportunité pour les acteurs traditionnels de se transformer et d’apporter des services complémentaires.
Quelles réponses de la RATP face à l’ouverture à la concurrence et à l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché ?
Le plus grand défi pour la RATP dans les années à venir : l’ouverture à la concurrence, à laquelle il faudra répondre en se différenciant de ses futurs compétiteurs. De grands enjeux se profilent avec les appels d’offres (AO) des nouvelles lignes du Grand Paris mais également la remise en concurrence du réseau historique, à commencer par le réseau Bus en 2025.
La RATP devra donc relever le défis de l’arrivée de la concurrence sur son territoire historique mais également la concurrence des acteurs du digital et des nouvelles mobilités. Les réponses de la RATP se dessinent autour de 2 axes :
- Se développer autour de nouveaux territoires pour apprendre de la concurrence et enrichir l’expérience sur de nouveaux marchés.
- Accélérer l’innovation, notamment digitale, pour répondre aux nouveaux standards et améliorer la performance économique et opérationnelle. L’objectif est de se doter d’une agilité suffisante pour être, en permanence, à la pointe de l’innovation dans le service aux voyageurs.
Elisabeth Borne est convaincue que les grands acteurs du transport resteront incontournables, « c’est un vrai métier et un vrai savoir-faire de transporter autant de voyageurs ». Le « mass transit » de demain D’ici 2030, il y aura un milliard d’habitants de plus en ville. On observe d’ores et déjà une évolution forte des attentes comme les déplacements pour des motifs autres que le travail (+45% en 10 ans), le développement du tourisme à l’échelle mondiale, la prise de conscience des enjeux environnementaux – un plus pour les acteurs du transport collectif. Face à ces tendances, Elisabeth Borne a 3 convictions :
- Le mass transit a un bel avenir
Le transport de masse reste incontournable et ne pourra pas être remplacé par les nouvelles mobilités. Avec 1,2 million de voyageurs du RER A par jour, « il faudrait créer une autoroute à trente voies dans Paris pour remplacer le métro et le RER par des voitures ou systèmes de VTC, covoiturage, etc.». Les pays qui connaissent des restrictions de leurs budgets, en Inde ou au Moyen Orient par exemple, continuent néanmoins leurs projets dans le mass transit. En revanche, la RATP doit continuer d’innover et de progresser sur la transition énergétique (transformation des bus en bus électriques et biogaz d’ici 2025), et déployer le digital dans toute l’entreprise (internet des objets, big data, processus etc.)
- Les nouvelles mobilités vont se développer, il faut que la RATP en tire parti et les intègre
Le groupe doit être un intégrateur global de mobilité mobilité et doit développer des nouvelles mobilités pour offrir une alternative à la voiture à toute heure et sur tous les territoires. Le défi de la RATP sera de rendre fluide l’utilisation de toutes ces briques de mobilité avec des applications, sur le multimodal par exemple. Afin de couvrir l’ensemble de la palette de la mobilité, il est important de nouer des partenariats ou se positionner sur les nouvelles mobilités les plus stratégiques : véhicules autonomes pour la desserte de sites fermés, réseaux peu denses, transport à la demande.
- L’innovation est cruciale et doit être permanente et rapide
« Nous devons innover afin de rester un des premiers acteurs mondiaux dans le transport notamment par des partenariats avec des startup »
A quand un réseau autonome ?
Aujourd’hui, il existe deux lignes de métro sans conducteur dont la ligne 14 créée en 1998, première ligne à grande capacité automatique. La transition vers l’automatisation du réseau progresse lentement : il est compliqué d’automatiser une ligne existante sans interruption de service et la RATP est le seul groupe au monde à avoir réussi. « C’est une prouesse technique : cela suppose des systèmes très fiables car la situation dégradée d’un appareil est difficile à gérer ». La RATP a lancé le chantier de l’automatisation de la ligne 4 (Porte de Clignancourt – Mairie de Montrouge), qui devrait être terminée à l’horizon 2022.
Comment fait-on pour gérer une entreprise sans fixer le prix de ses services ?
L’ensemble des entreprises publiques sont confrontées à la fixation du prix par les AOT (Autorité Organisatrice de Transport) mais ces dernières subventionnent la partie du coût du transport non financée par les recettes liées à la vente de tickets et d’abonnements, ce qui ne représente pas de risque économique pour la RATP. En revanche, une augmentation forte du prix pourrait désinciter les usagers. De surcroît, on peut s’inquiéter que la part du coût réelle du transport payée par les voyageurs soit de plus en plus faible (autour 30% en IDF), d’autant plus que l’enveloppe des AOT n’est pas extensible malgré leur volonté de développer le réseau.
Le digital au service de l’expérience client et des salariés
L’application de recherche d’itinéraires RATP draine 2,3 millions d’utilisateurs chaque mois. « C’est une première brique » précise Elisabeth Borne, « il faut que cette application parle multimodal, c’est un outil important pour informer en temps réel nos usagers». L’ambition de la RATP est d’en faire un outil de valeur pour les voyageurs. La RATP prévoit également une couverture 3G/4G de tout le réseau fin 2017. Aujourd’hui déjà, le groupe a développé des points wifi et de recharge des smartphones et a créé une joint-venture pour mettre en place une solution de paiement sur smartphones. La RATP a également créé en partenariat avec Gemalto, Orange et SNCF, Wizway Solutions une joint-venture dédiée au développement de la Mobilité sans contact. Les salariés de la RATP sont au coeur du plan stratégique de transformation digitale en cours. L’ensemble des collaborateurs ont été consultés et 50 000 propositions ont vu le jour. Selon Elisabeth Borne, les salariés sont « conscients des transformations à venir et sont très attachés à l’entreprise et c’est à [la RATP] de les accompagner ».
Comment la RATP répond-elle à l’enjeu de l’accessibilité ?
L’enjeu de l’accessibilité est très important pour la RATP. Aujourd’hui, le réseau de surface est accessible à tous : bus et tramways ainsi que 63 stations de RER sur 65 et l’intégralité de la ligne 14. Techniquement et financièrement, il est très difficile de rendre les 365 stations de métro accessibles aux PMR et à la population vieillissante. D’autre part, la mise en accessibilité doit également répondre aux règles de sécurité en vigueur dans les espaces souterrains.
Que fait la RATP pour assurer la sécurité de ses voyageurs suite aux événements récents ?
La forte présence humaine est au coeur du dispositif de sécurisation de la RATP, avec notamment 1 000 agents du Groupement de Protection et de Sécurisation des Réseaux (et 100 nouveaux agents en cours de recrutement), dont les compétences sont définies par le législateur, et qui assurent chaque jour des missions de prévention, de dissuasion et de sécurisation. La loi a récemment renforcé leurs prérogatives, afin qu’ils puissent notamment procéder à des fouilles et inspections visuelles des bagages. Cette présence humaine sur le réseau est complétée par les 6 000 agents de stations et gares qui sont eux aussi en position de vigilance.