Avec le confinement, les comportements de consommation des français ont évolué significativement et certaines de ces évolutions perdureront avec plus ou moins de force. Les distributeurs et les marques doivent en tenir compte dans la reprise des promotions attendue avec la fin du confinement. Cependant, plus que jamais, les investissements promotionnels doivent faire l’objet d’une attention particulière tant car les budgets marketing et commerciaux vont être sous tension dans un contexte de reprise économique que le niveau de la consommation reste incertain. Cet article donne quelques clés pour optimiser le dispositif promotionnel des distributeurs et des marques pour, in fine, vendre plus avec moins. 

Une nouvelle donne

Le confinement a changé la donne de la consommation. Nous constatons 5 principales évolutions. On peut envisager que certaines perdureront avec plus ou moins de force :

Selon l’Insee, les dépenses des ménages français ont chuté de 17,9% en mars, comparé au mois précédent, ce qui représente la plus forte baisse mensuelle enregistrée depuis le début de la série en 1980. Dans le détail, la consommation de biens fabriqués chute lourdement (-42,3% après –0,6% en février) et les dépenses en énergie baissent fortement (-11,4% après –0,9%). Seule la consommation alimentaire augmente nettement (+7,8% après –0,1%).

Les distributeurs, marques de produits alimentaires ainsi que certaines catégories de produits de première nécessité ont connu une explosion des ventes en mars au moment de l’annonce du confinement sous l’effet d’une vague de « panic buying ». Cette tendance s’est ensuite installée pendant le confinement et élargie à d’autres catégories comme le divertissement, l’équipement informatique …

Par ailleurs, d’autres catégories ont souffert à la fois de la fermeture des magasins de distributeurs spécialisés mais également du recentrage des dépenses des ménages. A titre d’exemple, les français ont moins consommé de produits esthétiques en confinement : le rouge à lèvre, le déodorant, les parfums et les rasoirs se sont moins vendus pendant la période.

Le confinement en France et les règles qui y sont associées ont bouleversé la fréquentation des magasins. La baisse de fréquentation des magasins physique à également favorisé les méthodes de livraison à domicile et le Drive qui connaissent à ce jour une explosion jamais vue. La part de marché des ventes de produit de grande consommation en ligne représente presque 10% des ventes au global en France début avril, contre 7,5% au début de l’année 2020. Même si la livraison à domicile est en plein boom, avec des ventes qui ont doublé, plus de 80% de la croissance du e-commerce alimentaire est réalisée par le drive.

En sortie de crise du Covid-19, plus que jamais la relance de l’économie française sera primordiale. La consommation en priorité de produits français semble être une piste pour relancer l’économie du pays. Même étant confiné, les français donnent de l’importance à certains critères de choix, et principalement à l’origine du produit. Début avril, 75%  des français (LSA Consommation) déclarent essayer d’acheter local autant que possible, et 53% (LSA Consommation) déclarent favoriser les ventes directes des producteurs. Ces décisions sont appuyées par les discours du président Emmanuel Macron dans lesquels il urge les français de faire part de souveraineté et de consommer français. Nous observons également des campagnes publicitaires de distributeurs pour soutenir les producteurs locaux ainsi que des gestes de solidarité locaux envers les producteurs locaux.

Enfin, la période de confinement semble mettre en évidence une sensibilité accrue au prix. C’est en tout cas une façon d’interpréter 3 indicateurs clés de l’IRI sur la grande distribution alimentaire pendant la période :

  • Une valorisation négative des achats alimentaires : -0,04% pendant le confinement contre +0,57% le mois précédent (source : IRI)
  • Un accroissement du poids des MDD (Marque de distributeur) dans l’alimentaire : +35,3% pendant le confinement contre +34% avant (source : IRI)
  • Une augmentation des PDM (Part de marché) des enseignes discounts « allemandes » : entre +0,1% et +1,9% pendant le confinement contre -1,1% le mois précédent(source : IRI)

Ces évolutions sont-elle liées à l’incertitude économique dans laquelle nous plonge la crise sanitaire et donc amenées à se prolonger ou s’éteindront-elles rapidement dans quelques mois ? Les questions qui se posent sont les suivantes :

  • La consommation alimentaire accrue pendant confinement a-t-elle amenée les ménages à faire plus attention à ce budget ?
  • L’assortiment réduit des distributeurs, notamment via le drive / e-commerce en alimentaire a-t-il favorisé les MDD ?
  • Les contraintes sur le déplacement ont-elles éloignées les ménages des hypers-marchés favorisants indirectement les marques discounts ?

La promotion, au cœur de la reprise

La fin du confinement sonne la reprise progressive des promotions. Elles vont d’abord avoir un rôle à jouer dans la stimulation de la consommation des français, frileux car soucieux des effets de la crise économique qui s’annonce. Par ailleurs, les promotions vont jouer un rôle dans la reprise du trafic en magasins, la relance de la consommation sur les catégories « oubliées », la reconstruction des parts de marché (entre marques, enseignes et formats), la réponse à la demande de « bonnes affaires » des consommateurs.

