100.000 bornes accessibles au public d’ici fin 2021 : voilà l’objectif fixé par le Gouvernement aux différents acteurs du marché pour développer la mobilité électrique en France. Cette cible ambitieuse fait cependant craindre à certains utilisateurs ou acteurs du marché que la quantité de bornes, visant à densifier le territoire et à faciliter l’usage de l’électromobilité sur les grands axes, soit privilégiée au détriment de la qualité de service[1]. Cette crainte fait écho aux difficultés croissantes que les utilisateurs rencontrent notamment au niveau de l’assistance client, de la disponibilité des bornes, de la fiabilité du service ou encore de la tarification : le service associé à la recharge des véhicules électriques (VE) en est encore à ses débuts et se situe encore loin de l’expérience client du réseau thermique.
Outre la recharge pour les trajets longue distance et l’amélioration du maillage du territoire, la qualité de service constitue un enjeu majeur pour l’adoption du VE par les automobilistes français. Comme le souligne la CRE (Commission de Régulation de l’Energie), il convient de « faciliter l’acte de recharge au quotidien »[2] : il doit être simple, accessible, et le service apporté doit tendre à être irréprochable, en équivalant voire en surpassant celui proposé dans les stations essence. Cela permettrait notamment de conforter les utilisateurs qui souhaiteraient ou qui hésiteraient à passer du véhicule thermique au véhicule électrique. Mais comment rassurer les utilisateurs existants et potentiels sur la qualité de service de la recharge ouverte au public pour développer l’usage du VE ?
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Assurer la disponibilité du service : mieux vaut prévenir que guérir
« Ding-ding » : une alarme apparait sur votre tableau de bord. Il ne vous reste que 20% de batterie et vous avez encore quelques centaines de kilomètres avant d’arriver à destination. Vous vous arrêtez donc à une station de recharge rapide, en vous attendant à avoir une borne disponible et fonctionnelle.
L’expérience de recharge commence trop souvent par la difficulté à localiser une station sur son itinéraire : l’accès à la borne fait d’ailleurs partie des 3 principaux irritants à l’achat d’un VE. Tant que le maillage ne sera pas plus important, cela nécessite une anticipation des arrêts, notamment sur les grands axes. La durée d’arrêt est par ailleurs plus longue comparé au thermique, avec 20 min à 30 min de recharge contre 5 mn à 10 min pour faire un plein et payer.
Si l’itinéraire n’est pas planifié, la solution consiste à trouver une borne sur le trajet. Il devient alors nécessaire d’avoir des informations en temps réel sur la localisation, l’état des bornes et leurs disponibilités.
Mais c’est généralement lorsqu’ils arrivent en station que les utilisateurs se rendent compte que leur borne n’est pas opérationnelle.
Des applications comme Chargemap[3] tentent ainsi de recenser les bornes et leur état, grâce aux commentaires des conducteurs. La collaboration de ces utilisateurs est puissante mais malheureusement souvent incomplète : il suffit que ces retours soient anciens de quelques jours pour qu’un utilisateur ait des doutes sur son bon fonctionnement, et cela à cause d’un constat : de nombreuses bornes publiques sont régulièrement hors d’usage [4] [5].
Pour un bon fonctionnement de la recharge, il convient d’assurer une maintenance avec des entretiens réguliers, afin d’anticiper les problèmes techniques, plutôt que les corriger a posteriori et laisser les utilisateurs les subir. Par obligation légale, les bornes doivent être inspectées au moins une fois par an[6].
Ce sont en général les CPOs (Charge Point Officer) ou les fournisseurs de bornes qui effectuent cet entretien, parfois en s’appuyant eux-mêmes sur des électriciens. De nombreux opérateurs de bornes disposent de la supervision à distance, ce qui permet de gérer les reconfigurations de software ou d’analyser en amont quelle pièce doit être remplacée. Cela évite ainsi à un technicien de se déplacer plusieurs fois : une fois pour constater des éléments à changer et une autre pour effectuer le remplacement. Associée à une bonne planification des interventions sur le terrain, la supervision à distance simplifie donc l’entretien régulier du matériel. Des outils, comme SmartSchedule[7] ou encore ChargePulse[8], permettent d’ailleurs d’optimiser ces interventions en fonction de la localisation des techniciens et de la priorité des interventions.
Cette maintenance préventive, avec des entretiens fréquents et des interventions planifiées, permet de garder un niveau de disponibilité élevé (temps où la borne est fonctionnelle sur une période donnée). Les cahiers de charge des nouvelles stations de recharge mettent d’ailleurs la barre haute pour assurer la disponibilité des bornes : Total a par exemple proposé un taux minimum de disponibilité à 95% pour la reprise des bornes d’Autolib’ et Belib’ à Paris. Les 2300 points de charge seraient contrôlés par 13 employés, avec une visite de chaque borne par semaine et une intervention possible dans les 30 minutes en cas d’urgence[9] [10].
Protéger ses bornes contre les comportements abusifs : pédagogie et/ou sanction
Vous entrez donc dans votre station mais pas de chance : toutes les bornes sont occupées. Toutes ? Non, à bien y regarder, le véhicule occupant l’une des places semble ne pas se recharger car le câble n’est pas branché.
