Le 12 octobre 2021, le Cercle Lab en partenariat avec Wavestone recevait Stéphane Coste, Directeur Général Délégué de la Mutuelle Assurance de l’Education (MAE), sur le thème « Assurance du futur : les scénarios qui questionnent la raison d’être des assureurs », animé par Florian Delambily, Rédacteur en Chef, News Assurances Pro, avec la participation de Joël Nadjar, Partner chez Wavestone, et Laurence Al Neimi, Managing Partner chez Wavestone.

L’étude Wavestone sur « l’assurance du futur » : Capter l’évolution des aspirations des Sociétés et des Individus

Wavestone mène une étude prospective depuis 2018, dont l’objectif est de dégager de nouvelles tendances qui pourraient émerger dans le futur et d’imaginer l’avenir du secteur assurantiel. Dans ce cadre, une carte d’exploration a été définie en collaboration avec un écosystème de chercheurs : sociologues, géographes, historiens, philosophes, neuroscientifiques, spécialistes de la prospective pour rassembler les divers univers de connaissances, prenant en compte quatre grands domaines d’évolution : l’espèce humaine (population, migration, habitabilité…), les potentiels des technologies, le mouvement des idées, et la compréhension contemporaine des aspirations des Sociétés.

Ces réflexions ont fait émerger trois scénarios pour envisager le futur du secteur assurantiel, et qui supposent d’importantes transformations du secteur avec une concentration plus accentuée sur la raison d’être des assureurs que sur le fond du métier.

Ces scénarios ont été commentés par Stéphane Coste, qui nous a livré sa vision de l’évolution des aspirations sociétales et du positionnement que pourraient adopter les assureurs pour répondre à ses nouveaux enjeux.

Scénario 1 : Un monde en décroissance prôné par divers courants « néo malthusianistes »

Ce premier scénario de la décroissance, qu’il faudrait plus exactement appeler « a croissance », s’appuie sur le principe que le coût de la croissance économique est supérieur aux bénéfices pour la société, et incompatible avec la conservation de notre planète. Autrement dit, la finitude de la Terre au sein de laquelle les ressources naturelles sont limitées, empêchera à long terme de profiter d’une croissance permanente de la population, de l’économie ou de l’exploitation de ces ressources. Cette théorie de décroissance vise à mettre en lumière les contradictions qu’engendrent notre modèle actuel de développement et prône donc un changement de nos comportements, une nécessité de remise en cause de nos modes de vie dans les Sociétés développées et de sobriété seules à même d’assurer le bien-être du plus grand nombre sur une planète et dans un monde perçus comme limités.

Ces constats ont provoqué chez les individus une volonté forte de changement, d’activisme et ont poussé certains secteurs de l’économie à se transformer, à commencer par celui de la finance. Ainsi est née la finance d’impact qui promet d’allier soutenabilité et rentabilité.

Mais alors que l’assurance a trouvé ses racines dans la mondialisation des échanges et dans un système en perpétuelle croissance, quel pourrait finalement être le positionnement des assureurs sur ce scénario de décroissance et comment pourraient-ils faire rimer décroissance et durabilité ?

Scénario 2 : Un monde hyper technologique porté par la vision « transhumaniste »

Les sociologues, qui étaient au cœur de ces réflexions, ont montré que bien souvent dans le mouvement des idées, lorsqu’une idée se dégage son contraire émerge presque en même temps. Le 2e scénario, reposant sur un monde hyper technologique, est l’exact opposé d’un monde accroissant.

