Présenté comme la prochaine révolution d’Internet, le Web 3.0 recouvre de multiples concepts — open source, blockchain, metavers, cryptomonnaies, P2P, NFT, DApps — souvent méconnus ou nébuleux. Ce sujet a suscité un nouvel engouement chez les particuliers à compter du crack COVID de mars 2020. Depuis, de nombreuses entreprises privées et institutionnels se sont emparés du sujet, une arrivée en fanfare avec des nombreux moyens de financement et une capacité inédite à transformer l’engouement en adoption. Cet emballement a conduit, malheureusement, à des échecs retentissants, tels que Terra-Luna, Three Arrows Capital, Celsius, Voyager ou encore FTX, le tout sur un fond macro-économique dégradé (guerre en Ukraine, crise énergétique, inflation, fuite des actifs risqués, …). Conséquence de tout cela : de nombreux acteurs du secteur, comme beaucoup de particuliers ayant investi une trop grosse part de leurs économies, font faillite. Pourtant, malgré la profonde perte de confiance, j’ai la conviction que 2023 sera une année de construction pour le Web 3.0 sur des fondements assainis.

Révolution technologique, économique et idéologique

Avant de voir quelles pourraient être ses implications, dans quels secteurs, je vous propose d’essayer de mieux comprendre ce qu’est le Web 3.0. Une façon simple de le définir est de dire qu’il permet de remplacer l’Internet actuel par un système décentralisé et ouvert. Chaque bloc constituant l’Internet — le stockage de fichiers, les bases de données, les serveurs, la puissance de calcul, les navigateurs, l’infrastructure de streaming, les applications, les noms de domaine, l’indexation des données — peut être remplacé par une version décentralisée et publique, partagée et détenue par l’ensemble des parties prenantes, de l’utilisateur au créateur de contenus.

Si le Web 1.0 permettait simplement d’accéder à de la donnée, et le Web 2.0 de manipuler et d’interagir avec, le Web 3.0 permettra en plus de contrôler et de valoriser la donnée dont on reste propriétaire. Revenant aux origines de ce que devait être le Web dans l’esprit de ses créateurs, le Web 3.0 s’apparente à un Internet gratuit et permissif, démocratique et non censuré, directement détenu par ses utilisateurs, très loin de ce qui s’est finalement passé avec les géants du Web 2.0 (GAMAM, AirBnB, Uber, Netflix, Spotify, …). Ce nouveau Web, qui s’annonce comme une révolution technologique, économique, idéologique et sociétale, pourrait bien devenir un incontournable de notre quotidien et transformer de nombreux secteurs, de la tech à la finance, du luxe au gaming.

Des avancées pour chaque bloc

Avant d’y arriver, il reste de nombreux défis technologiques, idéologiques, financiers ou organisationnels à relever. En 2023, les avancées seront bien réelles dans plusieurs domaines constitutifs du Web de demain.

Le Web 3.0, c’est l’incarnation de l’Internet de la valeur, où chacun peut détenir et échanger des biens numériques mais aussi posséder une partie du système. Tout cela est rendu possible grâce à l’intervention de blocs de construction qui comprennent des technologies de stockage et de transmission d’informations sans autorité centrale (blockchains), des cryptomonnaies, des contrats intelligents (smart contract), des applications décentralisées (DApps), des réseaux de peer-to-peer (P2P), des jetons non fongibles (NFT) et des organisations autonomes décentralisées (DAO).

Chacun de ces blocs présente déjà des applications concrètes dans de nombreux secteurs.

Les blockchains sont utilisées dans la traçabilité pour l’industrie, la logistique, le transport, l’agroalimentaire, la santé, mais aussi pour la certification de documents et le streaming video.

Le déploiement de contrats intelligents et d’applications décentralisées permet de sécuriser des transactions, de conserver des enregistrements, de mettre directement en relation des utilisateurs, auteurs et créateurs de contenus.

Les architectures décentralisées et réseaux de peer-to-peer remplacent certaines architectures client-serveur classiques, tandis que des alternatives décentralisées voient le jour comme navigateur internet et moteurs de recherche.

Les NFT, permettant d’authentifier l’achat d’un bien numérique, se développent rapidement dans l’art, les jeux, le luxe et les licences, tandis que le metavers, qui interconnecte les mondes numériques dans un espace virtuel, ouvre des perspectives infinies pour la tech, les jeux vidéo et les réseaux sociaux.

2023 : l’année parfaite pour construire

Les faillites en cascade de 2022 ont incontestablement contribué à générer une perte de confiance majeure des particuliers comme des professionnels vis-à-vis de l’écosystème Web 3.0. Pourtant, les acteurs à l’origine de ces échecs étaient centralisés, opaques, davantage intéressés par la spéculation et par la naïveté de leurs clients que par le potentiel d’une technologie extrêmement prometteuse…

A l’opposé, les projets purs Web 3.0, comme les blockchains publiques Bitcoin et Ethereum, ont été résilients et ont mis en lumière l’absolue nécessité de décentralisation, d’ouverture, et de consensus. Cela a le mérite de prouver que les fondamentaux sont là, et qu’ils n’ont finalement pas été remis en question par les échecs de l’année passée. Ces événements de 2022 vont toutefois avoir la vertu d’assainir drastiquement l’écosystème Web 3.0. Ce mouvement a d’ailleurs déjà commencé, et il devrait se poursuivre sur le début de l’année 2023.

Les acteurs frauduleux, sans valeur ajoutée ou qui ont pour seul modèle économique la spéculation auront du mal à survivre. Cet assainissement est finalement une aubaine, car il va faire émerger des acteurs qui auront prouvé leur résilience. Des partenaires potentiels plus sûrs pour les investisseurs. Mais ce n’est pas le seul élément qui m’amène à considérer 2023 comme l’année idéale pour s’intéresser, expérimenter, et construire le Web 3.0. 2023 devrait également être synonyme d’un renforcement de la réglementation, tant au niveau français avec l’agrément PSAN (Prestataire de Service sur Actifs Numériques) délivré par l’AMF, qu’au niveau européen, avec les lois DORA et MiCA. De quoi restaurer la confiance des acteurs et investisseurs, et poser de saines fondations pour la suite.

Enfin, de nombreuses expérimentations ont déjà été menées par les entreprises autour du Web 3.0. Ces différents retours d’expériences permettent de mettre en évidence des erreurs à éviter ainsi que des bonnes pratiques. La base, en quelque sorte, des projets futurs. Ainsi, de la multinationale à la start-up, du précurseur au suiveur, tous seront impactés de près ou de loin par le Web 3.0, et devront s’emparer du sujet dès 2023 pour ne pas en être exclu ou dépassé à terme. Sans savoir jusqu’où ira le Web 3.0, il est à peu près certain qu’il viendra tôt ou tard remplacer ou concurrencer des entreprises du Web 2.0.

Cette année s’annonce donc parfaite pour concevoir et expérimenter des initiatives décentralisées en se servant des expériences précédentes, en utilisant des briques du Web 3.0 pour développer des projets hybrides ou de nouveaux cas d’usages, en s’appuyant sur un cadre légal de plus en plus clair et en s’entourant de partenaires fiables. Il est tentant, pour conclure, de faire une analogie avec la bulle Internet spéculative de 2000 : comme à cette époque, les fondements du Web 3.0 sont bel et bien posés, et il ne vous reste plus qu’à vous les approprier.