En pleine expansion, l’industrie du luxe est confrontée à des défis majeurs, notamment pour satisfaire les attentes des générations Y et Z (18-34 ans) qui devraient représenter 50% du marché d’ici 2025*. Ces consommateurs privilégient des marques durables, inclusives et respectueuses de l’environnement. Cette industrie fait également face à de nouvelles réglementations, telles que la loi AGEC (Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire) ou la proposition de la Commission européenne pour un passeport numérique des produits (DPP).
Dans ce contexte, l’identité digitale des produits devient incontournable. Cette représentation numérique stocke de manière digitale toutes les informations importantes concernant un produit et ce, tout au long de son cycle de vie. L’identité digitale répond non seulement aux obligations réglementaires mais s’inscrit également dans une démarche globale visant à renforcer la responsabilité des entreprises. Pour accompagner ces dernières dans cette transition responsable, un écosystème complet de solutions émerge aujourd’hui au travers de différents cas d’usages autour du cycle de vie du produit.
Elles permettent de :
- Répondre aux exigences de réglementation et conformité,
- Tracer les matériaux et les produits afin d’optimiser la chaine d’approvisionnement,
- Garantir l’authenticité des produits et lutter contre la contrefaçon,
- Proposer une expérience client de qualité permettant d’entretenir l’image de la marque.
*“True-Luxury Global Consumer Insight” The Boston Consulting Group
Répondre aux exigences réglementaires et aux attentes des consommateurs
Dans le secteur du prêt-à-porter, la transparence est un défi majeur. Selon une enquête Ipsos Mori, 80 % des consommateurs estiment que les marques de prêt-à-porter devraient publier des informations sur leurs engagements environnementaux et 64 % seraient dissuadés d’acheter des produits associés à des pratiques polluantes. Plusieurs plateformes d’information comme Clear Fashion ou INCI Beauty ont récemment fait leur apparition pour aider les consommateurs à prendre des décisions éclairées. Ces plateformes attribuent un score faible (26%) aux 250 plus grandes marques mondiales du secteur en matière de transparence selon le Fashion Transparency Index 2023.
D’autre part, de nouvelles exigences réglementaires telles que la loi AGEC (adoptée en février 2020) ou la proposition de la Commission européenne pour un passeport numérique des produits (DPP) obligent les marques à fournir de manière digitale aux consommateurs, des informations détaillées sur les produits et leurs impacts. Plus précisement, la loi AGEC vise à accélérer la transition vers des modèles de production et de consommation plus responsables. Elle exige notamment une meilleure information des consommateurs sur la traçabilité, les matériaux utilisés, les substances dangereuses, la présence de matières recyclées et la recyclabilité des produits, tout en favorisant un format dématérialisé, gratuit et accessible au moment de l’achat. L’identité digitale des produits est donc une solution majeure pour répondre à ces obligations.
Pour faciliter la transparence, des entreprises comme FairlyMade proposent des solutions mesurant l’impact environnemental des produits et créant des QR codes rendant ces informations accessibles en ligne. Ces données sont souvent stockées grâce à la technologie blockchain, laquelle soulève des débats autour de son aspect inviolable et pérenne, ainsi que sur l’aspect éthique des blockchains spéculatives.
C’est le cas du groupe SMCP qui a décidé d’équiper tous ses produits de prêt-à-porter de ces QR codes à horizon 3 ans. De même, Everlane communique systématiquement le lieu de fabrication de ses produits en proposant, sur son site, une carte interactive accompagnée de photos et de vidéos informatives.
La traçabilité numérique pour maitriser sa chaîne d'approvisionnement
L’identité numérique des produits procure également un avantage interne aux entreprises. De nombreuses technologies telles que les puces RFID, NFC ou encore les QR codes permettent de tracer les produits tout au long de leur cycle de vie : du sourcing des matières premières, jusqu’à la vente du produit fini, son usage, et éventuellement lors d’une seconde auprès d’un nouveau propriétaire.
Ces solutions de marquage révolutionnent la gestion de la chaine d’approvisionnement en les aidant à optimiser les processus de fabrication, de stockage et de gestion en magasin. Des entreprises comme Loro Piana et Clarins utilisent cette approche pour offrir aux consommateurs une transparence complète sur l’origine et la qualité de leurs produits.
En magasin, ces mêmes technologies peuvent permettre de faciliter les inventaires, limiter le vol et localiser instantanément les produits. Des start-ups comme NEDAP, spécialisées dans l’utilisation des puces RFID, simplifient de cette manière la gestion des stocks des marques pour garantir la disponibilité de leurs produits.
