Etude réalisée en partenariat avec Wavestone et ManpowerGroup dans le cadre du Cercle Humania.

Cerclehumania

Crise post pandémique, réchauffement climatique, conflits majeurs (Russie/Ukraine et désormais Israël/Palestine) sans oublier l’inflation. Ces dernières années, les entreprises ont plus que jamais dû évoluer dans un contexte économique tumultueux et incertain qui les obligent à se transformer, à évoluer et s’adapter avec agilité pour rester dans la course. Et ces transformations s’imposent aussi au sein des entreprises, obligeant les Directions générales et les DRH à accorder leurs violons face aux exigences croissantes de leurs salariés.

Une réalité renforcée par une guerre des talents sans précédent et par une désertion de collaborateurs en quête de sens et qui imposent leurs nouvelles exigences face au monde du travail.

Alors comment réconcilier exigences individuelles et collectives, comment réaccorder les besoins des collaborateurs et ceux de l’entreprise ? Comment transformer durablement le monde du travail ? C’est pour répondre à cette question que le cabinet Wavestone et ManpowerGroup, groupe de services en Ressources Humaines et partenaires du Cercle Humania ont lancé un groupe de travail et mené une enquête sur le terrain.

Chiffres à l’appui et riches de la vingtaine d’interviews menées notamment auprès de DRH, de start-ups, ou encore d’universitaires, nous avons analysé ce défi humain sous des prismes variés : attractivité et fidélisation des talents, métiers de demain, réinvention des façons de travailler et RSE. Avec la ferme conviction que réussir à accorder les aspirations individuelles des salariés et le projet collectif des entreprises est le défi majeur des prochaines années. Celui d’une RSE au service de l’humain, qui saura transformer et construire durablement un nouveau monde du travail.

Attractivité et fidélisation : comment (ré)aligner aspirations et besoins ?

Un rapport de force qui s’est inversé

Depuis la crise pandémique, le constat est sans appel : le rapport de force entre collaborateurs et entreprises s’est inversé. Les entreprises peinent à recruter et fidéliser leurs talents. A la question « Sur une échelle de 1 à 10, quel est votre niveau de confiance dans l’atteinte de vos objectifs en matière de recrutement pour l’année 2023 ? », ils répondent en moyenne 6/10[1].

Alors comment l’expliquer ?

Malgré un contexte économique encore incertain, et un marché du travail en perte de vitesse dans certains pays, certains secteurs d’activité peinent à recruterSelon l’enquête « Besoin en main d’œuvre 2023 » de Pole Emploi, la métallurgie, la construction, la santé, l’industrie et l’automobile sont les secteurs pour lesquels la part de recrutements difficiles dépasse 70% des recrutements. Le nombre insuffisant de candidats et le profil inadéquat sont les deux principaux motifs des difficultés rencontrées par les entreprises. Pour faire face à ces difficultés, les employeurs multiplient les canaux de recrutement et élargissent le profil des candidats recherchés afin de bénéficier de viviers de candidats importants. Certains envisagent même de former des candidats n’ayant pas les compétences requises.

Happytrainees, Glassdoor, Great Place to Work, WeImpact… On ne compte plus les labels et sites de notation des entreprises en tant qu’employeur. La marque employeur y est évaluée voire même disséquée point par point par les collaborateurs eux-mêmes et sans filtre : rémunération, ambiance, culture d’entreprise, conditions de travail… Autant de thématiques qui justement s’avèrent être des critères prioritaires d’attractivité et de rétention, mais aussi les principaux motifs de démission, selon l’enquête Diot-Saci 2022 sur les leviers d’attractivité et de rétention des entreprises.

L’enjeu pour les DRH est de renforcer l’image en interne autant que d’agir sur la marque employeur. 

