Le 22 février 2018, Wavestone a organisé une table ronde autour du thème : « comment transformer vos organisations grâce à la méthode agile ? ». Trois intervenants de marque ont été conviés pour partager leurs retours d’expériences sur la mise en place de l’Agile dans leurs organisations :
La méthode Agile représente souvent la promesse d’une entreprise plus fluide et propose une profonde transformation des façons de travailler en responsabilisant au maximum toutes les parties prenantes d’un projet. Les entreprises espèrent pouvoir délivrer de façon plus rapide leurs projets tout en évitant l’effet tunnel que confèrent les méthodes plus traditionnelles et en restant focalisé au maximum sur les besoins et attentes des clients. Parce que l’agile bouleverse les façons de prendre des décisions et les niveaux hiérarchiques traditionnels, beaucoup de questions se posent autour de l’articulation des différentes fonctions dans une organisation agile. Au-delà des DSI, berceau de l’Agile, peut-on déployer cette méthode et vision sur toutes les fonctions ? Cela concerne-t-il les projets seulement (le build) ou les produits/services déjà établis (le run) ?
Doit-on déployer l’Agile dans une organisation en Big Bang ou de manière progressive ? Nos invités nous apportent un premier éclairage sur ce que peut être une Banque ou une Assurance Agile en nous partageant les enjeux qui les ont poussés à “s’agiliser”, leurs modes de fonctionnement, les facteurs clés de succès d’une telle démarche et les difficultés rencontrées.
L’Agile pour mettre l’expérience client au cœur de l’organisation et transformer celle des collaborateurs ; la performance économique est au bout du chemin
La force de cette méthode est d’être customer centric, d’engager les collaborateurs et d’améliorer le time-to-market. Ce fut le trait d’union de ces interventions et les raisons essentielles qui ont poussé ces trois entreprises à repenser en profondeur leurs organisations.
Pour Olivier Luquet – ING Direct – le fer de lance d’une banque en ligne est l’expérience client, critère différenciant sur le marché. L’Agile permet « d’ancrer la voix du client dans l’organisation ». Avec des équipes très régulièrement « nourries » des retours utilisateurs et en capacité d’adapter régulièrement les offres et services délivrés au client, la proposition de valeur est rapidement adaptée aux tendances.
Au-delà du monde bancaire, les assureurs utilisent également la méthode agile pour répondre aux profondes transformations de ce secteur (nouvelles technologies, déformation de la masse assurable, …). C’est la vision portée par Delphine Asseraf qui souligne « [que] il est important de définir une organisation au service d’un besoin client et non d’un produit ». Allianz n’est donc pas organisée par produit d’assurance mais par écosystème de besoins clients : « ma mobilité », « ma santé »…
L’agile, c’est aussi un moyen de révolutionner l’expérience collaborateur. Chaque équipe est responsable d’un produit ou un service pour le client. Cela confère aux équipes une vision End-to-End de leur travail qui leur permet de voir les impacts concrets de leurs décisions. Avec, à la clé, un engagement plus fort des collaborateurs au quotidien dans leur mission !
Enfin, la réduction du time-to-market est un atout fort de l’Agile. Au sein d’Orange Bank, l’Agile s’est imposé comme une évidence dès lors qu’un délai de 15 mois a été imposé aux équipes pour créer une nouvelle banque.
Selon Elisabeth Sabbah, « l’agile était le seul moyen de concevoir nos offres de manière itérative ».
Côté ING, la banque en ligne a aujourd’hui un cycle de delivery hebdomadaire de son application mobile dont l’évolution est drivée par l’écoute client, assure Olivier Luquet.
Être « agile », c’est avoir une organisation orientée client, par filière, pilotée par des indicateurs de performance, composée d’équipes pluridisciplinaires, responsables et autonomes avec un manager facilitateur
Les contextes étant différents, nos trois intervenants n’ont pas déployé l’agile sur les mêmes périmètres de leur organisation. Aux vues de ses contraintes de délai, Orange Bank a déployé l’agile sur son périmètre projet essentiellement, à savoir son application mobile. A l’inverse, Allianz et ING Direct ont déployé l’agile sur l’ensemble des directions métiers, fonctions supports et IT. Certains leviers agiles (management visuel, stand-up meetings quotidiens de 15 minutes…) ont été appliqués très tôt au sein de départements focalisés sur la gestion ou le run de manière à les intégrer dans la transformation agile. C’est notamment le cas pour les CRC (centres de relation client) ou certains middle-offices de support client.