La digitalisation comme outil d'authentification
Dans un contexte où la contrefaçon menace la réputation et les revenus des marques de luxe, la digitalisation des produits apparait comme une solution prometteuse permettant d’authentifier et de protéger ces derniers. Les QR codes et puces NFC offrent aux consommateurs la possibilité de vérifier l’authenticité des produits via des applications mobiles. Les puces peuvent également faire effet de certificats électroniques d’authenticité, rendant le clonage impossible et garantissant l’origine exclusive des articles.
L’intelligence artificielle est aussi l’un des nouveaux outils proposés aux marques pour lutter contre la contrefaçon. La marque Hublot s’est ainsi associé à Kerquest, une entreprise qui développe des services autour de la reconnaissance d’objets via l’analyse et le traitement d’images. Ensemble, elles ont mis au point des algorithmes permettant d’authentifier une montre grâce à la microstructure des matériaux qui la composent. Des lecteurs optiques, intégrés à la manufacture de la marque, imagent et reconstruisent en très haute définition chaque détail d’une pièce à sa sortie de production. Au moment de la vente, la boutique se charge de prendre en photo la tête de la montre et de les envoyer à l’infrastructure informatique de la marque. Elle va ensuite les traiter et activer automatiquement la garantie de la pièce (sauvegardée dans une blockchain) si celle-ci a été reconnue unitairement.
Cette technologie est particulièrement utile pour les transactions portant sur des montres de seconde main car elle permet à l’acheteur d’effectuer un contrôle de statut directement sur l’application « Hublot e-warranty » et de s’assurer que celle-ci n’a pas été volée. Ce dernier peut ainsi certifier le produit tout comme l’honneté le vendeur. La marque, quant à elle, peut rapidement prouver l’authenticité de ses produits.
Trust Place et d’autres acteurs vont plus loin en offrant aux propriétaires de produits de luxe une expérience client complète comprenant des services de réparation et des avantages exclusifs. De quoi enrichir encore plus l’expérience de ces consommateurs exigeants.
Une expérience client numérique pour renforcer l’image de marque
Une expérience client sur mesure est également un enjeu majeur pour l’industrie du luxe. L’émergence de l’identité numérique des produits ouvre de nouvelles perspectives pour les marques souhaitant renforcer les liens avec leurs clients et ce, tout au long du cycle de vie des produits. Ces nouvelles solutions permettent aux clients d’accéder à des informations exclusives, en scannant un QR code ou une étiquette NFC, permettant ainsi d’enrichir l’expérience produit avec des éléments visuels, sonores ou textuels.
L’étiquette d’authenticité de Gucci, est notamment dotée de la technologie NFC, partageant des informations détaillées sur le produit et renforçant ainsi la confiance des clients. La marque utilise également des marqueurs RFID pour un service après-vente personnalisé. D’autres acteurs proposent quant à eux une expérience digitale forte. C’est notamment le cas de Burberry qui a inauguré un “Social Retail Store” en Chine en 2020, fusionnant le monde physique et numérique avec des QR codes connectés à des écrans et offrant une expérience immersive.
Ces avancées transforment profondément les interactions avec les clients et offrent une expérience personnalisée qui renforce l’engagement et crée des liens émotionnels plus intenses avec la marque.
En conclusion
L’identité et le passeport digital des produits offrent une opportunité unique de répondre aux attentes des consommateurs et aux nouvelles réglementations environnementales. Ce virage vers la numérisation vise à améliorer la durabilité, la traçabilité, et l’efficacité de la chaîne d’approvisionnement tout en renforçant l’expérience client et la confiance envers les marques. Saisir cette opportunité nécessite une approche pragmatique, avec une analyse approfondie des services attendus et des technologies qui en découlent. En effet, il est nécessaire d’être en mesure d’envisager la pérennité de certaines de ces technologies (NFC, blockchain, RFID …) au regard de la durabilité souvent exceptionnelle des produits de luxe.
Néanmoins, plusieurs défis subsistent car la mise en place de l’identité numérique des produits nécessite, d’une part, des investissements de technologie et de formation, et d’autre part, de se conformer au cadre légal en vigueur. Les entreprises devront également surmonter les préoccupations en matière de protection des données et de la vie privée des consommateurs.
Les marques de luxe, et plus largement du retail, cherchent ainsi à trouver un équilibre entre innovation de l’expérience, préservation de leur image et savoir-faire artisanal. Même si ces entreprises sont soutenues dans leur transition par un écosystème en pleine croissance, encore peu d’acteurs proposent des solutions bout-en-bout venant répondre aux problématiques inhérentes à l’ensemble du cycle de vie du produit.