Transformer les menaces en opportunités

Si le contexte actuel semble complexe pour les entreprises qui souhaitent recruter, il est aussi porteur d’opportunités. Et si ces transformations étaient finalement le détonateur tant attendu, celui leur permettant enfin de se démarquer de la concurrence pour repenser en profondeur leur différenciateur marché, leurs valeurs, et de penser et communiquer sur un vrai projet d’entreprise susceptible d’attirer les talents qui partagent fondamentalement leurs ambitions ?

En faisant preuve de transparence dans leur stratégie de marque employeur, les entreprises limitent le risque d’un décalage avec l’image qui sera véhiculée d’elle sur les sites de notations. La marque employeur affichée doit ainsi devenir le reflet de ce qui s’y passe réellement dans l’entreprise, comme un véritable levier de rétention et d’attractivité. Et pour les entreprises victimes de commentaires défavorables, c’est également l’opportunité de bénéficier de retours terrains à grande échelle qui leur permettraient de rectifier certains aspects en profondeur de façon à insuffler une culture d’entreprise plus en adéquation avec les aspirations de leurs collaborateurs et futures recrues.

Si la plupart des sites de notations s’adressent en théorie à l’ensemble de la population des entreprises, beaucoup d’enquêtes ou de baromètres sont particulièrement focalisés sur les attentes des jeunes cadres diplômés. S’il existe des aspirations communes entre cadres et autres statuts professionnels, tels que salaire ou encore possibilités d’évolution, on peut noter certains écarts dans les attentes, parmi lesquelles la notion de « télétravail » qu’il est difficile de généraliser ou transposer.

L’ambition d’une entreprise qui souhaite recruter, améliorer sa rétention ou se distinguer auprès de ses populations cibles sera ici de décliner sa marque employeur et de la personnaliser en fonction des attentes et des préoccupations des populations concernées. Construire une marque employeur pertinente, transparente et personnalisée devient dès lors un levier permettant de réconcilier les aspirations individuelles et collectives tout en fédérant autour d’un socle commun. Un prérequis pour développer le sentiment d’appartenance et fidéliser.

Cédric Baecher

Cédric Baecher

partner Wavestone

Il est urgent que les entreprises créent de véritables conditions d’égalité et d’équité et que toutes les aspirations des collaborateurs d’une entreprise soient considérées à la même hauteur quelle que soit la strate managériale et quel que soit le métier

Comment vraiment réinventer nos façons de travailler ?

De nouvelles formes d’organisation du travail se sont développées avec les innovations technologiques qui ont permis une véritable généralisation du travail à distance, tendance qui s’est accélérée et ancrée à la faveur de la récente crise sanitaire.

Face à l’enjeu majeur pour les entreprises de garder les collaborateurs performants, motivés et engagés, d’autres questions se posent avec l’avènement de ces nouvelles formes de travail.

Lorsque l’on évoque les nouvelles formes de travail, on pense inévitablement au télétravail, au flex-office. Or ces types d’aménagements du travail ne sont de fait pas adaptés à tous les postes, et un bon nombre de salariés ne sont pas concernés.

Dans l’enquête ManpowerGroup/ Wavestone, à la question « Dans votre entreprise, quel pourcentage de collaborateurs bénéficient de modalités de travail flexibles (horaires, lieu de travail …) ? », les DRH répondent, pour une grande majorité, que ces modalités bénéficient à moins de 50% de leurs collaborateurs.

De nombreux métiers ne peuvent en effet s’exercer qu’en présentiel. Cette réalité, dans un contexte d’accroissement du télétravail, réservé à une petite part de la population des travailleurs peut nourrir un sentiment d’injustice. Il existe toutefois de nombreuses initiatives visant à améliorer la qualité de vie au travail des « cols bleus » : l’ergonomie du poste de travail, l’adaptation du planning et du rythme à la situation personnelle du collaborateur… 