Bien évidemment, les règles d’allocation des investissements promotionnels devront tenir compte de l’évolutions de comportements associées la fin du confinement, la reprise d’une vie normale, pour effectuer les bons arbitrages entre catégories, mécaniques promotionnelles, enseignes (pour les marques), et entre géographies / magasins (zone rouge, orange, verte par exemple).

Plus que jamais, enfin, face à la pression qui va peser sur les investissements promotionnels dans un contexte de reprise économique / de niveau de la consommation incertain, les promotions devront permettre de vendre plus avec moins.

Vendre plus avec moins

Plusieurs facteurs clés de succès pour cela. Pour nombre d’entre eux, l’accumulation de données (externes, internes) et les algorithmes issus de l’IA permettent d’augmenter significativement l’efficacité des plans promo.

Aligner la stratégie promotionnelle avec le rôle de la catégorie

Le maintien de stratégies catégorielles s’avère ardus de part l’évolution des catégories, des comportements consommateurs, et des mouvements de la concurrence.

A cet égard une approche de clustering renforcée par l’IA est utile pour valider le rôle intuité par le marketing ou déduit des études consommateurs. La détermination du rôle permet ensuite de définir une stratégie de pricing et de promotion adaptée à la catégorie, un niveau d’agressivité tarifaire.

Aligner le plan promo avec des objectifs marketing/commerciaux des catégories

La gestion des promos devrait être en ligne avec les objectifs marketing/commerciaux de l’entreprise et non basée uniquement sur l’expérience/rentabilité historique. Par exemple, si l’entreprise a un objectif de défendre ses parts de marché suite à une augmentation d’intensité de concurrence (probablement le cas après la crise du Covid-19 sur certaines catégories), elle peut se permettre de « sacrifier » la rentabilité à court terme pour maintenir un volume de vente. Autrement dit, dans un cas de lancement de produit, le plan promo doit suivre les règles prédéfinis par le marketing puisque la promo pourrait être un levier clé pour la réussite du lancement. Par exemple, si l’objectif d’un nouveau produit est de séduire de nouveaux consommateurs (non habituels), la promo devrait privilégier une mécanique comme « remise immédiate » plutôt que « 2 achetés : 3ème gratuit ».

Enfin, un suivi hebdomadaire/mensuel est crucial pour maîtriser le budget promo annuel et ajuster la stratégie de promo en temps réel. Dans le cas contraire, trop de dépenses ou très peu de dépenses du budget promo pendant certaines périodes entraîne un certain déséquilibre et l’impossibilité de s’aligner avec les objectifs marketing/commerciaux. Par exemple, une dépense de 90% du budget sur les 6 premiers mois de l’année causerait probablement une insuffisance d’investissement promo pour le reste de l’année. Par conséquent, si l’entreprise a pour objectif de défendre ses parts de marché en proposant une opération promo majeure, ce serait probablement impossible.

promotions

Choisir les opérations promotionnelles efficaces

Mesurer l’exhaustivité des effets promo

Avoir une évaluation précise de l’efficacité d’une opération promotionnelle est clé pour recentrer les plans promo sur les mécaniques promo / produits / semaine / magasins / enseigne les plus efficaces.

Une promotion a de multiples effets au-delà des revenus directs des produits en promotion et des coûts associés à l’opération commerciale. Les algorithmes de l’IA associées à des données internes et externes permettent d’isoler les effets exogènes, comme la météo, la zone de chalandise, non liés à la promotion et les effets propres à la promotion.

En termes de revenus :

  • D’une part, la promo aura un impact de cannibalisation d’autres produits à court terme, e.g. ‘Chocolat 200g’ en promo cannibalise ‘Chocolat 100g’ en fond de rayon.
  • D’autre part, une offre promo a un impact sur ce produit à court terme (donc la période de promo), mais également à moyen et long terme (donc la période après la promo). Cet impact se cache notamment derrière une cannibalisation de ce produit à long terme. Par exemple, une promo de 2 achetés, 3ème gratuit pour un produit avec une longue DLC (Date Limite de Consommation), aura un impact « stock » dans le temps. Un consommateur pourrait garder ces produits achetés pour une longue période, et donc ne plus acheter à un rythme normal comme avant.
  • Enfin, la promo sur un produits peut amener la vente d’autre produits (effet halo).

