Le 21 juillet 2020, Stéphane Pallez, Présidente directrice générale de La Française des Jeux, était l’invitée du E-Club les Echos Débats et de Wavestone pour échanger sur le thème « FDJ : Enjeux et perspectives » animé par David Barroux, Rédacteur en Chef, Les Echos.

Après une année 2019 marquée par une entrée en Bourse réussie du groupe FDJ, le premier semestre 2020 aura été l’occasion pour l’entreprise d’officialiser sa raison d’être, après un an de travail et malgré la crise COVID. C’est dans ce contexte que Mme Pallez revient sur la place de FDJ au sein du marché des jeux d’argent, l’impact de la crise de la COVID sur les activités de l’entreprise ainsi que sur sa stratégie de développement.

Un marché qui poursuit sa digitalisation et dont la croissance est tirée par les paris sportifs

Le marché des jeux d’argent en France représente 10 milliards d’euros répartis entre plusieurs acteurs, FDJ avec 50 % des parts, le PMU, les casinos, et depuis 2010 des acteurs de paris sportifs en ligne. La dynamique du marché est à la croissance, d’autant plus forte sur les paris sportifs.

FDJ propose différents types de jeux qui sont la loterie (le Loto, l’Euromillions et les tickets à gratter), qui représente 80 % de l’activité, et les paris sportifs.

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La dynamique des segments est à la croissance. Les segments traditionnels sont en croissance : Le grattage représente 50 % de l’activité avec une croissance de 5 à 7 %. Le Loto et l’Euromillions ont conservé une croissance légèrement positive, segment qui représente 20 % du CA de la loterie. Pour FDJ comme pour le marché, ce sont les paris sportifs qui ont la croissance la plus dynamique, avec des pics jusqu’à 50 % pour l’activité en ligne.

La force de FDJ est d’avoir une large base clients diversifiée et renouvelée. Un Français sur deux de plus de 18 ans a joué au moins une fois dans l’année. Les joueurs de tirage et grattage sont représentatifs de la population française. L’enjeu sur ce segment est de continuer à renouveler la base de joueurs, autant en point de vente physique qu’en ligne. Les joueurs de paris sportifs sont plutôt masculins, plus jeunes que la moyenne de la population française. L’objectif sur ce segment est de continuer à recruter et à diversifier les clients, notamment en augmentant la part des femmes, qui représentent aujourd’hui 25 % des joueurs.

Le segment des paris sportifs est le plus concurrentiel. FDJ dispose du monopole en point de vente physique. Après avoir longtemps cru que le segment allait rapidement basculer 100 % en ligne, les efforts de la FDJ pour dynamiser ses points de vente physiques ont montré qu’une croissance en boutique était possible. Mais la croissance en ligne reste plus forte qu’en point de vente.

En période de crise, la question de la corrélation entre les habitudes de jeux et la conjoncture macroéconomique se pose. De nombreuses études ont démontré qu’il n’y avait aucun lien, ni positif ni négatif, entre les mises et la situation économique.

Des initiatives initiées pré-COVID qui ont contribué à la résilience de l’entreprise

Face à la crise, trois types d’entreprises peuvent être identifiés :

  • Celles qui ont bénéficié du confinement
  • Celles qui ont subi la crise mais redémarrent avec le déconfinement
  • Celles qui ont subi le confinement et la crise et sont durablement affectées

FDJ se trouve dans la deuxième catégorie. Le confinement s’est traduit par la fermeture temporaire de 20 % des points de vente, ce qui a directement impacté les ventes de jeux. Pour la loterie, l’activité n’a pas été interrompue mais fortement ralentie en point de vente et accélérée en ligne. Les paris sportifs ont été réduits de 95 % en raison de la quasi-absence d’événements sportifs. Au total, le confinement a généré une perte de 60 % des mises, soit 200 millions d’euros de CA et 100 millions d’EBITDA (qui était de 400 millions en 2019).

La transformation vers plus d’agilité a permis de réagir rapidement face à ces pertes. En quelques semaines seulement, l’entreprise a proposé un plan d’économie sur les coûts fixes de 80 millions d’euros qui a laissé voir des résultats dès le premier semestre.

Les investissements des cinq dernières années dans la transformation digitale ont eu un double effet bénéfique pendant le confinement :

En interne, les collaborateurs ont pu télétravailler pour 97 % d’entre eux. Comme d’autres entreprises, la période a été l’occasion de mettre en lumière les avantages et les inconvénients du télétravail. L’entreprise, qui proposait déjà deux jours de télétravail par semaine à ses employés avant la COVID, n’entrera pas dans une ère binaire, 100 % à distance ou 100 % en présentiel, mais essayera de tirer profit d’un juste équilibre.

D’un point de vue « business », les efforts de digitalisation de l’activité ont permis un transfert de la distribution physique vers les jeux en ligne. La loterie en ligne connait depuis une dynamique de croissance supérieure à celle d’avant le confinement.

La crise a donc permis de confirmer que les orientations de l’entreprise étaient les bonnes ; reste à savoir quels enjeux seront prioritaires dans les prochains mois.

Une nécessité de diversification confirmée par la crise COVID.

Les problématiques rencontrées pendant la crise ont permis de confirmer la résilience de l’entreprise mais également de souligner les axes à accélérer. Les enjeux à venir se trouvent dans la diversification des réseaux et de l’activité.

D’abord la diversification et la fluidification entre les canaux de distribution. Il ne s’agit pas que de développer les ventes en ligne mais de diffuser les avantages du « online » au sein du réseau physique pour accroitre l’expérience phygitale du client et capter de nouveaux joueurs. Un indice de mesure a été mis en place pour suivre le volume de « mises numérisées ».

Il est passé de 3 % à plus de 20 % entre 2014 et 2020. 80 % de mises de paris sportif de FDJ en point de vente passent par une application. Accélérer sur le phygital permettra à FDJ d’accroitre les points de contact avec les Français qui ne fréquentent pas les buralistes par exemple.

La diversification est également primordiale pour les types de jeux et les activités.  FDJ a pu tirer son épingle du jeu pendant le confinement grâce à son atout multi-activités. En revanche, sur le marché des paris en ligne, FDJ est le seul acteur à être monoactivité. D’autres acteurs proposent par exemple du poker en ligne, activité sur laquelle les joueurs se sont « concentrés » pendant l’arrêt des compétitions sportives. Le multi-activité permet à l’entreprise le « cross selling », la « cross rétention ». Deux enjeux majeurs sur lesquels FDJ devra accélérer son développement. A noter que l’entreprise avait déjà essayé de se positionner sur le poker avant 2014, sans suite.

La diversification se fait également via des activités adjacentes, permettant de capitaliser sur les actifs déjà présents en point de vente comme le terminal de vente.  FDJ propose aujourd’hui sur l’ensemble du territoire le service DGFiP permettant de faire des paiements de proximité. L’idée serait de multiplier ce genre de services aux clients qui nécessitent peu d’investissement et crée facilement de la valeur.

Au-delà du marché français, l’entreprise a également commencé à capitaliser sur son savoir-faire en tant qu’acteur majeur de la loterie et des paris sportifs pour accompagner d’autres loteries à l’international. Elle propose de vendre le terminal de vente et l’environnement de service associé. Cet axe de développement est d’autant plus pertinent pour les paris sportifs qui se développent rapidement à l’étranger, et viennent de s’ouvrir aux Etats-Unis.

En définitive, le marché des jeux a certes été affecté par la crise COVID même si la situation ne se détériore pas à nouveau, un retour à une activité normale est envisageable d'ici à la fin 2021.