Télétravail à temps complet ou partiel, travail hybride sont autant de formes du travail supposées satisfaire les attentes des collaborateurs et des recrues éligibles à des nouvelles modalités de travail car elles permettent en outre d’apporter un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. En effet « 70 % des cadres indiquent apprécier le télétravail parce qu’il améliore leur qualité de vie et leur bien-être en dehors du travail » dans une enquête menée par l’APEC et publiée en décembre 2022. Si le bénéfice semble évident à première vue, la réalité semble plus contrastée. Sentiment d’isolement, question de mal-être au travail, augmentation plus rapide des arrêts de travail chez les cadres… sont autant de témoins de ce bilan plus contrasté de la part des collaborateurs.  Et cette tendance est confirmée par 80% des DRH qui notent une dégradation du fonctionnement collectif associé aux nouvelles formes de travail (1).

Entre les bénéfices contrastés pour les populations éligibles au télétravail et les inégalités qu’elles peuvent susciter, les nouvelles formes de travail n’ont pas encore trouvé le bon équilibre. La réponse de certaines structures est ainsi de limiter les possibilités d’aménagement du travail pour des raisons d’égalité entre les populations éligibles ou non au télétravail. Cette réponse semble insatisfaisante quand on sait qu’il s’agit d’un levier d’attractivité et de fidélisation clé pour les DRH interrogés (1).

Les entreprises ne sont ainsi pas au bout de leur transformation pour trouver le bon équilibre et la piste d’une approche équitable et non égalitaire semble la plus appropriée pour l’atteindre. L’idée est de valoriser chaque métier en investissant sur la QVCT propre à chaque secteur et à chaque activité. Le gain recherché doit être la pérennité et la performance du collectif, ces différentes démarches devant permettre d’améliorer l’attractivité, de diminuer l’absentéisme et le turnover.

A titre d’exemple, dans une interview à Décideurs Magazine de septembre 2023, Dan Abergel, directeur des ressources humaines France, Industrie et relations sociales Monde confie que le groupe Seb a une approche tenant compte de « la spécificité et des problématiques de chacun, en tertiaire comme en production. L’accord QVT, signé en 2016 et incluant le télétravail en est un bon exemple. Concernant certains de nos salariés, nous avons opté pour l’hybridation afin qu’ils puissent être présents sur site dès que cela est nécessaire. Les collaborateurs non éligibles au télétravail ne doivent pour autant pas être négligés. D’autres mesures ont donc été mises en œuvre à leur égard telles que l’amélioration des conditions de travail, l’ergonomie des postes, la possibilité d’accompagner leurs enfants lors de la rentrée scolaire, même lorsqu’ils travaillent en équipe. Pour les salariés en équipe alternante depuis plusieurs années, des jours de repos supplémentaires ont été attribués. »

Le résultat se doit d’être gagnant/gagnant pour les salariés et l’entreprise mais cette piste nécessite de bien connaître les conditions de travail de ses collaborateurs et leurs aspirations pour pouvoir construire un modèle sur-mesure pour chaque structure et chaque métier.

Comment se préparer aux métiers de demain et repenser les manières d’apprendre ?

Le monde du travail actuel change vite et souvent de manière imprévisible. Si la récente crise sanitaire a durablement modifié nos manières de travailler, l’arrivée de l’IA au sein des entreprises ou l’accélération des nouveaux enjeux climatiques, entre autres, bouleversent nos manières de se préparer aux métiers de demain.  S’il est impossible de prédire les prochaines mutations du secteur de l’emploi et de connaitre précisément les métiers du futur, même proche, repenser les manières d’apprendre au sein des entreprises est un terreau indispensable pour permettre aux entreprises de se préparer aux métiers de demain.

Comment les entreprises doivent-elles se préparer aux métiers de demain ?