En termes de coût, à part la subvention pour la promo et le COGS (Cost of Goods Sold), il y a également d’autres coûts comme le coût de packaging spéciaux, les frais de gestion de l’enseigne (pour les marques), la différence de marge entre les produits en promo et les produits FdR (Fonds de Roulement), les coûts de supply chains, les coûts de manipulation en rayon, les pertes liées à l’obsolescence des stocks de promotions …

S’assurer de la qualité de données et challenger les hypothèses

Pour avoir une bonne appréciation de la rentabilité d’une opération promotionnelle, il est nécessaire de bien maîtriser les données clés associées aux catégories :

  • Données fournies par l’interne (contrôle de gestion / master data SI) : PMC, Prix3Net, COGS, poids net/produit, arbre hiérarchique des catégories/produits, %TVA
  • Données fournies par des panélistes (e.g. Nielsen, Kantar) : Volume sell-out, DV prospectus
  • Hypothèses fournies par des panélistes : % vente additionnelle CT, % profiteur …

S’agissant des données internes, l’expérience montre que’un travail approfondi avec les équipes du contrôle de gestion est nécessaire pour s’assurer d’une bonne prise en main par le marketing :

  • Exprimer et détailler les besoins en termes de données auprès du contrôle de gestion / master data
  • Clarifier la définition de chaque catégorie de données et vérifier certains résultats d’analyse avec le contrôle de gestion

Pour des hypothèses/paramètres clés, des tests de sensibilité sont importants pour maîtriser l’incertitude et avoir une fourchette de résultat.

Améliorer les prévisions pour réduire les ruptures et les obsolescences

Lors de la dernières décennie les approches statistiques et collaboratives n’ont que peu amélioré la performance des prévisions dans le contexte de promotions. Ces 2 dernières années nous assistons un à un essor de l’IA à la fois pour :

  • Mieux prédire et interpréter en sachant quelles variables impactent le plus les ventes promotionnelles : selon les catégories, le taux de remise et de type de promotions, la taille du magasin, etc.
  • Isoler les effets exogènes (tels que les prix concurrents, les impacts de la météo, des grèves) et endogènes (cannibalisation, effet halo)

Sur la base des derniers retours d’expériences l’IA a démontré un gain de précision dans le retail d’environ 15 pts en moyenne (65%→80%) amenant à une augmentation des ventes promotionnelles, une réduction du niveau de stock moyen et des invendus.

Construire des processus plus réactifs et plus efficaces

Un des enjeux majeurs de l’optimisation de la promotion réside également dans la capacité des retailers et acteurs de la grande consommation à (ré)agir rapidement, à fortiori lorsque la concurrence se joue entre le brick & mortar et le web. Au-delà des promotions « programmées », l’ensemble des acteurs doit avoir les moyens et l’agilité nécessaire pour répondre à des opérations coup de poings de la concurrence ou à des opportunités liées à l’actualité. Pour cela il est nécessaire de maîtriser les processus de communication associés aux promotions pour, par exemple, en modifier les prix à la dernière minute.

Il est donc indispensable pour chaque acteur d’accélérer la mise en marché (time to market) des opérations promotionnelles en supprimant, dans leurs processus de production, les taches à faible valeur ajoutée, en automatisant les taches qui peuvent l’être, en déployant les outils indispensables pour fluidifier et fiabiliser la data (pim, dam, push/pull point de vente etc.) et en simplifiant les processus internes et externes notamment tout au long de la chaîne graphique de production, depuis les pitchs agences à l’exécution prépresse en passant par la logistique, la diffusion et le traitement de la promotion (online et offline).

Réduire les coûts de mise en place d’une promotion (packaging, medias, logistique, merchandising)

Les coûts inhérents à la promotion constituent également un levier important d’optimisation de l’efficacité car ils permettent d’optimiser la marge. Une démarche d’optimisation des coûts de mise en place d’une promotion nécessite avant tout de maîtriser la dépense en TCO (Total Cost of Ownership) c’est-à-dire en coûts complets.

Pour cela, il est nécessaire d’identifier/cartographier toutes les dépenses liées à la promotion déployée : les dépenses de création, d’agences promo, de fabrication (packaging spécifiques, stickers, bundle, etc.), de logistique pré-achats (PLV, mise sous kit, co-packing, conditionnement, routage, etc.) et logistique post-achats (coûts de traitement de la mécanique promo, exemple : ODR, coupon de réduction, etc.), les coûts de contributions communication/merchandising (flyer, prospectus, TG, web…).

Après avoir cartographié vos dépenses il est indispensable de mettre en place une démarche achat, complémentaire de la démarche précédemment développée de performance de la promo, selon 3 axes d’analyse : « acheter mieux » (challenger les besoins, les spécifications, mécanique et types de promotions déployées), « acheter moins » (challenger le modèle de performance promotionnelle pour mieux cibler et cadencer les promotions) et « acheter moins cher » (benchmarker vos dépenses et mettre en place une approche redesign to cost, sélectionner les meilleurs partenaires pour vous accompagner et maximiser le couple achat/performance).