Si la mise en œuvre de la transformation agile revêt différentes formes, Orange Bank, Allianz et ING Direct se rejoignent sur plusieurs points. Tout d’abord, la création d’équipes pluridisciplinaires et autonomes (souvent appelées squads) qui prennent des décisions de façon collégiale. Chez Allianz par exemple, on retrouve des spécialistes du marketing, de l’actuariat, de l’expérience client et de la distribution dans une même équipe.
Ces équipes définissent leur propre feuille de route et s’auto-organisent entre elles pour assurer une cohérence globale.
De plus, un des objectifs majeurs de la transformation agile est d’insuffler plus de transversalité au sein de l’organisation. Ainsi, chez Allianz, cela s’est traduit par la création d’écosystèmes focalisés sur un métier regroupant l’ensemble des moyens pour remplir les missions qu’on leur confie. Chaque écosystème est composé d’autant de squads que nécessaire. Chaque écosystème est sourcé à partir des différents départements constituant l’organigramme de la Compagnie. La sélection des collaborateurs se fait par leurs managers RH respectifs qui sélectionnent et redirigent les collaborateurs vers le squad approprié en fonction du besoin opérationnel. Cette organisation a permis à Allianz de se porter l’attention sur deux objectifs majeurs : répondre au besoin du client et piloter la productivité des ressources.
À l’opposé, chez ING Direct, l’organigramme traditionnel a disparu au profit des tribus organisées sur la base des principaux métiers de la banque (épargne, crédit, relation client…) et des missions transverses associées. Cette transformation a nécessité un passage auprès des IRP.
Enfin, la mise en place de la méthode agile passe par un management plus à l’écoute permettant d’aider à la prise de décisions. A ce titre, chez ING Direct, des séances d’arbitrages organisées sous forme de CODIR (comités de direction) se produisent toutes les semaines. « On prend nos responsabilités et on se met à disposition de nos équipes », explique Olivier Luquet (ING Direct). Les différentes équipes ont la possibilité d’y présenter leurs problématiques et poser toutes leurs questions au management.
Tous les trois mois, un rassemblement commun des tribus est organisé pour partager les réalisations, les projets et traiter d’éventuels problèmes. Ces Market Places constituent un événement majeur pour diffuser la culture agile, partager les ambitions et faciliter le management des équipes. De la même façon, chez Orange Bank, des séances d’arbitrage s’organisent sous forme de COMEX (comités exécutifs) détachés avec une permanence assurée à tour de rôle par deux représentants toutes les semaines. Ce management de proximité a pour objectif essentiellement de favoriser la prise de décision en équipe.
Pour réussir la mise en place de la méthode agile, en 3 mots, il faut ACCULTURER, COMMUNIQUER et que tout le monde soit IMPLIQUÉ, en commençant par le comité de direction...
La mise en place de l’agile passe par un effort d’acculturation et d’implication de tous les membres constituant l’organisation (équipes opérationnelles, management et direction générale).
L’agile nécessite une préparation et la définition d’un process de déploiement en amont, « où l’on explique beaucoup le sens », Delphine Asseraf (Allianz). Allianz a consacré 9 mois à la réflexion et impliqué une centaine de collaborateurs dans le process.
L’un des grands facteurs clés de succès pour le déploiement de la méthode agile passe par une communication régulière. Pour Delphine Asseraf (Allianz) : « Il faut incarner une voix et fédérer ». Cela s’est traduit par la création d’un « état d’esprit agile » porté par le CEO. Cette étape a été déterminante dans l’acculturation et l’acceptation du projet par tous.
Par ailleurs, l’implication des équipes et du comité de direction sont nécessaires sur plusieurs plans. D’abord, définir les grandes priorités pour tracer les chemins des équipes. Ensuite identifier avec soin les bons profils (compétences techniques et interpersonnelles) qui vont porter et diffuser l’agile au sein de l’organisation.
Chez Orange Bank, la méthode agile a été utilisée sur le projet de création de la Banque. L’enjeu majeur c’est aujourd’hui de pérenniser cette organisation dans l’activité récurrente.