Trois évolutions majeures sont en cours et vont impacter durablement le marché du travail :

  • Tout d’abord, le vieillissement de la population va amener à développer de nouveaux métiers de service et les métiers autour de la santé vont nécessairement devoir se renforcer et innover radicalement. Selon une enquête 2024 mondiale de ManpowerGroup, le secteur de la santé et des sciences de la vie est le secteur le plus en tension en matière de talents.
  • Concernant l’innovation numérique, la digitalisation massive est d’ores et déjà enclenchée. Mais, l’arrivée récente de l’IA et de l’IA générative plus particulièrement démontrent bien la nécessité d’être capable de développer très rapidement de nouvelles compétences. Selon le même baromètre de ManpowerGroup, 76% des entreprises dans le monde ont des difficultés à recruter dans le domaine de l’IT et des technologies.
  • Enfin, le verdissement de l’emploi en lien avec le réchauffement climatique devrait voir émerger de nouveaux métiers et nécessitera que beaucoup de métiers actuels s’adaptent à cette nouvelle réalité. La Climate School d’Axa estimait, au moment de son lancement en 2021, qu’il faudrait combler, à moyen terme, une pénurie de compétences vertes. Pour autant, selon le Baromètre 2023 C3D-Wavestone, beaucoup d’entreprises en sont encore au stade de la sensibilisation ou de l’acculturation et peu ont développé des programmes de formation à l’instar du groupe BNP Paribas et de sa Sustainability Academy.

Aujourd’hui, la formation est considérée comme un vrai critère différenciateur à l’embauche et comme source d’épanouissement dans une entreprise par les salariés, et donc de fidélisation. C’est l’indicateur d’une capacité à grandir et à se projeter dans l’entreprise. Selon le livre blanc ManpowerGroup « Le monde du travail à l’heure de la transition écologique », plus de 7 employeurs sur 10 ont mis en place des stratégies de recrutement des talents que l’on appelle “Col vert. Ces derniers, qui représentent les nouveaux talents de la transition écologique, pourraient ainsi peser plus de 30 millions d’emplois d’ici 2030.

Véritable enjeu sociétal, les entreprises ne peuvent plus sous-estimer l’impact de la formation et ainsi passer à côté de l’employabilité de leurs salariés. C’est du reste un sujet dont se sont emparés de nombreuses startups du marché à l’instar de Skilmi, Toguna ou encore Neobrain. Se préparer aux métiers de demain, repenser les manières d’apprendre et ouvrir ces démarches à tout type de population permettra notamment de faire face à l’allongement du temps de travail en améliorant notamment l’employabilité des séniors, sujet à part entière. Il devient dès lors capital de miser sur les partenariats pour faire monter en compétence et pérenniser l’emploi durable des salariés. A ce titre, ManpowerGroup s’est associé à l’InnoEnergy Skills Institute afin de former jusqu’à 800 000 travailleurs européens sur l’ensemble de la chaine de valeur des batteries d’ici 2025.

Un marché riche en innovation

Le marché du développement des compétences est riche en innovations et fourmille d’idées qui vont modifier durablement notre approche des métiers de demain.

Emmanuelle Joseph-Dailly, anthropologue et auteure du livre « La stratégie du Poulpe » propose ainsi d’innover en matière de formation en mettant en place une stratégie de troc, une économie circulaire inspirée du monde du vivant.  L’idée est de mettre en place un réseau d’entraide, de collaboration, de partenariat pour échanger « des compétences ou des produits en fonction des besoins de chacun ». Concrètement, appliquer à l’entreprise, cela pourrait consister pour des collaborateurs ayant un peu plus de temps que d’habitude à le mettre à profit pour partager des compétences qu’ils ont acquises et créer des parcours de formations pour leurs collègues. Ils n’en tireront pas un bénéfice direct nécessairement, si ce n’est la reconnaissance de leurs pairs, mais pourront bénéficier de la même démarche ultérieurement. Le principe se base notamment sur la logique de réciprocité indirecte qui implique que ce n’est pas le premier émetteur qui recevra un bénéfice de celui qu’il aide, mais qu’il recevra ce dont il a besoin au moment où il en a besoin par la bonne personne.