Comme remonté par l’une des associations d’utilisateurs de VE, l’ACOZE[11], les voitures ventouses sont l’un des fléaux des utilisateurs. Lorsque ces derniers ont trouvé une station avec des bornes qui fonctionnent, ils constatent parfois que les places sont occupées par des véhicules thermiques ou bien des véhicules électriques qui y stationnent sans s’y recharger. Pour éviter ces comportements, certains aménageurs ont choisi de jouer la carte de la communication : ils favorisent l’installation de panneaux de signalisation, de poteaux, de protections et de marquages au sol[12].
D’autres ont recours à du matériel de détection sur les places des bornes de recharge ou à du personnel afin de verbaliser les véhicules occupant la place abusivement[13]. Pour cela, les installeurs ont recours à des solutions technologiques combinant capteurs et télésurveillance.
Il arrive aussi qu’un utilisateur soit en train de charger son véhicule et que sa charge soit presque achevée (plus la recharge arrive à son terme, plus elle ralentit). Il est alors plus facile pour les opérateurs de punir ces utilisateurs qui subiront une tarification punitive pour cette utilisation excessive : Tesla facture ainsi 0.4€/min un véhicule branché en cas d’occupation injustifiée si la station est à 50% ou plus de capacité, 0.8€/min si la station est occupée à 100%[14]. Le tarif de Belib’ est à 0.016€/min pendant la première heure mais passe ensuite à 0.266€/min dès que cette heure est passée : le prix est multiplié par 16 pour dissuader les conducteurs à rester trop longtemps[15].
Les associations d’utilisateurs, comme l’ACOZE, recherchent cependant à éviter d’effrayer les conducteurs par ces tarifs et comptent davantage sur la communication entre conducteurs.
L’association a donc créé un disque avec une heure de prévision et un espace avec le numéro de téléphone du conducteur à contacter si jamais le véhicule est en fin de charge ou en cas d’urgence[16].
Les solutions permettent de communiquer clairement sur la réservation des places des bornes par les véhicules qui souhaitent s’y recharger. Cela permet ainsi éviter les stationnements abusifs, source d’agacement des conducteurs actuels de VE.
Fournir une recharge de qualité et garantir la puissance annoncée
Tout va bien, le conducteur était juste en train de payer à la borne et il vous laisse désormais la place, en vous glissant une remarque sur son incompréhension du fonctionnement de la recharge et de la puissance des bornes.
Les acteurs de la recharge doivent s’assurer que la qualité de la recharge soit bonne mais surtout qu’elle soit transparente, tout comme son prix. Nous traiterons d’ailleurs dans un futur article de la tarification de la recharge, qui constitue en défi en soit au développement des VE.
Les bornes doivent tout d’abord être fabriquées avec du matériel de qualité et par des fournisseurs certifiés. Ces certifications sont actuellement délivrées par deux organismes de qualification : l’AFNOR[17] ou Qualifelec[18]. Les installations doivent respecter l’ensemble des normes et réglementations en vigueur sur le territoire, que cela soit en termes de performances mais aussi de sécurité[19] [20].
En effet, la maintenance et l’installation des bornes sont délicates car les bornes sont constituées d’un ensemble de composants électromécaniques et de logicielles complexes : les acteurs intervenants doivent être compétents et qualifiés.
Garantir le bon fonctionnement des infrastructures n’est pas toujours évident, notamment en sous-terrain ou dans des zones blanches, qui rendent la communication avec la borne complexe. Il faut notamment s’assurer de la conservation et de la résilience des données pour ne pas perturber le parcours client en cas de perte de communication. En effet, la continuité du service ne doit pas être altérée, quitte à transmettre les données a posteriori.
Mais la qualité de service passe aussi par la compréhension de son fonctionnement. La recharge est en effet progressive : à titre d’exemple, une borne de 50 kW ne délivre pas 50 kW sur toute la durée de la recharge, il s’agit de la puissance maximale délivrée[21]. La recharge est en effet liée aux caractéristiques de la batterie du véhicule, à sa durée de vie et à la gestion de l’énergie. Elle dépend également de paramètres extérieurs, comme la température[22]. Les utilisateurs craignent donc de ne pas recevoir la puissance qu’ils ont demandée et qui est affichée sur la borne. Pour pallier cette difficulté, certains opérateurs, comme Fastned, détaillent le processus de charge pour notamment inciter leurs clients à ne pas recharger leur véhicule jusqu’à 100%[23]. Une autre solution consisterait à afficher la puissance délivrée en continu sur la borne.
Apporter une assistance utilisateur efficace
Votre charge se déroule sans encombre jusqu’à son terme mais elle ne semble pas se terminer sur l’écran, sur lequel le prix continue d’augmenter. Plus qu’une seule solution : contacter le service client.