Cette pensée, dite transhumaniste, est fondée sur la conviction que l’homme possède les moyens de dépasser l’environnement dans lequel il évolue. Cette idée reflète la capacité de l’homme à définir ses propres conditions de vie en se basant principalement sur la recherche de l’excellence et de la performance, sans doute au détriment d’une recherche d’égalité. L’homme acceptera que l’humanité n’évolue pas au même rythme et les inégalités seraient alors davantage marquées. L’aspiration clé de ce monde-là est non seulement de pouvoir être performant, mais de travailler sur la santé dans le but de prolonger la vie dans de bonnes conditions. Pour lors, la santé est l’enjeu majeur de ce scénario avec un Homme qui est avant tout un esprit, une pensée qui s’incarne dans un corps. Par ailleurs ce scénario fait la part belle aux mondes virtuels qui s’interpénètre avec le monde physique. Grâce à l’Intelligence artificielle, l’homme augmenté pourrait atteindre une hypersensibilité et des états de conscience nouveaux. De nouveaux lieux et territoires d’échanges pourraient émerger dans des mondes virtuels générant peut-être de nouvelles Sociétés dans lesquelles les assureurs pourraient trouver leur place.

En quelques mots, ce scénario représente un monde à la fois hyper technologique qui accorde une place importante à l’Intelligence Artificielle, et un monde fragmenté creusant les inégalités.

Bien que certains acteurs, comme Elon Musk s’emparent complètement du sujet et préparent dès à présent les prochaines étapes de conquête de l’espace, d’homme augmenté, de vie éternelle, ce scénario c’est aussi le terreau des risques systémiques. Quelles réponses les assureurs peuvent anticiper et travailler ?

« Le scénario d’un monde hyper technologique inspiré par le transhumanisme fait la part belle aux métiers d’assisteurs et de réassureurs plus à même de gérer les risques systémiques au détriment des assureurs traditionnels. C’est une remise en cause majeure ! »
- un assureur participant au tour de table -

Scénario 3 : Un monde au développement plus équilibré dans lequel les externalités sont prises en compte dans les calculs de l’activité humaine

Ce 3ème scénario est sans aucun doute fondé sur la sobriété et décrit un fonctionnement équilibré qui prend en compte dans les décisions et les actions un ensemble plus large d’externalités. Les transformations seront plus raisonnables étant donné que l’ensemble des externalités sera inclus dans les raisonnements, principalement économiques, pour avoir une notion juste de la valeur et les coûts des actions. L’homme existera, évoluera et transformera la terre de façon raisonnable, respectant les limites de la planète.

Dans ce monde plus équilibré, les aspirations principales concerneront la vie locale et en Société, l’épanouissement de l’homme dans son écosystème et les chaînes d’approvisionnement avec des notions d’utilisation responsable des ressources.

Pour résumer, ce scénario prône une relation plus respectable et raisonnée de l’homme avec ce qui l’entoure, lui permettant d’exister et de s’épanouir en revoyant ses modes de vie et de consommation.

Le scénario du monde équilibré pourrait presque être apparenté à un monde idéal, mais aussi au monde du non-choix entre le 1er et le 2e scénario qui sont extrêmes. Finalement sur quels types de risques les assureurs devront se porter si on tend vers un monde un peu plus équilibré ?

De nouveaux territoires pour les compagnies d’Assurance

Bien que les trois scénarios présentés soient volontairement extrêmes, ils font émerger de nouveaux signaux qui peuvent aujourd’hui paraître lointains mais qui pourraient progressivement et très rapidement s’imposer comme un courant de pensées dominant. Ils supposent des transformations importantes de la Société qui auront un impact sur le secteur assurantiel. On peut imaginer que ces 3 scénarios se développent de manière parallèle ou que l’un soit la teinte dominante des prochaines décennies même avec peut-être un décalage entre le discours dominant et la réalité des mises en œuvre.

Le métier d’assureur devra évoluer et adapter ses services à la nouvelle nature de la masse assurable. Par conséquent, il consistera davantage en l’assurance des comportements plutôt que des biens. Il s’étendra à l’accompagnement, la relation et l’écoute de sa communauté pour mieux répondre à ses besoins. De plus, la moindre mutualisation des risques couplée à une forte prédictibilité pourrait mettre en exergue deux acteurs et transformer leurs métiers ; d’une part, les assisteurs apportant prédiction et service, et les réassureurs d’autre part ayant davantage la capacité de couvrir des risques qui seraient alors mondiaux.

Avec la participation de

Aloui Haitem

Haithem Aloui


Justine Louvard