« Permettre aux entreprises d’avoir la bonne compétence, au bon moment et au bon endroit » C’est ainsi que Paul Courtaud, CEO de Neobrain, explique simplement le positionnement de la startup. Grâce à l’IA, les collaborateurs reçoivent des propositions d’offres d’emploi et de formation personnalisées. Et les RH disposent d’informations permettant de piloter plus facilement et plus dynamiquement les compétences. Cécile Tricon Bossard, : directrice des ressources humaines de Natixis, groupe BPCE, et lauréate du prix « DRH numérique 2021 » de l’ANDRH , témoigne : « Le collaborateur est responsabilisé et devient acteur de son parcours » […] « Toutes les nouvelles solutions permettent aux équipes RH de se concentrer sur le cœur de notre métier : l’accompagnement humain ».

Skilmi s’est inspirée du principe du Compagnonnage, un système de formation dans lequel un élève apprend au contact d’un maître et à travers la pratique. Cette startup l’a transposé au monde digital pour proposer une offre additionnelle – celle du dernier kilomètre. La théorie, elle, peut être apprise ailleurs et selon des voies plus classiques. Là l’idée est de se concentrer sur la « mise en œuvre » grâce à ses pairs et surtout au moment où on en a besoin. On fait appel à un professionnel (externe ou interne à l’entreprise), un « mentor » qui partage ses savoir-faire de manière ciblée et adaptée aux attentes « immédiates ». On se concentre de manière ultra-personnalisée sur les points névralgiques bloquants, ce que ne permet pas une formation plus classique.

Dans un article des Echos, certaines entreprises décident de prendre le problème de front en se faisant elles-mêmes écoles de leurs salariés. Pour répondre à ses difficultés de recrutement, le groupe Mauffrey a par exemple créé un CFA, la Maufrey academy . De nombreux autres groupes ont également choisi d’ouvrir leur CFA sous différentes formes : CFA en propre, regroupement avec d’autres groupes ayant des besoins similaires, partenariat avec des CFA existants.

Dans tous les cas, les bénéfices sont multiples et réciproques. Pour les apprentis, ils ont la garantie d’une proposition d’embauche à la clé, un diplôme reconnu sur le marché du travail et bénéficient généralement des mêmes avantages sociaux que les collaborateurs.

Pour les entreprises, elles peuvent compléter la formation de base pour intégrer des besoins qui leur sont propres. Il s’agit également d’un levier pour mieux faire connaître certains métiers méconnus. Enfin, elles peuvent adapter leur pédagogie à la population ciblée et ainsi éviter la déperdition.

Pourquoi une learning culture ?

Pour mettre en dynamique toute l’entreprise, l’enjeu principal qui ressort est avant tout de développer une learning culture au sein de l’environnement de travail, c’est-à-dire un environnement au sein duquel l’apprentissage continu et l’innovation sont encouragés. Cela favorise l’atteinte des objectifs tout en assurant la montée en compétences des collaborateurs et la pleine réalisation de leur potentiel.

Il s’agit d’une stratégie bénéfique pour l’entreprise et les collaborateurs. Pour les entreprises, cela leur permet d’anticiper les évolutions à horizon 5 ou 10 ans et de disposer de professionnels compétents pour les métiers d’aujourd’hui et de demain. Quant aux salariés, ils deviennent acteurs du développement de leurs compétences et de la transformation des métiers.

Ainsi, se préparer aux métiers de demain est un sujet fédérateur au sein d’une entreprise car il adresse des attentes individuelles, s’assurant de l’employabilité de ses collaborateurs et au bénéfice de la performance de l’entreprise, de la fidélisation des talents tout en développant une marque employeur qui aura un impact sur l’attractivité.