Pour garantir la qualité sur tout le parcours client, les acteurs de la recharge doivent assurer un contact opérationnel avec leurs utilisateurs en cas de soucis. Cette assistance doit surtout être fiable tant que le marché n’est pas mature pour rassurer les conducteurs : à terme, lorsque le service sera plus développé, ces appels seront plus rares, tout comme le thermique. Les utilisateurs ont cependant le choix de joindre une multiplicité d’acteurs : eMSP, CPO, propriétaire de la borne, fournisseur, concessionnaire/sous-concessionnaire ou bien constructeur du véhicule.
Les différents acteurs en contact pouvant être en contact avec l’utilisateur
Pour plus de simplicité, il convient donc d’afficher clairement qui contacter sur la borne avec un numéro et les horaires auxquels le service d’assistance est accessible. Certains proposent aussi d’être contacté par mails, applications ou même les réseaux sociaux. Beaucoup d’acteurs dont Alizé[24] (Groupe Bouygues), Belib’[25] (Izivia, groupe EDF) ou Freshmile[26] proposent ainsi un service client par téléphone 7j/7, 24h/24. Ces acteurs se chargent de contacter les services supports qui correspondront au problème de l’utilisateur.
La réactivité des acteurs dépend aussi de la supervision de leurs bornes : un acteur ayant un diagnostic à distance et de la télégestion pourra intervenir rapidement pour régler le problème, parfois uniquement via téléassistance.
Ces dispositifs, assurant au client une assistance réactive, efficace et à tout moment, tendent à le rassurer, même s’il n’en a pas toujours besoin. Ce sont ces moyens qui permettront de lever les freins psychologiques et les inquiétudes des futurs potentiels utilisateurs de VE.
L’AFIREV[27] (Association Française pour l’Itinérance de la recharge électrique des Véhicules) visent à unifier les initiatives favorisant l’interopérabilité de la recharge et à proposer une compatibilité internationale des solutions en défendant le point de vue français.
L’Association a été souhaitée par E. Macron, alors Ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique en 2014. Elle est composée d’opérateurs d’infrastructure de la recharge, de fournisseurs et de producteurs de services de recharge et d’organismes représentatifs des acteurs de la Mobilité Electrique.
L’AFIREV travaille sur de nombreux chantiers comme l’interopérabilité, les modalités de paiement, la tarification, mais aussi la cohérence de la qualité de service, par une démarche collective et homogène. Pour cela, elle a proposé de nombreuses recommandations et a mis en place des chartes de qualité pour les opérateurs de recharge, de mobilité et les plateformes d’itinérance[28].
Un « Observatoire de la Qualité » a été mis en place par l’Association, afin de mettre en avant, par des enquêtes utilisateurs et des éléments factuels, les dysfonctionnements et anomalies existants sur les réseaux publics. Les premières conclusions de cet Observatoire ont d’ailleurs été récemment publiées sur www.observatoire-recharge-afirev.fr/
Finir de convaincre l'utilisateur par la transparence de l'offre
Au cours de votre voyage, vous avez pu constater certaines des nombreuses embûches qui peuvent se placer sur le trajet d’un utilisateur de VE et pourquoi ce dernier peut avoir certaines inquiétudes en amont et durant son parcours. Pourtant, des solutions existent pour lever ces difficultés.
En plus de la quantité des bornes et du maillage, la qualité de service de la recharge est indispensable au développement du VE et à son passage à un marché de masse. Il convient de garantir à l’utilisateur un parcours simple, clair mais surtout opérationnel. Cela implique donc de l’entretien et du suivi, afin d’apporter le service annoncé à l’usager en toute transparence.
La transparence est d’ailleurs un enjeu clé au niveau de la tarification de la recharge, qui, par son hétérogénéité actuelle, complexifie la compréhension de l’utilisateur dans les prix de la recharge. Avec la densification des bornes, les acteurs de la recharge sont en train d’appuyer sur l’accélérateur pour abattre ses barrières et garantir un trajet sans obstacles aux conducteurs de VE. Cela engendre des coûts mais qui sont nécessaires pour assurer quantité et qualité de service. 2021 sera-t-elle l’année du passage à la cinquième ? On se charge de vous tenir au courant !
Cliquez pour afficher les sources
[2] https://www.cre.fr/content/download/20044/256210
[6] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000033860675
[7] https://www.praxedo.com/blog/maintenance-bornes-recharge-vehicules-electriques/
[8] http://pulse.lafon.fr/content/superviser-ses-bornes
[14] https://www.tesla.com/fr_FR/support/supercharger-idle-fee?redirect=no#all-pricing
[15] http://belib.paris/portal/#/offer
[16] https://blog.acoze.org/disque-de-recharge/
[18] https://www.qualifelec.fr/
[19] http://www.ignes.fr/iso_album/recueil_pratique_irve_2018.pdf
[20] http://sigma-tec.fr/elec/normes-lois-bornes-recharge-vehicule-electrique.html
[23] https://support.fastned.nl/hc/en-gb/articles/360007699174-Charging-with-a-Kia-Niro-EV
[24] https://alizecharge.com/fr/
[25] http://belib.paris/portal/#/
[26] https://www.freshmile.com/
[27] https://www.afirev.fr/fr/accueil/
[28] https://www.afirev.fr/fr/qualite-des-services-de-lelectromobilite/