« Toutes les composantes de l’entreprise doivent être regardées sous l’angle de la digitalisation »
L’accélération brutale du basculement vers le digital précipite les agendas. Ce qui était un mouvement devient un basculement, ce qui devait prendre des années semble désormais devoir arriver en quelques trimestres. Teodora Ene, Head of Corporate Relations au Hub BPI France, partage sa vision.
Le mouvement vers le digital est à l’œuvre depuis plusieurs années. Observez-vous une intensification du phénomène ?
Si les derniers mois ont apporté leur lot d’incertitudes (équilibre géopolitique bouleversé, accès aux matières premières sous tension, persistance de la pandémie et de ses conséquences, enjeux environnementaux de taille, …), ils ont également permis de confirmer la tendance de la digitalisation à pas forcés, à tous les niveaux, de l’individu à l’entreprise, en passant par l’administratif.
Cette digitalisation, anticipée comme un effet progressif et prévisible, presque calculable, pourrait, pour certains pans de l’économie traditionnelle, prendre une forme plus bouleversante. Destruction de marchés pour certains, naissance pour d’autres, les conséquences pourraient être significatives.
L’accélération de la digitalisation touche-t-elle tous les domaines ?
Nous n’avons pas fini de digitaliser tous nos commerces, que voilà le métaverse se dessiner comme un énorme mégastore, centre de nos achats de demain, de notre consommation culturelle, voire de notre « vie ». Et si l’achat de m² dans un land tracé à la plume du code informatique fait sourire certains, le bas de pyramide de Maslow n’est pas non plus épargné par l’innovation : nourriture synthétique ou via des serres agricoles spatiales, casque de simulation cérébrale pour soigner la dépression, chirurgie robotique, constructions imprimées en 3D … L’intensification du digital et plus globalement de l’innovation technologique, n’est pas uniforme dans tous les secteurs, mais l’accélération du mouvement est bien réelle.
Comment les entreprises doivent-elles réagir pour rester dans la course ?
Il faut avant tout partir du principe que toutes les composantes de l’entreprise doivent être regardées sous l’angle de la digitalisation et plus largement, de l’innovation : l’outil de production, la relation avec les fournisseurs et les clients, les fonctions cœur de cible et les transverses. Une fois le scope posé et les priorités managériales établies, il est important de s’entourer, à la fois de sachants internes ou externes, ainsi que de profils tournés vers les tendances et les possibilités technologiques existantes sur le marché. Les Directions d’Open innovation et du Digital œuvrent dans ce sens en facilitant notamment les partenariats avec des startups ou offreurs de solutions innovantes. En France, il existe un écosystème solide soutenant l’innovation, formé par des acteurs publics et privés, notamment des fonds de capital risque (en 2021, environ 100 fonds et environ 12 milliards investis).
Même si la digitalisation ne garantit pas la transformation d’une entreprise, elle peut en être un des piliers. Si l’incertitude est désormais la norme sur le marché, l’adoption des démarches faisant preuve d’ouverture et d’agilité devraient en être la base de préparation pour devenir une entreprise innovante.
Quels sont les bénéfices que les entreprises peuvent tirer de l’intensification de ladigitalisation ?
Pour les entreprises les plus disciplinées qui se sont lancées dans la digitalisation il y a déjà quelques années, les résultants en termes d’efficacité ont permis une amélioration nette de leur performance. Déjà en 2021, selon une étude Insee, 41% reconnaissaient une contribution du digital directement dans leur chiffre d’affaires. Bon nombre d’entreprises ont déjà commencé à traiter le sujet de la digitalisation (en acceptant de se donner les moyens, car oui, la digitalisation a un coût) et par conséquent ont mis en place des nouveaux outils, réflexions et méthodes de travail plus modernes. Mais elles ont aussi, plus ou moins vite, découvert que la digitalisation avait un effet bénéfique mesurable uniquement soutenue par une efficacité organisationnelle, une impulsion managériale forte et un accompagnement des collaborateurs et partenaires. L’accompagnement de l’humain pour qu’il accueille la digitalisation et en devienne l’ambassadeur fut d’ailleurs un grand sujet de préoccupation des entreprises pendant les périodes de confinement.