La RSE au service de l’humain

Les enjeux environnementaux et sociaux ne peuvent plus être ignorés par les entreprises. La plupart d’entre elles s’en sont emparées pour des raisons à la fois légales, sociétales et sociales. En effet, la loi évolue et devient plus contraignante pour les entreprises avec notamment la Directive européenne CSRD qui entre en vigueur prochainement. Les entreprises sont également encouragées à suivre ce mouvement pour des raisons multiples : notoriété, attentes de leurs clients, attentes des collaborateurs et des candidats, attentes de plus en forte des investisseurs et des agences de notation.

Face à l’urgence, les DRH ont bien compris leur rôle dans cette transformation. 57% d’entre eux, selon l’étude ManpowerGroup / Wavestone, pensent que le vecteur premier de cette transformation est « sociale » avant d’être environnementale. Et les DRH ont un rôle pivot à jouer dans la transformation RSE de leurs entreprises. Il s’agit également de l’opportunité de réconcilier aspirations individuelles et collectives autour de 3 priorités :

1 – Co-élaborer et déployer la stratégie sociale et sociétale de l’entreprise 

La définition de la stratégie sociale et sociétale d’une entreprise est l’opportunité de mettre en place une démarche participative qui permettra de fédérer les collaborateurs et sera porteuse de sens pour eux. C‘est l’approche que Michelin a adopté avec ses 130 000 collaborateurs pour définir son « rêve d’entreprise », une concertation à large échelle (plus de 30 pays et 19 langues), rendue possible grâce à l’utilisation de Toguna.

De plus, à travers les actions qu’elle propose, l’entreprise agit en entreprise citoyenne et engagée tout en proposant des expériences uniques, collectives et solidaires aux collaborateurs. Face au foisonnement d’initiatives (mécénat de compétences, actions terrain, grandes causes, diversité et inclusion…), il s’agit surtout de choisir celles qui sont réellement fédératrices pour les collaborateurs et alignées avec la stratégie et les valeurs de l’entreprise.

Face à l’urgence d’agir contre l’impact des activités humaines dans le dérèglement climatique, les entreprises ont une responsabilité de première ligne face aux défis climatiques.

« Il est de notre devoir d’engager les organisations dans un futur plus durable à travers leurs talents pour faire face efficacement à ces bouleversements. Nous devons tous prendre conscience que c’est le changement de nos comportements, de nos façons de consommer, de produire, de travailler… qui permettra la transition écologique. Avec notre programme « Green Booster », nous sommes persuadés que nous pourrons agir efficacement face aux défis climatiques en intervenant concrètement sur l’humain et l’évolution de leurs métiers, pour impulser le changement au sein des organisations et créer un cercle vertueux et durable ».  

Sébastien Van Dyk, Directeur Général de ManpowerGroup Talent Solutions France

2 – Décliner la stratégie RSE dans les gestes métiers 

En tant que Business partner des différents métiers de l’entreprise, le DRH les accompagne dans la transformation de leurs compétences au service de l’évolution de leur business model vers une performance plus durable. Selon le Baromètre C3D-Wavestone 2023, il reste beaucoup à faire en matière de compétences et d’expertise RSE spécifiques à chaque métier. Du reste, l’étude met en exergue le fait que la mise en œuvre opérationnelle de la stratégie RSE est ralentie principalement par des problématiques RH : manque de ressources, manque d’expertise. Selon le même baromètre, 85% des entreprises répondantes ont mis en place des initiatives de vulgarisation ou de sensibilisation aux enjeux RSE quand seulement 10% des mêmes entreprises proposent des programmes spécifiques à chaque métier.

Dans le même temps, les collaborateurs doivent prendre conscience que les enjeux actuels de transformation de leur entreprise auront un impact sur le contenu de leur travail, voire feront disparaître leurs métiers. (Baromètre international Cegos Transformations, Compétences et Learning, édition 2023). Il est indispensable de montrer comment l’évolution des gestes métier du quotidien contribue à tel ou tel objectif de la stratégie RSE. A titre d’exemple, la SNCF a mis en place plusieurs actions en faveur de la sobriété hydrique. On peut notamment citer la limitation au strict nécessaire de l’usage de l’eau pour le lavage du matériel, des équipements ou locaux et l’arrosage des espaces verts. Derrière ces actions, ce sont bien des gestes quotidiens qui ont évolué pour les agents SNCF.

Source d’une performance durable pour les métiers, enjeu d’employabilité pour le DRH, ou encore source d’épanouissement et levier d’attractivité pour les collaborateurs, la transformation continue des compétences constitue ainsi une thématique sur laquelle collaborateurs et DRH s’accordent.

3 – Accompagner la transformation culturelle 

Pour réussir la transformation environnementale et sociale d’une organisation, il est indispensable de transformer en profondeur sa culture. Aujourd’hui, entreprises et collaborateurs sont convaincus sur la nécessité des changements. Et, les écogestes ont généralement permis de mettre en mouvement les organisations au commencement. Ils sont toutefois très insuffisants pour agir en profondeur. Il est nécessaire de créer une culture collective de la notion d’impact dans toutes ses dimensions et de leurs interdépendances, de la valeur de transparence qui doit y être associée pour en mesurer les progrès et en rendre compte.

Mais, l’ancrage dans la culture de l’entreprise, son incarnation en valeurs, postures et comportements nécessiteront un temps certain. Pour cela, il est indispensable que cette transformation culturelle soit incarnée par le management depuis le management exécutif jusqu’au management de proximité. Pour agir efficacement, la fonction RH doit les outiller grâce à des formations sur les enjeux RSE et sur leur rôle de manager responsable, également grâce à des guides de bonnes pratiques, des kits de communication… En parallèle, elle a un rôle central de dialogue entre les parties prenantes internes et externes afin de maintenir la cohésion sociale.

Et tout cela constitue une nouvelle opportunité pour le DRH de réconcilier aspirations individuelles et collectives.

Selon Cédric Baecher, partner Wavestone (magazine REFLETS (communauté ESSEC Alumni) N°146, avril 2023), « La RSE appelle le développement d’un narratif, rendant compte d’un cheminement et d’un dynamique collective d’amélioration continue. Il ne s’agit pas simplement de publier une raison d’être mais d’expliquer régulièrement à ses parties prenantes comment l’organisation s’est sincèrement approprié le processus de transformation durable, et comment il se déploie sur le long terme, dans le contexte propre à son secteur, à son marché et à son histoire ».

Et tout cela constitue une nouvelle opportunité pour le DRH de réconcilier aspirations individuelles et collectives.

Enquête 2023 Wavestone – ManpowerGroup auprès d’environ 50 DRH 

Nous avons mené une étude quantitative auprès d’une cible de DRH d’entreprises de plus de 500 collaborateurs en France, tous secteurs d’activité confondus. 47 DRH ont répondu dont la répartition par secteur d’activité est la suivante :

Parallèlement, nous avons mené différents entretiens qualitatifs et tenons à remercier chacune de ces personnes pour le temps qu’elle nous a consacré.

Par ordre alphabétique : Dan Abergel (Groupe Seb), , Rémy Boyer (Korian), Denis Brongniart (Solutions 30), Paul Courtaud (Neobrain), Philippe Cuenot (Mercedes-Benz), Hugues de la Giraudière (CNRS), Ida El Hicheri (Docteur en Psychologie du travail), Christophe Haag (EMLyon), Armando de Oliveira (Gendarmerie nationale), Belen Essioux-Trujillo (L’Oréal), Johan Gautier (Toguna), Roland Karsenty (Johnson Controls), Thomas Kurdjian (Skilmi), Mathieu Omnes (Actus Finance), Antoine Poincaré (Axa Climate School), Céline Ribiere (Orange), Fanny Rouhet (Wavestone), Amélie Trebulle-Denis (Palais des Thés), Frédéric Thoral (BNP Paribas)